Le rôle des dirigeants dans les processus participatifs
Un dirigeant aurait-il besoin d'aide pour décider? Quel est le lien entre le leadership du dirigeant et les processus participatifs?
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Depuis les années 90, le monde économique vit des changements profonds: crises économiques, financières et politiques, et, au milieu de tout cela, la révolution digitale. Cette dernière, véritable «Big Bang» sur le marché économique met le dirigeant face à un enjeu majeur et va entraîner dans son sillage des exigences nouvelles:
- l’impératif d’agilité, de réactivité et de suivi en temps réel comme condition sine qua non de la réussite;
- une destruction des modèles de gestion face à la place importante que prennent l’incertitude et la surprise;
- un changement de temporalité: tout s’accélère, c’est l’ère de l’achat en temps réel, de l’apparition de nouveaux concurrents, d’un monde ultra-connecté et ultra-mondialisé toujours plus exigeant;
- les stratégies auparavant linéaires sont aujourd’hui influencées régulièrement par les facteurs inattendus externes; • la question de l’entreprise digitale (on y va, on n’y va pas?);
- la génération née dans les années 1970/80 entre comme collaborateur dans l’organisation: l’incompréhension entre les générations se fait sentir!
Bref, le monde autour du dirigeant, l’impact sur l’organisation et le travail entraînent une complexité des problématiques, qui requièrent la pluridisciplinarité et une coopération transversale des équipes autour des forces, des compétences immédiates et des expériences du terrain des uns et des autres. Le dirigeant et ses équipes se trouvent au cœur d’un mouvement permanent avec des nouvelles données bien souvent inconnues!
Quid du rôle du dirigeant?
Dans cette nouvelle réalité, un impératif stratégique s’impose au dirigeant: s’adapter aux nouveautés et aux changements. Ce qui requiert des facultés de réactivité, d’imagination et d’intelligence émotionnelle, propres à l’être humain. Cependant, il ne peut plus agir en solo face à ces nombreux défis.
Or, le dirigeant dispose de tous les ingrédients pour la mise en œuvre d’un processus participatif facilitant la recherche de solutions face aux – nombreux – défis évoqués plus haut.
En effet, il a au sein de son organisation à la fois la pluridisciplinarité et l’intelligence collective. Dans ce monde du travail complexe, les individus deviennent un vrai capital humain au service de l’entreprise. La solidarité la coopération et l’intelligence collective font désormais partie des avantages concurrentiels. Problème: celles-ci sont très souvent sous-exploitées, quand elles ne sont pas tout simplement ignorées! Car cela demande de la part du dirigeant une qualité relationnelle forte avec l’ensemble des partenaires.
La question qui se pose alors est: quelle est la place du dirigeant dans ce nouveau processus participatif? Aura-t-on encore besoin de lui?
De «solo» à «inclusif»
Généralement, la transition du dirigeant «solo» au dirigeant «inclusif» ne se passe pas sans douleur! Il s’agit d’un nouveau management réinventé et cela secoue un ensemble de systèmes de valeurs, de principes, de croyances bien ancrées et de repères du dirigeant.
La peur (bien souvent non dite) est vécue de manière plus ou moins consciente et intense: la peur du chaos, la peur de l’inconnu, la peur de l’échec, la peur de faire confiance, la peur de faire différemment. Et il y a aussi l’ego, la peur de perdre le pouvoir!
D’un coup, les émotions bannies des entreprises et considérées comme une faiblesse deviennent un levier important du changement, de la gestion de soi, des relations et des équipes. Ainsi, pour avancer, le dirigeant est obligé de reconnaître ses peurs pour ensuite les affronter et enfin arriver à résoudre ses problèmes de gestion des individus, des équipes et de l’organisation. Toutes les facultés d’un vrai leader en somme!
Car, oui, le dirigeant est avant tout un leader avec une force intérieure lui permettant non seulement de s’affirmer avec aisance, mais aussi avec un pouvoir naturel (contrairement à un pouvoir institutionnel du manager) dégagé sans effort pour:
- Rassembler ses équipes selon une logique de fonctionnement systémique autour d’une mission commune qui touche les cœurs et les portent. Cela demande la création d’une vision commune, l’innovation et la définition des objectifs à travers les processus participatifs.
- Créer les conditions pour les mettre en mouvement, avec une posture de leader inspirant confiance et qui se connecte émotionnellement à ses équipes, des émotions ayant la vertu de mettre en mouvement.
- Communiquer, ce qui implique d’avoir une bonne écoute des besoins et des avis et un dialogue ouvert, clair et vrai. Cette communication repose sur la confiance.
Ce dirigeant est un vrai leader qui inspire, car il s’estime tel qu’il est avec ses forces et ses faiblesses, ses limites, ses valeurs et ses croyances, sa vulnérabilité notamment ses peurs! C’est la clé de réussite de son leadership au sein de l’entreprise. Un leader en action est celui qui met sa tête, son cœur et son corps entier dans ses actions au bénéfice d’une mission. Ce leader est unique, il n’y en pas deux, et c’est exactement dans son unicité que réside sa valeur ajoutée.
Ce leader se tourne de manière authentique vers ses équipes, car il sait que ce sont elles les «éléments clés», apportant cette force de proposition et d’innovation et cette richesse immense qu’est l’intelligence collective. Il n’a nul besoin de gaspiller son énergie pour se positionner aux yeux des autres.
En résumé, tous les éléments sont alors réunis pour favoriser les processus participatifs dans le but de faire avancer le dirigeant dans son travail. L’expérience des acteurs de niveaux hiérarchiques différents, les compétences diverses et variées — internes à l’entreprise et aussi externes – ont toute latitude pour être mises à contribution. Avec tout le succès lié sur le plan individuel, sur la dynamique d’équipe, et sur le plan de l’entreprise (croissance, productivité etc.). Reste à bien faire les choses.
Cadre, méthodes et acteurs
Les processus participatifs bien construits sont un bénéfice à la fois pour l’entreprise, pour le groupe et pour chaque homme et femme employés. Cette méthodologie «inclusive» ne peut se faire toute seule: elle nécessite une préparation, un cadre clair et les bons acteurs. Le respect du process est primordial à la réussite.
Les méthodes participatives se basant sur l’intelligence collective sont choisies en fonction de la thématique à traiter, du «bénéficiaire», une seule personne dans l’entreprise, un groupe ou l’ensemble de l’organisation, du but fixé et du degré d’implication du dirigeant dans le processus et dans la prise de décision. Il en existe un certain nombre, le World-café, Real time strategic change (RTSC), Open space Technology (OST), la méthodologie d’OKR (pour la définition des objectifs), le Co-développement, Pro-Action Café, le cercle de coaching pour n’en citer que quelques-uns.
En outre, les processus participatifs demandent l’existence d’une culture d’erreur apprenante pour permettre aux acteurs de s’exprimer avec aisance, de l’authenticité, de la confiance, une culture de communication, notamment d’écoute. C’est aussi à ce niveau que le dirigeant leader est inspirant.
Les approches sont génératrices de construction d’idées et de connexion entre elles. Se met en lumière dès lors ce que la majorité estime important. Des choses qui semblent sans importance peuvent devenir importantes, ou l’inverse. Grâce à cette séparation entre l’essentiel et l’inutile apparaît une orientation qui peut servir de base au progrès et à la recherche de solutions notamment.
Les processus participatifs sont également une plateforme pour l’individu et la collectivité: sentiment d’appartenance, de valorisation, et source de motivation. Les collaborateurs sont fiers d’avoir contribué à la recherche d’une solution qui va au-delà de leur champ de responsabilité.
Conclusion
Le leader confiant ose miser sur les processus participatifs parce qu’ils sont rassembleurs, mobilisateurs et fédérateurs et parce que son leadership est basé sur la confiance et la collectivité. Ainsi, il donne un sens aux décisions, il génère des idées collectives, et il s’assure que les objectifs et stratégies de la direction prennent en compte les réalités existantes. N’est-ce pas la mission d’un leader?
Certes, l’introduction des processus participatifs demande du courage; un leader, un vrai, y verra un outil lui permettant de réaliser ses convictions et sa mission à la fois vis-à-vis de ses employés – le capital humain – et de l’organisation. Il dépassera ses peurs et se lancera dans cette aventure inconnue avec un certain lâcher-prise, car son choix est toujours en cohérence avec sa tête, son cœur et son corps (l’alignement de soi) et pour le progrès de l’organisation.
Pour terminer, je reviens à la notion du leadership du dirigeant. C’est à se demander si la citation de Descartes: «Je pense donc je suis» ne devrait pas être remplacée par: «Je suis donc je pense et j’agis.»
Cet article est paru dans HR Today Magazine (no 4/2021).
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