Droit et travail

L’engagement de travailleurs au-delà de l’âge de la retraite

Un employeur doit faire particulièrement attention lorsqu’il veut engager ou conserver à son service des personnes qui sont déjà au bénéfice d’une rente AVS, c’est-à-dire des femmes de plus de 64 ans ou des hommes de plus de 65 ans. 
Le droit du travail ne s’oppose pas à ce qu’une personne entreprenne ou poursuive une activité salariée alors qu’elle a dépassé l’âge légal de la retraite. Néanmoins, pour éviter tout problème, certains points devraient être sérieusement envisagés par les parties avant la conclusion d’un nouveau contrat.
 
Tout d’abord, le choix de la forme juridique. Certains retraités proposent leurs services en qualité d’indépendants à telle ou telle entreprise, voire à leur ancien employeur. La qualification du rapport de droit privé peut alors prêter à confusion, les parties croyant souvent avoir affaire à un contrat de mandat, alors que, dans une majorité de cas, elles sont en réalité liées par un contrat de travail. En effet, l’existence d’un rapport de subordination est typique d’un contrat de travail, même si le travailleur jouit d’une grande liberté dans l’organisation de son travail. Cet aspect revêt une importance toute particulière sur plusieurs points, qui sont traités différemment dans la loi.
 
Eclaircir la situation vis-à-vis des assurances sociales
Les caisses de compensation AVS appliquent des critères spécifiques – sans être forcément liées par la qualification du rap- port de droit privé – pour déterminer si l’activité lucrative envisagée doit être considérée comme indépendante, auquel cas l’indépendant est tenu de payer lui-même des cotisations; ou comme salariée, les cotisations étant alors paritaires.
 
Ainsi, en cas de doute, un chef d’entreprise avisé devrait prêter une attention particulière à la qualification juridique des relations qu’il entretient avec ses collaborateurs, y compris si ceux-ci touchent déjà une rente ordinaire de l’AVS, et prendre contact préalablement avec sa propre caisse de compensation AVS pour qu’elle se détermine sur la nature de la relation contractuelle du point de vue des assurances sociales.
 
Un mandat est résiliable en tout temps, c’est-à-dire immédiatement, même si une résiliation en temps inopportun est susceptible d’entraîner l’indemnisation d’une partie lorsque celle-ci subit un dommage. Pour ce qui est d’un contrat de travail de durée indéterminée, il ne peut en principe être résilié que moyennant le respect d’un délai légal ou contractuel de congé. Quant à la résiliation immédiate du contrat de travail, elle obéit à des règles très particulières et surtout restrictives. Il existe aussi plusieurs restrictions au droit de l’employeur de résilier de façon ordinaire un contrat de travail (maladie, accident, grossesse et maternité, accomplissement d’une obligation légale). En outre, la résiliation d’un contrat de travail peut aussi s’avérer abusive dans certains cas.
 
Les délais de congé légaux, qui sont fixés en tenant compte du nombre d’années de service, sont aussi applicables aux retraités. Mais il est possible, dans un accord écrit (nous insistons sur ce point), d’en modifier la durée, à la condition de respecter une durée minimale d’un mois. La réduction du délai de congé à un mois ou à 30 jours de calendrier peut s’avérer utile si le travailleur a déjà effectué de très nombreuses années de service auprès du même employeur. S’il s’agit d’un nouvel engagement, un temps d’essai légal d’un mois existe et peut même être porté jusqu’à trois mois, à condition de l’avoir prévu par écrit.
 
Vacances, horaires et empêchements de travailler
En ce qui concerne les vacances – payées –, elles sont typiques d’un contrat de travail, alors qu’aucune disposition similaire n’existe à l’égard du mandataire qui s’organise comme il l’entend sur ce point, étant entendu que ses vacances ne seront pas payées.
 
Quant aux horaires de travail, souvent imposés par l’employeur, ils sont typiques du contrat de travail. Le mandataire indépendant, en revanche, s’organise librement à cet égard. Les règles relatives à la protection des travailleurs contenues dans la législation fédérale sur le travail, notamment sur la durée du travail ou en cas de travail de nuit ou du dimanche, ne sont en aucun cas applicables à l’indépendant.
 
Aucune disposition n’oblige le mandant à prendre en charge la rémunération d’un mandataire qui est empêché de gérer les affaires qui lui sont confiées. En revanche, l’employeur est tenu de poursuivre le versement du salaire en cas d’empêchements non fautifs du travailleur, tels la maladie ou l’accident.
 
Comme pour les autres travailleurs, le salaire est en principe dû à 100% pendant un temps limité au travailleur retraité empêché sans sa faute de travailler. L’employeur doit donc être conscient qu’il pourra le cas échéant être tenu de verser le salaire durant de nombreux mois (application de l’échelle bernoise) à un travailleur retraité malade qui a déjà accumulé de très nombreuses années à son service.
 
Il est vivement conseillé à l’employeur qui a pour habitude d’assurer son personnel contre la perte de gain en cas de maladie de vérifier auprès de l’assureur que le travailleur déjà au bénéfice d’une rente ordinaire de l’AVS est bien couvert. En effet, dans une majorité de cas, les compagnies d’assurances suppriment purement et simplement la couverture des personnes âgées ou la limitent fortement (par exemple à 180 indemnités journalières au lieu de 720 ou couverture jusqu’à l’âge de 70 ans au plus).
 
Des tribunaux différents pour juger les litiges
Le travailleur déjà au bénéfice d’une rente ordinaire de l’AVS reste assuré et touchera aussi en parallèle des indemnités de l’assurance-accidents, le cas échéant. Il est à relever que les cotisations sont dues sur l’entier du salaire octroyé au travailleur retraité. En général, le travailleur reste actif jusqu’au moment où il atteint l’âge légal donnant droit à une rente ordinaire de l’AVS. Néanmoins, les rapports de travail ne prennent pas automatiquement fin au moment de l’ouverture du droit à la rente, à moins que cela ait été prévu expressément dans le contrat de travail, dans une CCT ou dans un règlement du personnel. Si cela n’a pas été prévu, les rapports de travail doivent être formellement résiliés, ce qui suppose le respect d’un délai de congé, ou prendre fin par le biais d’une convention de dé- part. Cela étant, l’on doit dé-duire de la jurisprudence du Tribunal fédéral que la résiliation par l’employeur du contrat de travail au motif que le travailleur atteint l’âge légal de la retraite n’est pas considérée comme abusive.
 
A noter que les tribunaux compétents en cas de litiges ne sont pas les mêmes, le contrat de mandat relevant de la justice civile ordinaire, alors que bon nombre de litiges en matière de droit du travail sont de la compétence de tribunaux particuliers (souvent dénommés tribunaux de prud’hommes), fonctionnant de manière simple, rapide et surtout gratuite.
 

Tout ce qu’il faut savoir sur les charges sociales

AVS/AI/APG: Pour les personnes qui continuent à exercer une activité lucrative au-delà de l’âge légal de la retraite, les cotisations AVS/AI/APG restent dues, mais elles ne sont calculées que sur la part du revenu dé- passant – pour chaque employeur – 1400 francs par mois ou 16800 francs par année (franchise). Tout au plus ces personnes peuvent-elles être mises au bénéfice des dispositions relatives aux salaires dits de minime importance, à savoir que les salaires n’excédant pas 2300 francs par année civile et par employeur ne sont pas soumis, sauf rares exceptions, aux cotisations AVS/AI/ APG/AC.
 
Les cotisations payées au-delà de l’âge légal de la retraite ne permettent pas d’augmenter le montant de la rente allouée. Il convient cependant de signaler la possibilité tant pour les hommes que pour les femmes de différer d’une année au minimum à cinq ans au maximum le versement de la rente de vieillesse: dans un tel cas, la prestation sera majorée d’un supplément compris entre 5,2 et 31,5%.
 
Assurance-chômage: les bénéficiaires d’une rente de vieillesse de l’AVS qui continuent à exercer une activité salariée sont libérés de la cotisation à l’assurance-chômage, mais n’ont pas droit aux prestations s’ils perdent leur emploi ou si l’employeur introduit le chômage partiel.
 
Assurance-accidents: voir plus haut.
 
Prévoyance professionnelle: d’une manière générale, l’obligation de cotiser cesse à partir du moment où le travailleur atteint l’âge donnant droit à une rente ordinaire de l’AVS. Certaines institutions de prévoyance peuvent néanmoins prévoir la possibilité d’ajourner le versement de la rente de vieillesse si l’activité lucrative est poursuivie. Il est donc vivement conseillé de consulter attentivement le règlement de la caisse de pensions pour connaître les modalités exactes ou de prendre contact avec l’institution de prévoyance concernée. Les institutions de prévoyance peuvent aussi proposer aux personnes qui souhaitent poursuivre leur activité professionnelle après l’âge ordinaire de la retraite de continuer à cotiser jusqu’à l’âge de 70 ans.

 

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Jean-Marc Beyeler est le Chef du Service juridique du Centre Patronal, à Paudex, et rédacteur responsable du Guide de l’employeur. centrepatronal.ch

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