Paroles d'administrateur

L’enjeu de nommer mais aussi de révoquer le CEO!

Il est utile de mettre sur pied un comité «nomination et rémunération» pour traiter efficacement le recrutement ou le licenciement du CEO.

Selon l’art. 716a du Code des obligations, au-delà de la haute direction (la stratégie) et de la haute surveillance, le conseil d’administration a la responsabilité de «nommer et révoquer les personnes chargées de la gestion opérationnelle». Le choix d’un-e CEO est essentiel car, en cas d’erreur, il mettra en difficulté l’entreprise pour une période de 12 à 24 mois. Ce processus de sélection doit être fait d’une manière rigoureuse et professionnelle, notamment par des entretiens et la vérification des informations et références. Michael Platen, CEO d’Aequivalent, estimait dans HR Today d’avril-mai 2017 à «31% les données erronées dans le CV d’un-e candidat-e». L’étape suivante est de procéder à un assessment. Le Conseil reçoit ainsi un rapport plus ou moins détaillé, rédigé par un spécialiste après une journée passée avec le-la candidat-e. Il est possible d’aller plus loin. J’ai participé à une séance durant laquelle une délégation du Conseil d’administration assistait à l’assessment des derniers candidats dans le cadre d’un jeu de rôle. Le postulant explique ce qu’il pense faire, puis vit le jeu de rôle pendant 30 minutes avant de faire un retour sur sa performance. Un exercice intense et difficile pour le candidat, mais très révélateur.

Enfin vient le moment important où le Conseil d’administration nomme son-sa CEO et se réjouit d’une longue et fructueuse collaboration ... Le Conseil n’est toutefois pas au bout de ses responsabilités et doit s’assurer que la direction observe la loi, les statuts et les instructions données, etc. Il arrive parfois que la situation se dégrade. Le binôme président-e / directeur-trice ne fonctionne pas, des erreurs stratégiques ou de gestion sont commises, les performances se dégradent...

A un moment donné, le Conseil d’administration doit donc gérer le côté moins agréable de la médaille. Il doit réfléchir à une possible révocation du CEO. Les médias sont prompts à réclamer la démission de la personne à la tête de l’entreprise, et c’est plus souvent le directeur-trice que le président-e qui est visé! Il y a souvent la volonté de trouver un coupable ou une victime expiatoire. Mais cela résout rarement les problèmes. Une telle décision demande un important travail de préparation auquel beaucoup de conseils ne sont pas habitués. Avant toute décision finale, il s’agit surtout d’assurer la continuité des activités opérationnelles. Qui assurera l’intérim, pour combien de temps et avec quelle intensité: un autre membre de la direction, un administrateur, le président?

Si la décision d’une révocation est prise, quelles en seront les conditions: départ immédiat ou pas, aspects financiers (salaires, fringes benefits, assurances sociales, caisse de pension, etc.) et transmission des dossiers. Et surtout, il est essentiel de préparer une communication adéquate, claire, synthétique, acceptable et compréhensible pour toutes les parties prenantes. Une liste des «nasty questions» peut se révéler précieuse. Enfin, une planification des actions à entreprendre permettra de tout préparer dans le bon ordre. Car, à partir du moment où le directeur est informé de sa révocation, tout bascule immédiatement et l’entreprise s’engage dans un processus sans retour possible!

Face aux défis de nommer les bonnes personnes à la direction opérationnelle, mais aussi d’être capable de les révoquer d’une manière adéquate, un conseil d’administration doit disposer d’un ou deux membres avec de l’expérience dans la gestion des personnes. Il est aussi utile de mettre sur pied un comité «nomination et rémunération» pour traiter efficacement ces processus et faire des propositions à l’ensemble du Conseil. Enfin, sauf dans certains cas confidentiels, ce comité doit s’entourer des compétences du responsable en ressources humaines ou d’un spécialiste externe afin de relever ces défis de la meilleure manière possible. Il y va de l’avenir de l’entreprise, sa réputation et son image.

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Dominique Alain Freymond est administrateur indépendant depuis 1997. Il est le Co-fondateur de l’Académie des Administrateurs (ACAD), qui forme et certifie des membres de conseils d’administration depuis 2010, et Vice-président du Swiss Board Institute (ex-isade) depuis 2009, une association de plus 550 administrateurs. Dominique Alin Freymond est aussi consultant en gouvernance et stratégie (www.alderus.ch).

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