Les besoins du conjoint comptent aussi

François, 50 ans, Responsable du Développement Clinique dans le canton de Vaud, vient de recevoir une proposition pour prendre la responsabilité de directeur scientifique à Bâle. Sophie, sa compagne, responsable marketing dans une entreprise de biens de consommation dans le bassin lémanique est depuis 6 mois en charge du lancement d’une nouvelle gamme. Ce challenge la passionne. Doit-elle laisser tout en plan pour suivre François?

Comment la société de Bâle, et celle de Sophie, vont gérer cette situation?

Le logement d’appoint à Bâle de lundi à jeudi pour le Lausannois est-elle vraiment la solution idéale?

Le sondage réalisé en 2011 par job4U2 (société de conseils spécialisée dans les carrières duales) auprès des responsables RH des entreprises romandes démontre que nombre de professionnels RH perçoivent les carrières tandems comme une problématique qu’il faut bien prendre en compte, si on veut embaucher à l’étranger.

En effet, 31 pour cent d’entre eux ont vécu l’expérience d’un(e) candidat(e) refusant un poste à cause de l’inquiétude liée à la carrière du conjoint. 39 pour cent ont conscience du risque de départ de l’employé si le conjoint ne trouve pas de satisfaction professionnelle sur place, 17 pour cent ont d’ailleurs vécu la situation.

D’une manière plus générale, une majorité pense que la tendance grandissante des couples où chacun mène une carrière, a un impact majeur sur la manière dont les entreprises doivent, aujourd’hui, gérer leur politique de mobilité et que proposer une solution pour ces couples donne un avantage compétitif certain en termes d’attractivité des talents.

 

Dans une économie décentralisée, la mobilité géographique des cadres est de plus en plus d’actualité, les challenges de certaines régions pour faire venir les talents sont réels. La problématique existe aussi à l’intérieur de nos frontières et pour la population embauchée en Suisse.

Pourtant, en Suisse, le sujet d’actualité reste le travail féminin, alors que depuis des décennies, chez nos voisins, que les femmes travaillent est un état de fait. Le challenge se porte davantage sur la gestion des carrières tandems.

Ici, Il arrive encore, en entretien, que l’on demande à une femme si elle compte avoir des enfants mais beaucoup plus rarement à un homme comment son épouse pourrait continuer son développement de carrière si il prenait ce poste à Delémont ou à Zoug!

Cela dit, la Suisse possède de bonnes bases pour se pencher sur la problématique avec, tout d’abord, le Bureau fédéral de l’égalité des chances (BFEG) qui dispose d’un budget pour soutenir les initiatives et une banque de données «topbox» pour les répertorier et leur donner de la visibilité.

Dans les entreprises, certains responsables RH ont pris conscience de la problématique et adressent le sujet dès les premiers entretiens. La reconnaissance de la difficulté de la situation et l’ouverture au dialogue sont déjà un premier pas en avant vers la recherche de solutions.

 

D’autres exemples de solutions sont à trouver du coté du monde académique: Natacha Rault, chargée du projet Carrière2 à l’Université de Genève a mis en place le programme DCC (Dual Career Couples program): elle apporte des solutions individualisées pour la recherche d’emploi des partenaires (hommes et femmes) du personnel académique de l’Université qu’ils arrivent de l’étranger ou d’un autre canton. Ainsi, elle a mis en place un réseau avec les autres universités (Carrière2), avec les entreprises privées de la région et avec les spécialistes de l’intégration professionnelle des conjoints en Suisse.

Moins ciblé sur le projet professionnel, mais plus sur l’intégration des conjoint(e)s étranger(e)s, on trouve, du coté de l’EPFL, le groupe ACIDE, un groupe international bénévole fait pour et par des conjoint(e)s, compagnes et compagnons des étudiant(e)s et scientifiques de l’EPFL. L’IMD n’est pas en reste, son programme d’intégration est dédié aux partenaires.

Certaines entreprises multinationales font appel à des prestataires de services spécialisés qui accompagnent les partenaires dans leur entreprise de recherche d’emploi dans la région d’accueil.

De sorte, elles améliorent considérablement leur attractivité sur le marché de l’emploi mais aussi la rétention de leur population qualifiée. En tant qu’employeurs responsables, elles participent à l’équilibrage et la limitation du risque financier des familles ayant investi dans un déménagement pour raisons professionnelles.

Il devient tout à fait imaginable que dans les toutes prochaines années, la Suisse grâce à son expérience d’accueil des talents venus de l’étranger réussisse à développer un modèle de gestion des carrières tandem là ou les voisins européens cherchent encore des solutions.

Pour l’anecdote, Sophie va quitter son poste de responsable marketing pour permettre à François d’accepter son nouveau poste à Bâle. Ce dernier s’est mis d’accord avec sa future responsable RH: Sophie va bénéficier d’un support individualisé pour la soutenir dans sa recherche d’emploi dans la région bâloise. Qui sait? Peut-être ce déménagement aura un effet positif sur leurs carrières à tous les deux.