Les défis d’avenir de la prévoyance professionnelle
Plusieurs réformes de notre système de prévoyance sont nécessaires pour répondre aux nouveaux enjeux du marché du travail: de plus en plus de travailleurs indépendants, plus de multi-activité et une plus grande volatilité des carrières.
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Tout le monde parle de la numérisation et de son potentiel commercial inépuisable. Alors que le débat public se concentre principalement sur les opportunités pour les nouveaux entrepreneurs et les menaces qui pèsent sur les acteurs existants, les questions liées à l’organisation de la prévoyance vieillesse sont reléguées au second plan.
La numérisation crée de nouveaux rapports de travail. Les frontières entre activité salariée et indépendante s’estompent. Par exemple, les conducteurs Uber sont-ils des travailleurs indépendants ou des employés? Cette distinction est décisive pour la détermination de la hauteur des cotisations salariales de l’AVS et l’assujettissement obligatoire à la prévoyance professionnelle. A l’heure actuelle, les tribunaux semblent considérer les chauffeurs comme des employés. Cependant, avec la numérisation croissante, la question du type de relation de travail continue de se poser à mesure que de nouvelles professions émergent.
Un nouveau statut?
De nouveaux concepts sont nécessaires pour garantir une prévoyance vieillesse efficace et non bureaucratique – quelle que soit la relation de travail – ou en introduisant un nouveau statut de «travailleur indépendant». Ce statut, à mi-chemin entre indépendance et salariat aurait les caractéristiques suivantes. Premièrement, une base volontaire: le statut de travailleur indépendant serait conçu comme une option supplémentaire pour les entreprises et les prestataires de travail. Personne ne doit y être obligé. Deuxièmement, une couverture sociale forfaitaire, comparable à celle du salarié normal mais moins complète. La couverture comprend l’AVS, une cotisation minimale à la prévoyance professionnelle (à partir du premier franc et sans déduction de coordination), ainsi qu’une couverture minimale en cas de maladie ou d’accident. Etant donné que les travailleurs indépendants peuvent décider de l’étendue de leur travail, le risque de chômage n’est pas couvert.
Multi-activité en augmentation
Avec la numérisation et le désir accru de flexibilité, l’importance du travail sous forme de mandats croît également. De plus en plus de personnes travaillent à temps partiel, parfois avec plusieurs employeurs, et sont encore peut-être en parallèle freelance – en tant que consultant, responsable de projet ou tout simplement chauffeur Uber. En 2017, près de 350 000 personnes travaillaient pour deux employeurs ou plus, contre seulement 150 000 en 1991.
Les emplois à temps partiel de ce type sont pénalisés au niveau de la prévoyance vieillesse, car seul le salaire au-dessus de la déduction de coordination est soumis à l’obligation LPP – quel que soit le degré d’activité. Celui qui travaille à temps partiel ou qui répartit son temps de travail entre plusieurs employeurs accumule moins de capital d’épargne dans le deuxième pilier. La sécurité financière de ces personnes est ainsi affectée lorsqu’elles partent à la retraite. La déduction de coordination est une relique du passé qui ne devrait plus être appliquée.
Avec la numérisation, il est également nécessaire de repenser l’organisation jusqu’ici plutôt paternaliste de la prévoyance professionnelle, dans laquelle un patron est responsable des salariés (à temps plein) de l’apprentissage à la retraite. Lors de la création d’une entreprise FinTech, aucun entrepreneur ne se demande comment il accompagnera ses collaborateurs jusqu’à leur retraite dans 40 ans. Par ailleurs, les jeunes employés ne souhaitent que très rarement rester aussi longtemps dans la même entreprise. En outre, qui devrait prendre le rôle de coordination en matière de prévoyance lorsque des salariés travaillent pour plusieurs entreprises en même temps?
Lier la prévoyance professionnelle aux employés
Dans ce contexte, lier la prévoyance professionnelle à l’employé plutôt qu’à son employeur s’impose. Concrètement, ceci signifie l’introduction du libre choix de la caisse de pension. Les partenaires sociaux continuent à définir l’étendue des cotisations LPP – par exemple, si celles-ci sont basées uniquement sur les minima obligatoires ou si elles vont au-delà. En revanche, pour la gestion des avoirs de vieillesse, l’employé choisit son propre prestataire.
L’importance croissante des nouvelles formes d’organisation et de rapports de travail exige l’élaboration de nouveaux concepts. Il est nécessaire de créer des modèles de prévoyance qui se focalisent davantage sur la personne assurée et non plus sur l’employeur ou le type de relation de travail.