Les dossiers prioritaires de 2014

Des pratiques de gestion RH de plus en plus internationales; la gestion des performances et le contrôle des coûts; la santé au travail et la rétention des talents figurent parmi les priorités RH de 2014 de notre échantillon. Avec un coup d’œil en Russie.

A quoi ressemblera l’année RH 2014 en Suisse romande? La réponse varie d’une entreprise à l’autre, en fonction des conjonctures de secteurs, des stratégies et des projets en cours. Les témoignages suivants illustrent cette diversité de priorités. On y retrouve les piliers traditionnels de la fonction RH: la gestion de la performance et des coûts, la formation, le recrutement et les carrières internes, la santé et la RSE (responsabilité sociale des entreprises), la culture et l’image d’employeur, les procédures administratives et, bien sûr, l’accompagnement du changement. Encore une fois, comme les années précédentes, l’accompagnement du changement reste un rôle clé du DRH dans son organisation.

Les tendances identifiées par l’étude prospective du CRQP en 2011 sont toujours d’actualité en 2014. On y retrouve quelques grands dossiers du moment. C’est le cas par exemple de la GRH ‹extra-muros›, gestion de personnels hors des frontières traditionnelles de l’organisation, gestion hors des frontières contractuelles de consultants, de stagiaires, de temporaires ou même de retraités. La GRH ‹extra-muros›, c’est aussi la GRH au-delà des frontières classiques de l’espace-temps organisationnel, gestion du home office et des équipes virtuelles. La GRH ‹durable› reste un dossier important avec des entreprises qui se soucient de la santé et de l’employabilité de leurs employés, un souci de mesure et d’accompagnement, dans un environnement souvent incertain et menaçant. La RH 2.0 est un autre grand dossier où la fonction RH est encore en train de chercher son positionnement dans la gestion des réseaux sociaux et de l’e-réputation, pour des questions de recrutement, de carrière, de formation et d’image d’employeur.

Un grand dossier enfin, très présent dans les témoignages suivants, c’est l’importance croissante de l’international dans différents domaines de la fonction RH: coordination européenne de la politique RH, perspective d’un Etat-Major suisse sur la gestion de la culture et des instruments RH dans les filiales, mais aussi recrutement d’étrangers en Suisse, avec des procédures administratives devenues plus complexes et plus incertaines depuis la votation du 9 février. Mais si l’actualité suisse récente rend la GRH internationale particulièrement brûlante, l’internationalisation des questions RH est une tendance lourde pour la plupart des entreprises en Europe, avec partout des solutions nouvelles à trouver et à négocier.

 

Marianne Pinto, DRH Europe chez Elizabeth Arden (cosmétiques)

«Le premier dossier RH prioritaire de 2014 est la rétention de nos talents. Dans une conjoncture difficile, nous créons peu de nouveaux postes et le turnover est plutôt bas. Les ouvertures de postes sont rares et les budgets de formation limités. Nous devons donc réfléchir à d’autres moyens pour retenir nos talents. Cela passe par une réflexion en profondeur sur l’organisation du travail afin de mettre en place les structures qui non seulement permettent de soutenir au mieux nos affaires mais également développer pour retenir nos talents en élargissant leurs responsabilités. Pour la partie formation et développement, nous faisons preuve de créativité et utilisons nos compétences internes. Nous avons par exemple mis sur pied un «breakfast club» trimestriel. Pendant une heure, en tout début de journée, l’un de nos responsables de département propose une formation sur des thèmes aussi variés que «finance pour non financiers», «comment certaines sociétés ont réussi à développer une forte image de marque» ou «comment protéger nos données confidentielles sur Internet». Nous avons un taux de participation important à chacune de ces sessions et les employés apprécient non seulement de pouvoir partager un moment informel autour d’un croissant que la variété des thèmes abordés. Le deuxième grand dossier prioritaire est lié aux permis de travail et à l’incertitude liée à l’après 9 février 2014. Pour mémoire, nous vivons déjà sous un régime de contingents, depuis que le Conseil fédéral a réactivé la clause de sauvegarde. En 2013, nous avons pu rencontrer les autorités pour définir comment mieux anticiper les demandes mais l’incertitude liée à la votation provoque quelques casse-têtes dans certaines procédures administratives. Par exemple, un étranger qui désire venir travailler chez nous ne peut pas ouvrir de compte bancaire sans permis de travail. Et sans compte bancaire ni permis de travail, il est difficile de signer un bail et l’adresse de résidence est requise lors de la demande de permis. Nous sommes obligés de recruter certains profils pointus à l’étranger car nous ne les trouvons pas sur le marché local et nous devons être en mesure des les embaucher rapidement. Nous espérons donc avoir rapidement une bonne visibilité sur cette nouvelle loi et la façon dont elle sera appliquée.»

 

Alain Gendre, vice-président HR Operations Europe au groupe Kudelski

«Nos priorités RH sont très en lien avec la marche des affaires. Il s’agit pour nous de conseiller et d’accompagner toutes les initiatives opérationnelles; celles qui représentent notre core business mais aussi les nouvelles. Dans ce contexte, nous suivons de près les activités de Kudelski Security, notre division consacrée à la Cyber Sécurité. Cette unité s’appuie sur les RH pour toutes les questions en lien avec le recrutement bien sûr mais aussi l’organisation, l’employer branding, l’accueil et l’intégration des nouveaux collaborateurs (on boarding).

Une autre priorité de 2014 est d’examiner les coûts avec attention. Cela passe par une réflexion sur le recrutement, la mobilité interne et le «location mix». Nous remettons également sans cesse sur l’établi les questions de management des talents et la gestion de la performance en travaillant beaucoup sur l’établissement des objectifs pour l’année.

Finalement, nous allons poursuivre nos efforts sur notre SIRH (Système d’information RH). Cet outil nous permet d’ores et déjà de nous concentrer sur la dimension humaine car les questions opérationnelles ou administratives sont grandement facilitées. Nous sommes en train de passer de plus en plus de processus sur cette plate-forme et le prochain sur la liste est le recrutement.»

 

Fabien Smadja, DRH Mirabaud & Cie SA

«Notre premier gros projet RH est de nous recentrer sur les fondamentaux culturels de la banque. Tout ce qui relève de nos valeurs et du lien entre ces valeurs et la réalité. Ces ancrages sont l’ADN qui nous distingue sur le marché. Le statut de la banque a changé en 2013 (Mirabaud est devenu l’an dernier une société en commandite, au même titre que Lombard Odier et Pictet, ndlr). Il s’agit pour nous de pérenniser l’identité de la banque qui aura 200 ans en 2019. Nous organisons, par exemple, des work-shops sur tous les aspects de notre responsabilité sociale d’entreprise.

Le deuxième gros chantier sera dédié à la santé au travail. L’objectif est d’être dans la prévention. Cela va du tabac à la «santé» dans la qualité des relations interpersonnelles. Nous sommes très vigilants aux épuisements professionnels. Le secteur bancaire est soumis aujourd’hui à de nombreuses pressions et nous devons accompagner nos collaborateurs dans la gestion de ces stress. Nous sommes très attentifs aux menus proposés dans notre restaurant d’entreprise et nous encourageons nos collaborateurs à entretenir leur condition physique.

Enfin, 2014 sera l’année de la formation chez Mirabaud. Nous voulons prendre deux à trois ans d’avance sur les obligations de formation édictées par la loi sur les formations dans les milieux financiers. Ce sera beaucoup de formations techniques à l’ISFB. Mais aussi plusieurs modules de formation en conduite d’équipe et en techniques commerciales. Nous sommes convaincus que la Suisse fera la différence demain avec des personnes super compétentes.»

 

David Souperbiet, Human Ressources Vice-President Russie et CIS chez Pepsi Co

«La Russie est très dynamique en termes de talents. Le turnover moyen des grandes entreprises se situe entre 10 et 30 pour cent! Notre priorité cette année sera donc de renforcer nos pratiques en termes de talent management. Cela passe par une stratégie d’attraction des talents très agressive. A l’interne, nous attachons beaucoup d’importance à nos hauts potentiels. Nous devons les former et les développer pour qu’ils ou elles poursuivent leur progression dans notre organisation.

Notre deuxième priorité RH sera de consolider notre organisation du travail. PepsiCo Russie s’est fortement développée ces dernières années par plusieurs acquisitions. Nous sommes aujourd’hui plus de 27 000 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 5 milliards de dollars. Comment cette organisation va-t-elle se structurer à l’avenir? Quel sera le design? Avec quelle efficacité? Où investir? La fonction RH a un rôle clé à jouer sur ces questions.

Le troisième axe prioritaire est lié aux deux premiers (talent management et développement de l’organisation). Nous avons lancé plusieurs grands chantiers liés à notre culture d’entreprise et à l’engagement des collaborateurs. Comme la société a beaucoup changé ces dernières années, c’est important que tout le monde comprenne bien ce qu’on veut faire et comment nous souhaitons y aller. Cela implique de notre part d’être à l’écoute des feed-backs et de beaucoup communiquer. Comme le marché du travail russe est très concurrentiel, ce qui fait la différence, c’est la culture d’entreprise et la réputation que nous avons sur le marché. Nous avons une culture très ouverte, très entrepreneuriale, avec beaucoup d’opportunités de croissance.»

 

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Professeur à l'université de Fribourg, Chaire RHO

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