Opinions

«Les DRH jouent un rôle tant de conseiller que d’interface»

Dans le cadre de son Master RH des Universités de Genève,  Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, Nathalie Tang-Sussmeier a réalisé un mémoire intitulé: «Le DRH,  fonction stratégique ou personne de  pouvoir?». Résultats et recommandations. 

Dans votre travail de mémoire, vous faites la distinction entre la fonction stratégique du DRH et son pouvoir. Pouvez-vous nous détailler la nuance?

Nathalie Tang-Sussmeier: Le cadre théorique sur lequel nous nous sommes référés pour notre travail de mémoire est une analyse de contenu sur plusieurs dizaines de manuels de GRH qui révèle un discours dominant postulant pour une fonction RH stratégique et un discours minoritaire qui met en avant une fonction RH de facilitateur et introduit les notions de pouvoir et de négociation.

Dans le 1er cas de figure, le DRH est l’acteur principal de la bonne performance économique aux commandes d’une GRH stratégique. Dans le 2ème cas de figure, l’acteur clé n’est plus le DRH, mais la direction dont toutes les décisions stratégiques ont un impact sur la GRH, ainsi que la ligne hiérarchique, qui a son propre point de vue sur ces questions et ses propres intérêts, et avec laquelle il faut négocier la mise en œuvre des outils et politiques. Il ne parvient pas à agir de la manière dont il le souhaite puisque l’organisation ne lui reconnaît pas la légitimité à agir. De plus, l’expertise du DRH n’est plus considérée comme indispensable dans la prise de décision, mais plutôt comme facilitant la mise en œuvre des décisions. Dans cette situation, afin d’atteindre un niveau de statut suffisant pour peser sur l’organisation, il va devoir avoir recourt à d’autres ressources que celles prévues par l’organisation, les sources de pouvoir. Il peut, soit avoir recours au pouvoir du marginal sécant qui maîtrise les liens et réseaux relationnels et joue alors le rôle d’intermédiaire entre le monde des collaborateurs et celui de la direction, soit avoir recours au pouvoir de l’aiguilleur qui détient l’information. En d’autres mots, soit l’organisation lui reconnaît la légitimité de sa fonction et le considère comme une fonction stratégique, soit le DRH ne bénéficie pas de cette légitimité et a recours à la négociation et au pouvoir pour asseoir son statut.

Quels sont les résultats principaux de votre enquête?
Si l’on se réfère au cadre théorique, les résultats de notre enquête devraient aboutir à une fonction RH stratégique (puisqu’il s’agit du discours dominant), mais au final, aucun des deux rôles ne ressort clairement dans les résultats. En effet, la réalité montre une dimension stratégique de la fonction RH plutôt nuancée et une reconnaissance par les collaborateurs et par la ligne hiérarchique plutôt ambivalente. Les DRH jouent un rôle tant de conseiller que d’interface, ce dernier leur conférant un pouvoir du marginal-sécant (1)

La fonction RH essaie de se positionner depuis 15 ans en tant que partenaire stratégique. Ces efforts ont-ils porté leurs fruits?
Oui, mais cela ne reste pas suffisant. Il est clair que les DRH tentent de renforcer leur autorité formelle dans le but de se positionner comme partenaire stratégique en recourant par exemple à des systèmes d’indicateurs plus ou moins sophistiqués, mais ils reconnaissent devoir continuer à les optimiser.

Quelles recommandations donneriez-vous à un DRH qui cherche à gagner du pouvoir? 
La recherche du pouvoir n’est pas tant une fin en soi; en effet, le pouvoir émerge lorsque l’autorité ne suffit pas. Par conséquent, la fonction RH ne doit cesser de démontrer la valeur ajoutée de son travail par des leviers d’action tels que les indicateurs qui mettent en évidence la contribution des RH à la performance de l’entreprise. Elle doit aussi surtout faire preuve de persévérance. En effet, elle ne doit pas s’endormir sur ses lauriers. Elle doit pouvoir défendre ses projets, mettre en avant ce qu’elle peut offrir, constamment revenir à la charge pour parvenir à convaincre en produisant des signes de sa légitimité et finalement trouver un équilibre entre ce qu’on attend d’elle et ce qu’elle souhaite atteindre.

(1) Selon Crozier et Friedberg, le «marginal-sécant est  acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer un rôle indispensable d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action différentes, voire contradictoires.»

Nathalie Tang-Sussmeier

Dans le cadre de son Master RH des Universités de Genève,  Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, Nathalie Tang-Sussmeier a réalisé un mémoire intitulé: «Le DRH,  fonction stratégique ou personne de  pouvoir?»

 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

Plus d'articles de Marc Benninger