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Les frontaliers: un facteur de risque pour vos coûts?

De nombreux frontaliers travaillent en Suisse, surtout des Français. Des règlementations européennes déterminent dans quel pays les frontaliers doivent payer les assurances sociales. Or, en pratique, ces dispositions sont presque impossibles à appliquer par les employeurs. 
Les règlements UE 883/2004 et 987/2009 déterminent dans quel pays les frontaliers doivent payer les assurances sociales (principe de l’assujettissement aux assurances sociales au lieu de travail pour les citoyens suisses et les citoyens de l’UE). Ils ont été actualisés en date du 1er janvier 2015, lorsque le règlement correctif 465/2012 a été adopté. Cela a permis à la Suisse de clarifier l’assujettissement aux assurances sociales des personnes pluriactives1. 
 
Des incertitudes fondamentales demeurent néanmoins à ce jour quant à l’application de ces dispositions européennes, notamment en ce qui concerne la période déterminante et le calcul de l’activité substantielle.
 

Assujettissement en cas de pluriactivité d’un frontalier

Si un frontalier travaille simultanément ou alternativement dans plusieurs pays, son revenu total obtenu dans tous ces pays est soumis aux assurances sociales de son pays de domicile, s’il y exerce une activité substantielle (plus de 25 %). Pour les entreprises, cette règle des 25 % constitue théoriquement un allègement: par le passé, même une activité marginale dans le pays de domicile entraînait pour l’employeur suisse un assujettissement de son employé aux assurances sociales étrangères. Des cotisations très élevées devaient être versées à la France. Désormais, l’emploi dans le pays de domicile doit représenter au moins 25 % du temps de travail ou du revenu du frontalier pour menacer l’employeur suisse du point de vue administratif et du droit du travail.
 

Activité professionnelle simultanée au chômage

Pour les cas d’activité professionnelle simultanée au chômage, la Suisse a conclu le 7 septembre 2006 avec la France un accord concernant l’assujettissement aux assurances sociales des frontaliers sans emploi. Selon cet accord, une personne est assujettie aux assurances sociales françaises si elle touche des indemnités chômage en France et exerce une activité professionnelle en Suisse, cela indépendamment du montant des indemnités chômage reçues. En cas d’emploi de Français au chômage, l’entreprise suisse doit donc payer les cotisations sociales à la France. Or, ces dernières sont nettement plus élevées que les cotisations en Suisse.
 

Difficile mise en application

Pour les entreprises suisses de location de services, ces règles sont très difficiles à appliquer. En effet, la règlementation européenne prévoit que la «situation au cours des douze prochains mois» doit être prise en considération. Cela est difficilement applicable en pratique, surtout en cas de travail temporaire, car c’est le client qui décide de la durée d’emploi du travailleur intérimaire. On ne peut pas savoir combien de temps le collaborateur temporaire sera employé au cours des douze prochains mois. De plus, la période exacte permettant de calculer l’activité substantielle (25%) est inconnue. Les dispositions légales considèrent le total des heures de travail effectivement fournies et/ou le revenu obtenu au total. Il y a donc deux critères (heures et revenu) dont le rapport est premièrement peu clair (et/ou) et deuxièmement difficilement comparable (francs suisses vs euros).
 

Grande insécurité juridique lors de l’engagement de frontaliers

L’entreprise suisse ne peut souvent pas savoir si le frontalier exerce une activité essentielle dans son pays de domicile ou s’il y touche des indemnités chômage. En pratique, les autorités françaises ne lui fournissent qu’ultérieurement les documents clarifiant la situation de l’employé. C’est un réel obstacle quand l’embauche doit se faire rapidement, comme dans le travail temporaire. L’entreprise concernée a deux solutions: prendre le risque ou renoncer à engager la personne.
 
Si, par manque d’informations, le revenu est assujetti à tort en Suisse alors qu’une obligation de cotiser aux assurances sociales à l’étranger existe, l’entreprise de location de services doit verser des cotisations sociales nettement plus élevées. En Suisse, les cotisations sociales représentent 25% du salaire brut (y compris la part de l’employeur de 15%). En France, elles peuvent atteindre jusqu’à 70 % du salaire brut (y compris la part de l’employeur de 47 %). Les employeurs suisses, et donc les entreprises de location de services, doivent connaître avec certitude le droit applicable afin de pouvoir calculer les coûts de l’employé. Sinon, elles courent d’énormes risques financiers.
 

Les autorités françaises font passer à la caisse

Depuis l’année dernière, le sujet a gagné en importance: depuis le milieu de l’année 2015, les autorités françaises exigent davantage des employeurs, et notamment des entreprises de location de services, de payer les cotisations sociales en France. Dans de nombreux cas, elles déterminent des montants forfaitaires sans connaître le cas particulier. C’est une situation difficile pour les entreprises suisses: en raison des incertitudes juridiques, elles ne peuvent pas réagir de manière adéquate aux demandes françaises. De nombreuses entreprises de location de services ont réagi en licenciant des frontaliers. 
 
1 Rafael Lötscher, Cyrill Habegger: Sozialversicherung: Modernisierte Unterstellungsfragen CH/EU, in: TREX Der Treuhandexperte 1/2015.
 

Régions frontalières en alerte

Tous les employeurs suisses situés dans les régions frontalières sont directement concernés. L’insécurité juridique et les obstacles économiques poussent déjà des entreprises suisses de location de services à renoncer complètement ou en partie à engager des frontaliers.
 
La situation actuelle est éprouvante et n’aide personne: ni les employés concernés, ni leurs employeurs, ni les places économiques suisse et française. En collaboration avec l’Office des assurances sociales et l’Union patronale suisse, swissstaffing tente actuellement de clarifier les aspects juridiques et de trouver des solutions pour les employeurs suisses, et notamment les entreprises de location de services.

 

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Arie Joehro est vice-directeur et responsable du service juridique de swissstaffing. 

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