Photo: Oivier Vogelsang/disvoir.net
Lors d’un ping-pong mental avec mon ami François Clerc d’Advalorem Partners, nous avons échangé sur la future place des RH dans une organisation. L’idée la plus novatrice jaillit sous la forme de: «Il nous faut une personne capable de maîtriser toute la chaîne des intangibles!». Intangible? Le contraire de tangible, donc ce qui ne peut être touché, impalpable. On dit aussi qu’intangible peut s’appliquer à un principe qui doit demeurer intact parce qu’il est précieux. En langage anglo-saxon impérialiste: l’intangible, c’est le soft opposé au hard.
Quels sont les intangibles au sein d’une organisation? Il y a d’abord les intangibles «ad extra»: la marque, la réputation, la valorisation, le marketing, la communication dirigée vers le public, les réseaux sociaux, le contact clientèle. En bref: l’aura de l’entreprise, de l’institution. Dans la foulée «ad intra», il faut prendre en compte: l’histoire et la culture explicite et implicite, le style de gouvernance, la communication interne, les compétences exigées, la formation, les humains-employés et leurs ressources, sans compter la maîtrise des beaux et des mauvais risques humains. En bref: la marque de l’employeur.
Donc, une personne-clé devrait diriger la marque et les ressources humaines avec tous les départements qui s’y rattachent. Il me semble que le Credit Suisse a créé une responsabilité intitulée: «Branding and Talent-Management».
Récemment, un de mes clients, convaincu par cette approche globale, a créé une nouvelle responsabilité au sein de sa direction générale: Marketing, Communication, Ressources Humaines et Formation. Une directrice générale adjointe a été désignée titulaire de cet ensemble. Les autres membres de la direction générale ont bien compris cette idée de confier la maîtrise des intangibles à une seule personne. Mais, au sein de l’établissement, personne n’a vraiment compris pourquoi les ressources humaines se trouvaient collées avec le marketing et la communication. Cette difficulté de compréhension m’incite à développer davantage mes arguments.
Pourquoi vouloir fédérer tous les intangibles dans une seule unité? Proposition: parce que l’aura de la marque génère la fierté d’appartenance des collaborateurs au Groupe et que les personnes fières de leur employeur deviennent naturellement des ambassadeurs extraordinaires du Nom de l’institution. A contrario, une mauvaise réputation de la firme engendre une potentielle grande démotivation interne. Des employés démotivés ternissent l’image et le rayonnement de la marque: leurs relations avec les clients peuvent secréter un fort degré de toxicité.
Pour mieux saisir encore l’enjeu du lien réciproque des intangibles externes-internes, prenons, par analogie et avec une pincée de sel, la définition du couple selon Robert Neuburger (in Nouveaux Couples, éd. Odile Jacob, 2004). Ce qui fait qu’un couple est couple, ce n’est pas l’amour, ni la création d’une famille, ni la mise en commun d’un patrimoine, etc..., c’est simplement deux éléments, affirme-t-il: premièrement, le langage intime au sein du couple – le récit de leur rencontre et de leur vie commune, le vocabulaire et les expressions utilisées à l’intérieur du couple.
Deuxièmement, un couple est couple aussi par le souci d’être reconnu par les autres couples dans son rayonnement. Neuburger appelle cela la norme. Quelle est la perception produite sur l’univers social du couple? L’intimité, le récit et la perception sociale reconnue sont constitutifs du couple. Les conséquences de son analyse sont aigües: un couple est couple lorsque le récit intime, interne au couple (ad intra) est conjugué, dans la même équivalence, avec la perception sociale affirmée (ad extra). En cas de sur-prépondérance ou de sous-prépondérance de l’externe versus l’interne, le couple est en danger, laisse à penser Neuburger.
Traduction: dans l’entreprise, le succès adéquat se situe lorsque la personne, dans sa tête et dans la parole partagée en équipe, arrive à se raconter et à raconter combien elle est bien et fière de son entreprise. Cet auto-langage motivant se conjugue avec l’exigence, qu’à l’externe, lorsque la per- sonne va, par exemple, déjeuner avec ses connaissances, d’être reconnue dans la perception positive que les autres ont de l’employeur et de la marque de celui-ci.
Ainsi, en entreprise et en institution, le couple marque-marketing et marque employeur-ressources humaines est invité à se fertiliser mutuellement. Afin de créer le succès de cet engendrement essentiel, les intangibles externes et internes ont intérêt à se retrouver dans une même unité, avec une direction qui a vocation de sertir l’ensemble.
L'auteur
Maxime Morand est spécialisé dans les conseils et formations en leadership. m.morand@provoc-actions.com, www.provocactions.com.