Marché du travail

Les partenaires sociaux voient d'un bon oeil l'ouverture

Adversaires traditionnels, Union syndicale suisse (USS) et Union patronale suisse (UPS) s'entendent au moins sur un point: les deux organisations faîtières plaident en faveur d'un marché du travail ouvert, en condamnant les contingents qui pourraient resurgir après le oui du 9 février dernier à l'initiative contre l'immigration de masse.

Berne (ats) Cet accord sur les vertus de la libre circulation des personnes surprend davantage de la part des représentants des travailleurs. Après la Deuxième Guerre mondiale, ces derniers se montraient sceptiques face à la forte hausse des effectifs de main-d'oeuvre étrangère, à l'image du Syndicat de l'industrie, de la construction et des services (FTMH).

Travail au noir

Celui-ci craignait alors pour les conditions de travail de ses membres, qui redoutaient une baisse de leurs rémunérations. Aujourd'hui, dans le contexte de la libre circulation, Daniel Lampart, chef économiste de l'USS, s'inquiète moins de la pression sur les salaires que des effets de la réintroduction d'un système de contingents.

A la fin des années 1980, rappelle le syndicaliste, un afflux d'immigration identique à celui récemment observé est intervenu comparativement à la population résidante. En raison du système de contingents, les employeurs avaient à l'époque largement recouru au travail au noir pour contourner la contrainte.

Le phénomène a alors entraîné une importante pression à la baisse sur les salaires. "Aujourd'hui, nous pouvons compter sur les mesures d'accompagnement et les contrôles", constate Daniel Lampart. Mais ceux-ci doivent encore être étendus pour prouver leur efficacité.

Changement de structure

Philipp Bauer, responsable du domaine économie et marché du travail au sein de l'UPS, partage le point de vue de l'USS selon lequel la libre circulation des personnes n'entraîne plus de pression sur les salaires. Toutefois, le représentant patronal livre une explication différente sur les causes.

Selon lui, ce ne sont pas les contrôles étatiques qui doivent empêcher la sous-enchère salariale, mais la structure de l'immigration. La main-d'oeuvre étrangère vient désormais plutôt en complément et non plus en remplacement des travailleurs indigènes. La productivité de ces derniers s'accroît, ce qui permet d'augmenter les salaires.

En 2015, les salaires justement devraient progresser de moins de 1% en moyenne en Suisse. "Ce taux correspond à un consensus", relève Philipp Bauer. "Il est l'expression du fait qu'employeurs et employés sont parvenus dans la plupart des cas à s'entendre, que le partenariat social fonctionne."

Bémol de l'USS

Daniel Lampart apporte un sérieux bémol. "La hausse se répartit inéquitablement". La masse salariale augmente ainsi de 2,1% à La Poste Suisse, mais ne bouge pas dans la construction, un secteur traditionnellement conflictuel. "Ici, l'attitude du patronat est teintée d'insolence, alors que la branche vit des temps dorés, comme dans les années 80."

L'interprétation des chiffres constitue d'ailleurs une autre source de lutte entre le patronat et les représentants des travailleurs. En ce qui concerne le chômage, par exemple, le combat se focalise sur la notion de taux incompressible, à savoir un niveau au-dessous duquel il serait pratiquement impossible de descendre.

En Suisse, les économistes s'accordent généralement pour le situer un peu sous la barre de 3%. Une approche partagée par Philipp Bauer. A fin novembre, le taux de chômage atteignait 3,2% de la population active, selon les statistiques tenues par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).

Les jeunes et les vieux

L'analyse de Daniel Lampart est autre. Contrairement à l'administration fédérale, le chef économiste de l'USS rappelle que les syndicats sont en contact permanent avec les chômeurs. Il pointe au passage du doigt les difficultés rencontrées par les jeunes sortant d'apprentissage pour trouver un emploi stable.

"Une situation qui n'existait pas il y a 25 ans", rappelle Daniel Lampart, un temps où le taux de chômage s'élevait à 1,7%. Le contexte est aussi devenu plus difficile pour les plus de 50 ans qui, quand ils perdent leur emploi, peinent à retrouver de l'embauche, alors qu'ils disposent de compétences liées à l'expérience.

C'est pourquoi le syndicaliste s'emporte contre l'idée d'une Suisse qui vivrait en situation de quasi plein emploi. "Dans les années 1980, le taux de chômage était inférieur à 1%. Cela équivalait à du plein emploi", lâche-t-il. A ce constat, Philipp Bauer répond que les temps ont changé.

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