Impacts du Web 2.0 sur les pratiques de travail - Dossier

Les six chantiers majeurs au devant des responsables RH

Une étude menée par l’Université de Fribourg met en lumière les principaux enjeux RH qu’il faudra maîtriser en Romandie pour réussir la transition technologique. Tour d’horizon et analyse.
Quelle est l’influence du Web 2.0 sur le quotidien professionnel? Cette étude menée par la Chaire RHO de l’Université de Fribourg avec le CRQP (voir encadré), a permis d’identifier six principaux impacts du Web 2.0 sur les pratiques de travail. Nous les détaillons ci-dessous en discutant leurs enjeux pour la fonction ressources humaines.
 

1. Pratiques collaboratives

Le Web 2.0 va générer de nouvelles pratiques collaboratives au sein de l’entreprise. La mise en relation entre les collaborateurs est plus facile, ce qui stimule la création de nouveaux réseaux de connaissances. Des liens sont ainsi amenés à se tisser entre différents secteurs de l’entreprise (extra-silos), voire même en dehors du périmètre de l’institution (extra-entreprise). Le partage de l’information joue un rôle central, notamment à travers des outils tels que les réseaux sociaux d’entreprise. Le wiki d’entreprise est un très bon exemple de pratique collaborative. Il permet de co-créer le savoir de l’entreprise. Chacun apporte sa pierre à l’ouvrage, chaque contribution permet d’avoir une vue plus globale et fine. Ces développements favorisent l’émergence d’une intelligence collective informatisée, où la connaissance est détenue et enrichie par tous sur des supports communs.
 

2. Organisation nouvelle de l’information

En ce qui concerne l’organisation et la maîtrise de l’information, plusieurs éléments vont être amenés à évoluer. En effet, les outils du Web 2.0, réseaux sociaux d’entreprise en tête, vont bousculer les règles classiques de transmission de l’information. Sur le réseau social d’entreprise, si quelqu’un partage un lien vers un article d’un site d’information, qui vérifiera qu’il s’agit d’une source crédible, actuelle et surtout correcte? Quittant l’ancienne logique managériale et plutôt procédurière, on passe à une logique sociale et conversationnelle générant une expression plus libre et un foisonnement d’informations. Dans ce contexte, la validité de l’information devient une thématique majeure. La validité des sources (avec de plus en plus d’informations plus ou moins fiables) et la péremption des données (durée de vie limitée des informations échangées) apparaissent comme des préoccupations importantes.
 

3. Obsolescence des compétences

La question de l’obsolescence des compétences est double: il s’agit à la fois d’un enjeu logiciel et humain. Logiciel car les outils du Web 2.0 sont en constante évolution; cela implique une capacité d’adaptation élevée de la part des usagers, devant sans cesse remettre à jour leurs compétences d’utilisation. Dans le web public, les réseaux sociaux (Facebook notamment) sont en constante évolution et ne cessent d’ajouter des fonctionnalités. Cela requiert une certaine agilité et un apprentissage continu. L’enjeu est également humain, car les fonctionnalités inhérentes aux outils du Web 2.0 vont permettre à certains managers de gagner en autonomie. Dès lors, des compétences, par exemple celles liées à l’assistanat, sont menacées de tomber en désuétude, amenant une redéfinition des rôles au sein de l’organisation.

4. Vie privée et vie professionnelle

Le Web 2.0 a premièrement une influence forte sur l’interface vie privée-vie professionnelle, car la frontière se fait plus floue entre les rôles: des éléments privés s’intègrent à l’environnement professionnel (mention de ses hobbies sur le réseau social d’entreprise), des éléments professionnels s’invitent dans le temps libre (les notifications se multiplient sur les smartphones). D’autres encore jouent sur les deux tableaux: le compte LinkedIn n’est-il pas autant un outil privé que professionnel? Par contre, on observe de nouvelles frontières entre sphères privée et publique sur les questions matérielles et logicielles. Alors que l’utilisateur est habitué à du matériel et des logiciels de pointe légers et compatibles (souvent gratuits) à domicile, il est souvent confronté à un parc informatique bien moins performant dans le monde professionnel.
 

5. Virtualisation de l’organisation

L’impact du web 2.0 sur la virtualisation de l’organisation est étroitement lié au télétravail. En effet, par exemple, de plus en plus de logiciels et de réseaux d’entreprises sont dans le cloud et dès lors accessibles partout, à n’importe quel moment. Les solutions 2.0 de réseaux sociaux d’entreprises se déclinent la plupart du temps en applications mobiles disponibles également sur tablettes et smartphones. Ces applications permettent une meilleure qualité de relation que les outils de communication classiques du télétravail. Dès lors, le contexte organisationnel de travail se retrouve dématérialisé et transportable en permanence avec soi. Ainsi, face à une question dont on n’a pas la réponse, on peut n’importe où (dans le train, en conférence, en séance...) interroger son réseau social d’entreprise, par exemple yammer, et recevoir une réponse dans les 5 minutes.
 

6. Diversité dans les équipes

Enfin, l’entreprise va devoir gérer la diversité des expertises d’usagers. Tandis que certains se rueront sur les nouveaux outils Web 2.0 et les adopteront rapidement, d’autres les appréhenderont avec une plus grande modération, voire une certaine réticence. Il faudra pourtant faire coopérer dans les équipes les enthousiastes et les réfractaires.
 

Conséquences pour la fonction RH?

Les impacts précités présentent des tendances et des évolutions générales liées au web 2.0. Ces effets pourront être plus ou moins marqués dans les entreprises, selon les caractéristiques de celles-ci (taille, pyramide des âges, secteur d’activité, profil du dirigeant, etc.). Néanmoins, ces évolutions représentent des enjeux importants pour la fonction RH, les experts ont mis en évidence six dossiers RH fondamentaux (voir ci-contre).
 

L’étude

Cette étude s’inscrit dans la continuité de l’étude du CRQP «Tendances RH en Suisse romande: Facteurs de mutation et dossiers prioritaires»1 menée en 2011, qui avait identifié le web 2.0 comme un des dossiers prioritaires pour la fonction ressources humaines.

Inspirée de la méthode prospective métier développée par Boyer et Scouarnec2, cette étude a sollicité une dizaine d’experts à trois reprises (entretien, questionnaire puis focus group). Le panel d’experts était à la fois constitué de spécialistes des ressources humaines et du Web 2.0. Suite à ces multiples interactions, les experts ont soulevé les douze thèmes les plus importants, autour de deux axes: les impacts du web 2.0 sur les pratiques de travail, les dossiers prioritaires de la fonction RH.
 
1 Davoine E., Emmennegger S., Mimouni S. (2011), «Facteurs de mutations et spécificités nationales de la GRH: résultats d’une études des grandes tendances RH en Suisse romande», Management et Avenir, No. 49, décembre 2011.

2 Boyer, L., Scouarnec, A., (2002), «La prospective métier: Définition, intérêts et proposition méthodologique», Cahiers de recherche DMSP.

 
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Professeur à l'université de Fribourg, Chaire RHO

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Xavier Salamin, professeur à la HES-SO Valais Wallis.

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