Les travailleurs ne s'intéressent pas assez à la formation continue
La révolution numérique dans le monde du travail ainsi qu'une vie active attendue plus longue obligent les employés à se former tout au long de leur vie. Cependant, 30% des travailleurs suisses n'ont suivi aucune activité de formation au cours de l'année écoulée. Et plus de la moitié d'entre eux ne voient pas pourquoi ils devraient le faire, souligne Deloitte dans un communiqué.
Lorsque les travailleurs sont interrogés sur les obstacles liés à l'apprentissage, le manque de temps est l'élément le plus cité. Photo: 123RF
La numérisation du monde du travail modifie les compétences requises. De plus, avec l'espérance de vie moyenne qui augmente, la durée de notre vie active va probablement augmenter sur le long terme. Les travailleurs doivent s'adapter, se former et se perfectionner afin de suivre le rythme. La formation continue devient un impératif. «Les emplois deviennent plus variés, interactifs et complexes, les salariés ont donc besoin de nouvelles compétences. La demande d’employés hautement qualifiés dans les domaines de la créativité, de l'intelligence sociale et de la technologie numérique augmente», explique Myriam Denk, Associé en charge de Future of Work chez Deloitte Suisse.
«Nous voyons déjà aujourd’hui que les employeurs de certains secteurs peinent non seulement à recruter des employés avec les compétences nécessaires, mais également en nombre suffisant pour faire face aux besoins futurs en matière de personnel.» Elle déclare: «La formation continue est devenue indispensable. Les compétences actuellement nécessaires sur le marché du travail pourraient bien être obsolètes dans quelques années. Les employés comme les employeurs doivent prendre conscience du fait que la plupart des carrières ne suivent plus un chemin linéaire. Elles deviennent plus dynamiques, multidimensionnelles et se jouent à plusieurs niveaux.»
Surtout les personnes les moins qualifiées
La réalité cependant, dresse un tableau différent: selon la nouvelle étude Deloitte évaluant les attitudes de la main d'œuvre, près d'un tiers (30%) des employés suisses interrogés n'ont suivi aucune formation ou perfectionnement au cours des 12derniers mois. Plus alarmant encore, plus de la moitié (53%) de ceux qui n'ont pas suivi de formation continue indiquent qu'ils ne voient pas la nécessité de le faire.
L'étude révèle également qu'il existe une corrélation avec le niveau d'éducation: les employés ayant suivi des études supérieures sont plus susceptibles de suivre une formation continue que ceux qui se sont arrêtés au niveau de la scolarité obligatoire. Seuls 17% des employés titulaires d'un diplôme universitaire n'ont suivi aucune formation continue au cours des 12 derniers mois, contre 40% des titulaires d'un diplôme d'enseignement obligatoire et 39% des titulaires d'un diplôme de formation professionnelle.
Qui plus est, 58% des travailleurs peu ou moyennement qualifiés ont déclaré ne pas voir la nécessité de participer à une activité de formation ou de perfectionnement professionnel quelle qu'elle soit – un pourcentage bien plus élevé que parmi les travailleurs très qualifiés (45%).
Manque de temps, manque de responsabilité personnelle?
Outre les travailleurs qui n'ont pas suivi de formation au cours des douze derniers mois parce qu'ils considéraient cela comme ‘inutile’, un tiers des personnes interrogées citent comme obstacle l'absence de temps (20%) ou des coûts trop élevés (13%). Lorsqu'ils sont interrogés plus en détail sur les obstacles liés à l'apprentissage, le manque de temps est une fois de plus l'élément le plus cité. Dans l'ensemble, les facteurs externes – notamment l'absence d'un environnement de travail favorable et des méthodes d'apprentissages peu attrayantes – sont généralement perçus comme étant des obstacles plus importants que les facteurs personnels.
«Notre étude montre que les employés ont tendance à percevoir les obstacles à l'apprentissage comme étant créés par leur employeur», explique Michael Grampp, Économiste en chef chez Deloitte Suisse et auteur de l'étude. «Il est frappant de voir que cette perception est plus prononcée parmi les travailleurs jeunes. Les travailleurs plus âgés tendent à percevoir moins d'obstacles à l'apprentissage ou de raisons de ne pas apprendre.»
Qui devrait financer les formations: l'état, l'employeur ou l'employé?
Lorsqu'on leur a demandé qui supporte actuellement les coûts de formation continue, 50% des employés suisses interrogés ont répondu leur employeur, 26% l'état et 24% eux-mêmes. Cela contraste fortement avec les conclusions sur qui devrait, dans l'idéal, assumer la principale responsabilité: 42% pensent que l'état devrait assumer la principale responsabilité, 46% pensent que celle-ci devrait être assumée par l'employeur, et seuls 11% pensent que cela devrait être l'employé lui-même.
«Les conclusions de l'étude montre que l'appel pour que l'état et les employeurs assument la responsabilité pour les besoins accrus de formation continue est très fort en Suisse. Ce manque de responsabilité personnelle est un signe inquiétant. Les employés doivent comprendre de toute urgence que la formation continue est essentielle s'ils veulent préserver ou améliorer leur employabilité. Et qu'ils doivent se prendre en main sur ce sujet», explique Michael Grampp. «D’un autre côté, la diminution du sentiment de responsabilité chez les employés fait qu'il est encore plus important que les employeurs sensibilisent et soutiennent leur personnel sur le sujet.» Myriam Denk confirme ces propos: «Après avoir aidé les employés à comprendre l'importance de la formation continue, les entreprises doivent aussi de plus en plus soutenir leur personnel dans leurs efforts de perfectionnement professionnel. Soit en incluant la formation dans le temps de travail ou en aidant les employés à élaborer et poursuivre un plan de développement personnel. Le système éducatif joue également un rôle crucial afin de garantir que les employés soient préparés aux tendances futures. Au bout du compte, il incombe aux employés, aux employeurs et à l'état de prendre chacun ses responsabilités afin d'assumer ce changement dans le monde du travail et travailler ensemble pour suivre le rythme de ces évolutions.»