RH en multinationales

Les zones d'influence d'un DRH dans un grand groupe international

Rémunérations, impact social et sociétal, cohésion interne, fluidité des relations entre les filiales du groupe, compétences interculturelles et culture managériale sont les sujets de prédilection d'un DRH en multinationale. Analyse. 

Selon le cas, les activités de la DRH sont très différentes. Mais peu de groupes se passent totalement de spécialistes à l’étage de direction. Même chez les plus discrets, les obligations légales portant sur les dirigeants, et notamment sur leurs rémunérations (le «say on pay») se sont resserrées et nécessitent l’intervention d’un bon connaisseur. Et dans tous les groupes, les dirigeants ont les mêmes questions que lorsqu’ils étaient jeunes ingénieurs ou managers. L’un d’eux m’a un jour interrogé sur une diminution de son salaire net de quelques dizaines d’euros par rapport au mois précédent – une somme pouvant paraître minime au regard d’un salaire conséquent. L’écart avait été créé par une régulation de cotisations sociales et le dirigeant avait besoin que le directeur des ressources humaines le rassure. Et combien sont-ils à avoir besoin que le DRH les écoute et montre qu’il se soucie d’eux, voire leur tape sur l’épaule et valorise leurs succès.

Performance et protection

Plus le groupe s’élargit, et plus les enjeux de conformité prennent de l’importance. Les groupes cotés sont en effet soumis à des obligations de plus en plus précises et larges de communication sur leur performance extra-financière et leur impact. Tous les groupes sont sensibles à des effets de réputation ou ont des clients ou des financeurs qui le sont. Il revient alors à la DRH du groupe de reporter aussi précisément que possible sur des indicateurs retraçant la performance sociale et sociétale. Elle doit surtout concevoir et animer les politiques permettant de protéger les salariés et le groupe contre les risques en matière de discrimination, de harcèlement et de corruption. C’est dans ce but qu’ont été mises en place des procédures permettant à tout salarié d’alerter, au besoin anonymement, la DRH groupe ou la DG de tout fait condamnable dont il aurait été témoin. Le même objectif a conduit certains DRH de groupes à déployer internationalement des formations fondées sur des scénettes vidéo très réalistes pour prévenir le harcèlement ou les risques de corruption. Plus récemment, des formations mondiales de prévention contre le fishing et les cyberattaques ont également été développées.

Cohésion et fluidité

Déjà large, le rôle de garant de l’impact social et sociétal du groupe est appelé à s’étendre encore. La question des inégalités salariales et de la juste répartition de la valeur va à mon sens être posée avec une acuité plus forte encore qu’aujourd’hui et au niveau international pour les grands groupes. Les DRH devront savoir y répondre. Ces actions répondent à des contraintes. Elles peuvent aussi contribuer à ce qui est le deuxième rôle essentiel de la DRH internationale d’un grand groupe: la cohésion, l’engagement et la fluidité dans le fonctionnement interne à travers les frontières des pays et celles de l’organisation elle-même. La DRH du groupe peut aider à créer des ponts entre les entités du groupe à travers les frontières. C’est à cela par exemple que servent les conventions RH internationales. Elles permettent à chaque acteur local de créer et d’entretenir un réseau d’interconnaissance à l’échelle du groupe. Lequel s’avèrera fort utile en cas de crise entre deux entités, ou plus simplement de projet à mener à l’échelle internationale.

Compétences interculturelles

Etant engagée dans la coopération internationale, la DRH peut ainsi aider les autres à travailler ensemble et à coopérer, en développant les compétences interculturelles des acteurs. Elle peut par exemple créer des «traducteurs culturels» pour éviter les malentendus avec les collègues néerlandais pour des Suisses ou polonais pour des Français. Il s’agit concrètement de petits recueils de bonnes pratiques à adopter pour se faire adopter (proposer un verre de lait à un Néerlandais pour le déjeuner par exemple ou connaître les meilleurs joueurs de foot polonais). J’ai souvenir aussi d’un petit livret donnant des aperçus importants sur la culture allemande à partir d’un mail ayant circulé entre les parents de l’école des enfants et organisant une coopération entre les parents sous le titre de Stammtisch.

Culture managériale

Elle peut aussi développer des programmes de formation, typiquement pour les managers, jeunes ou plus seniors et y faire participer un public mêlé internationalement. Avec un triple bénéfice: créer et développer des interconnaissances entre pays et entités, développer des éléments communs de culture managériale, et encourager chaque pays en montrant que tous peuvent envoyer leurs meilleurs éléments dans les formations les plus prestigieuses du groupe. Ce dernier aspect est perçu parfois très au-delà des frontières du groupe. J’ai ainsi souvenir d’un ministre d’un pays africain me parlant de façon très informée des formations managériales que nous avions mises en place et me donnant des conseils pour qu’elles s’ajustent de façon plus fine aux besoins spécifiques des cadres de son pays.

Process commun

Enfin, la création de process commun est une façon puissante de favoriser le sentiment d’appartenance et l’engagement. Un seul grand process mondial d’entretien annuel ou de people review peut déjà constituer une base. Les DRH utilisent également des outils comme les plans internationaux d’actions gratuites pour engager les meilleurs éléments de tous les pays. Plus récemment sont apparus également des plans de retraite ou de santé déployés pour l’ensemble des salariés du groupe afin de manifester très concrètement la commune appartenance et l’engagement du groupe auprès de tous ses salariés. Des expériences très positives aux yeux de leurs promoteurs. Et qui sont à encourager.

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XB

Xavier Broseta est l'ancien DRH des groupes Bolloré et Air France KLM. Il est le co-fondateur du cabinet de conseils RH synchro-consulting-ch.

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LR

Laurent Rebischung a une expérience RH de grands groupes internationaux et est le co-fondateur du cabinet de conseils RH synchro-consulting.ch.

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