La chronique

L'hypersensibilité pour tenir tête à l'IA

Longtemps perçue comme une faiblesse, l'hypersensibilité pourrait bien devenir la meilleure défense de l'être humain contre la rationalité des machines.

Durant les Jeux Olympiques de Paris, pas une émission durant laquelle un intervenant, un journaliste, un sportif, n’y allait pas de sa larme à l’œil. L’émotion est à la mode, pleurer est tendance, chez les hommes autant que chez les femmes. Depuis quelques mois, on trouve de plus en plus de livres de développement personnel sur le thème de l’hypersensibilité. Bien en évidence sur les rayonnages centraux de nos librairies préférées, ces ouvrages vous alertent sur votre potentielle – voire probable – hypersensibilité puisque, d’après les neuroscientifiques experts en la matière, un humain sur quatre serait hautement sensible. 

Bref, les émotions, la sensibilité, sont à la mode. Alors qu’au cours du siècle dernier et des vingt premières années de celui que nous vivons, il était plutôt prohibé de se laisser aller à exprimer librement des sentiments qu’on traduisait comme preuves de faiblesse ou de non maîtrise de soi. Aujourd’hui, Maurice Barthélémy, ex-Robin-des-bois, nomme son livre «Fort comme un hypersensible». Fabrice Midal, auteur de nombreux livres de développement personnel à succès, nous explique dans un de ceux-ci qu’être hypersensible est un don. Ce qui apparaissait comme une honte devient une fierté. 

C’est plutôt une bonne nouvelle pour tous ceux et toutes celles qui, dotés·es ou pas de ce «don», avaient envie d’exprimer librement un peu plus d’émotions. Et pour ceux qui ne s’en sentaient pas capables, le chemin est ouvert pour se décomplexer et s’ouvrir un peu plus pour partager sa sensibilité face à autrui. 

En parallèle de cet avènement de l’hypersensibilité et de son expression libérée, on nous assène les avancées de ChatGPT et ses dérivés déjà nombreux et toujours plus performants. Des éléments qui nous conduisent à penser que l’IA (intelligence artificielle) va bientôt surpasser l’humain dans à peu près tous les domaines. Combien de conversations ai-je entendues ces derniers temps sur le sujet: l’IA serait en passe d’être le meilleur photographe, le plus pointu des écrivains, capable de sortir un discours plus pertinent que quiconque ne saurait le faire, si l’on s’en tient à ce qui n’a rien à voir avec les domaines techniques ou scientifiques purs, dans lesquels ses capacités ne sont plus à prouver. Il y a certainement une grande part de vérité dans tout cela, et n’étant pas une spécialiste de la question, je me garde bien d’avoir un avis tranché.

Grands défis

L’humain est donc à l’aube d’un grand défi: défendre sa peau, son intelligence, ses performances, ses capacités, face à un monstre indéfinissable, inidentifiable et aux compétences non quantifiables car sans doute quasi illimitées, qu’est l’Intelligence artificielle. Et si c’était justement la sensibilité de l’humain, ses émotions, voire son hypersensibilité, qui pourraient le sauver? Si c’était ces caractéristiques uniques propres à l’âme humaine qui allaient devenir les meilleurs atouts de l’humain pour son bras de fer face à l’IA? 

La sensibilité est non prévisible, quasi infinie quantitativement, elle peut modifier une décision, une vision, une approche par rapport à toute situation vécue. Combien avons-nous d’exemples dans l’histoire, montrant que des décisions rationnelles auraient pu être prises dans des situations d’urgence à l’échelle d’une nation, d’un conflit armé, et que les émotions, les sentiments, ont orienté les humains en charge de la décision dans un tout autre sens, imprévisible et motivé par leur cœur, leur colère, leur volonté de puissance ou leur peur? 

Je crois qu’aujourd’hui, ce que l’humain peut développer, travailler avec enthousiasme et force pour conserver toute sa place et sa valeur face à la prise de pouvoir de l’IA dans bien des domaines, c’est sa sensibilité et ses émotions. Les valoriser, les comprendre, et surtout accepter qu’elles sont une part unique de chacun, sera un atout majeur pour garder ou reprendre sa place face à la technologie et au monde artificiel dont les ramifications sont de plus en plus prégnantes et larges. 

Sensibilité et émotions sont les sources principales de la créativité. Pour conserver son potentiel créatif unique et infini, l’humain doit comprendre que désormais, celles-ci sont ses meilleures compétences, ses atouts les plus forts, au-delà des connaissances théoriques ou de l’intelligence pure. L’apogée de l’hypersensibilité se profile... 

commenter 0 commentaires HR Cosmos
EMK

Ève-Marie Klima a fondé l’École Germaine de Staël en 2009, en créant une pédagogique unique pour les enfants HPI ou hautement sensibles. Elle dirige l’école et gère l’entreprise depuis 15 ans, dont elle est unique actionnaire. Après une formation de juriste et d’avocate en Officialité, Ève-Marie s’est tournée vers l’entrepreneuriat pluriel. Elle a aussi fondé en 2020 la société LoveMakesHomes qui développe la rénovation bio-sourcée et durable de bâtiments anciens. Sa passion est de donner la place, au travers de ses entreprises, à une société plus humaine, plus durable et plus harmonieuse, qui valorise et respecte la différence de chacun.

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