La chronique

Liberté, unité et audace

Pour en avoir discuté avec des Chief Happiness Officer auto-proclamés, je redoute qu’une réalité de bon sens leur échappe parfois, comme à certains managers ou à quelques DRH. Absente du catalogue des meilleures pratiques, une méthode simple permet pourtant de créer ou de re-créer du bien-être, sans grande dépense d’énergie ou de ressources, sans programme couteux ni débauche de consultances. Dans ces communautés artificielles que sont nos entreprises, il existe possiblement, affectant l’intérêt global convergent, de nombreux intérêts individuels ou catégoriels divergents, ferments d’affrontements et de conflits.

Comment, sans les nier, transcender ces différences pour réinventer chaque jour l’enchante- ment laborieux, ce bonheur au travail qui est la matrice de toute vraie performance (comme le prouvent les travaux de Paul Dolan, les recherches de James Harper ou les découvertes de Daniel Kahneman)? Quatre temps, simples et exigeants, constituent la partition de ce bonheur au travail, orchestrant toutes les énergies.

Le premier est le plus éloigné de la réalité actuelle de nos entreprises, intoxiquées depuis des années de contraintes variées autant que de comportements artificiels ou empruntés. Ce temps est celui de la liberté. La liberté de pensée, souvent obérée par des croyances impératives ou d’obligations. La liberté d’être soi-même, restreinte par la peur des autres ou contrainte par des valeurs de synthèse imposées. La liberté de créer, d’inventer, de transformer ou d’innover, censurée par la prohibition de l’échec ou de l’erreur et donc de l’initiative. La liberté enfin de n’être pas d’accord, déniée ou bafouée, parce que certains confondent la subordination contractuelle avec une soumission servile, qu’ils imposent sous la menace d’une démission forcée.

Le second n’est pas moins essentiel, ordonné à la mise en oeuvre du premier. Il s’agit de l’unité. Rien n’est plus bénéfique, stimulant et épanouissant que de rejoindre chaque matin une équipe vivant harmonieusement, sans affrontement, discordance ni conflit. C’est cette unité fondée dans la liberté qui suscite la créativité collaborative, l’invention contributive, l’auto-amélioration permanente et l’excellence. C’est le moment exact de la création efficace de la richesse et de la valeur ajoutée, au tempo mélodieux de l’acceptation de la différence et de la divergence. C’est enfin l’instant génial de la puissance du consensus qui transmute objections et obstacles en opportunités et en énergie. Une croyance inverse et fallacieuse s’est généralisée, postulant que le conflit comme les divisions et les dissonances qui en procèdent, seraient le bénéfique terreau de toute richesse.

L’audace constitue le 3ème mouvement du bonheur au travail, en contrepointe des deux premiers. Lorsque chacun dans son équipe se sent individuellement libre et collectivement uni, entreprendre l’impossible alors devient l’objectif ! L’équipage d’un bateau, la cordée d’alpinistes, l’équipe de foot ou des forces spéciales y puisent leur courage d’agir ensemble, puis de gagner. Il en est de même pour chaque entreprise: le devoir d’audace ne peut naître que du droit à l’erreur, de l’incitation à la prise de risque et de la pleine acceptation de l’incertitude. Les sables mouvants de la lâcheté ou de la faiblesse, les précipices de la témérité ou de l’inconséquence, l’épuisante obscurité de l’indécision, des atermoiements ou de la médiocrité disparaissent alors.

La célébration enfin, festivité libre et unitaire, constitue le point d’orgue de ce bien-être créateur de performance. Bénéfique et tonique quand elle est spontanée et authentique, elle soude une équipe et l’entraîne à définir ses prochains enjeux, ses nouveaux défis et ses futures conquêtes. Cette fête, parfois imposée, sans que l’unité de ses fêtards soit vérifiée, peut devenir une sinistre estrade où ne se chantent que des partitions financières, en lourdes litanies chiffrées. On y attrape seulement des maux de tête ...

Le home-office, les salles de repos et de sport ou les plantes vertes créent sans doute du bien-être physique. Rien cependant n’est plus motivant que la puissante mélodie née du bien-être psychique de tous, au sein d’une équipe véritable, c’est-à-dire libre, unie, audacieuse et festive. Etre le maestro de cette superbe symphonie est le métier exact de son manager!

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Xavier Camby est Directeur du cabinet Essentiel Management, qui forme les dirigeants à la gouvernance du futur, et auteur de «48 clés pour un management durable».
 
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