Etude de cas

Licenciement immédiat d’un apprenti

L’affaire 

Détenteur d’un CFC d’automaticien, Jules (prénom d’emprunt) commence un 2ème apprentissage en juillet 2008 en mécatronique automobile. En mai et juin 2009, il reçoit plusieurs avertissements formels en raison de manquements graves. Il a notamment enlevé au cutter des autocollants sur un Hummer et à l’aide d’un foehn sur une Lotus, causant des dommages irrémédiables; en outre, il a tenté d’enlever un bouchon de vidange d’une Maserati au moyen d’une déboulonneuse à air comprimé, provocant à nouveau un dommage. Le rapport du 1er décembre 2009 du formateur de Jules indique qu’il est appliqué, mais peut améliorer ses compétences professionnelles et méthodologiques.
 
Le 25 juin 2010, Jules doit amener du domicile d’un client au garage un véhicule de collection, une Jaguar type E. Il pousse le moteur et effectue un détour non autorisé. Le moteur a été fortement endommagé à cause d’une fuite d’huile. Les pompiers ont dû intervenir; leur rapport fait état d’une trainée d’huile sur plusieurs kilomètres. Le 30 juin, l’employeuse résilie le contrat de l’apprenti pour le 3 août.
 

En droit 

L’art. 346 al.2 CO réserve la possibilité de résilier immédiatement le contrat d’apprentissage pour de justes motifs au sens de l’art. 337 CO. Seul un manquement particulièrement grave justifie un licenciement immédiat. Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une telle sanction que s’il a été répété malgré un avertissement (ATF 129 III 380 consid. 2.1.) Par ailleurs, en avertissant le travailleur, l’employeur doit clairement lui faire comprendre qu’il considère le comportement incriminé comme inadmissible et que sa répétition ne restera pas sans sanction; le travailleur doit savoir quelle attitude ne sera plus tolérée à l’avenir.
 
Selon une décision rendue par le TF du 8 octobre 2014, l’apprenti a commis un nouveau manquement en juin 2010, qui ne saurait être qualifié de peu grave. La cause du dommage est liée à la manière de conduire de l’apprenti, sans qu’on puisse dire qu’il a commis une faute. Le fait d’utiliser un véhicule dans toute sa plage possible ne peut être assimilé à une faute professionnelle. Il avait certes déjà fait l’objet d’avertissements un an auparavant et commis trois erreurs précises mais, dans l’intervalle, il a été l’objet d’un rapport plutôt positif. 
 
Le TF a jugé que l’employeuse ne pouvait mettre fin aux rapports de travail sans avoir adressé à l’apprenti un avertissement clair mentionnant expressément qu’elle attendait désormais un comportement exemplaire et ne tolérerait plus aucun manquement à l’avenir. Les conditions d’une résiliation immédiate n’étaient donc pas réalisées. 
 

Conseils 

Il est par conséquent vivement conseillé de mentionner les éléments suivants dans un avertissement: comportement(s) reproché(s); délai pour s’améliorer; suivi par un ou des entretiens d’évaluation; sanction(s) encourue(s) en cas d’absence d’amélioration. 
 
Mentionnons encore que s’agissant du contrat d’apprentissage, la jurisprudence précise que les problèmes de développement inhérents à la jeunesse ne peuvent être une raison de se séparer d’une façon désinvolte d’un apprenti qu’on n’apprécie pas. On ne peut pas exiger d’un adolescent qu’il possède la même morale de travail qu’un adulte. 
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Nathalie Berger est avocate à Bevaix. Après une expérience de quelques années dans une assurance de protection juridique, elle travaille depuis 2014 pour CJE Sàrl où elle prodigue des conseils pour les employeurs.

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