Conseils pratiques

L’impact limité de la technologie sur les méthodes d’assessment

Les tendances méthodologiques de l’assessment s’orientent de plus en plus vers l’utilisation des tests psychométriques. Mais cette révolution a ses limites. Analyse.

En faisant mes courses ce week-end, j’ai réalisé que les haricots devaient tous mesurer 13,4 cm à la Coop comme à la Migros. De même, toutes les carottes avaient des tailles semblables en longueur et en diamètre. Diantre! Quelle prouesse technique, mais quelle platitude aussi!

Tout naturellement, je me suis mise à réfléchir à mon métier d’assesseur, à son évolution en termes de méthodes et de besoins de nos mandants. Ces derniers formulent des attentes toujours plus pointues; ils veulent savoir comment ce candidat saura évoluer dans un environnement matriciel, comment cette collaboratrice s’intégrera au sein d’une équipe disparate en termes d’âges, de cultures et de caractères ou comment ce cadre négociera avec les syndicats.

Etalonner les personnes

Les tendances méthodologiques, quant à elles, s’orientent résolument vers l’utilisation du psychométrique. On calibre les légumes tout comme on cherche à étalonner les personnes. De plus en plus de tests décrits comme «révolutionnaires» ou «puissants» émergent sur le marché et promettent davantage les uns que les autres; répondre aux interrogations les plus pointues en quelques clics, le rêve! Et pourtant... Quelles conclusions tirer de résultats qui décrivent un candidat comme 36% analytique, 48% persévérant et 57% introverti? Qu’est-ce que ces chiffres nous disent de sa capacité à négocier, à s’intégrer dans un environnement mouvant ou à composer avec la complexité?

Notre société se numérise toujours plus, avec le risque de perdre de vue la finalité des informations récoltées. Certes, les récentes études démontrent que les algorithmes permettent de réaliser les meilleures prédictions dans bien des domaines, que ce soit sur le plan de l’économie, de la santé ou des ressources humaines, pour ne citer que quelques exemples: «Faut-il acheter ou vendre? Ce type de tumeur a-t-il plus de chance d’être combattu par l’opération ou la chimio? Ce CV passe-t-il la rampe de la sélection ou non?»

La prise de décision est une forme de traitement de l’information et les limitations cognitives de l’être humain le conduisent à arrêter, dans de nombreux domaines, de moins bonnes décisions que ne le font les formules mathématiques, d’autant plus à l’ère du big data. Cette constatation ne vaut cependant que dans l’absolu. Un logiciel spécifique peut nous permettre de sélectionner de bons candidats pour une fonction Y: il est en effet possible, en intégrant suffisamment de critères liés notamment à l’expérience, aux connaissances, aux compétences et à la formation, de prédire la meilleure adéquation. Mais dans la réalité, je ne pourrai pas savoir comment ce cadre s’adaptera à l’équipe en place, gérera les imprévus ou conduira l’entretien de recadrage avec son subordonné.

L’indispensable touche humaine

A ce stade, il serait donc possible de faire réaliser un test psychométrique aux meilleurs candidats; lorsque les résultats indiqueront, par exemple, que Monsieur X est à 73% introverti, on pourra alors induire qu’il lui sera probablement difficile de s’exprimer sans être bien préparé. Par contre, on ne saura toujours pas comment il s’y prendra concrètement pour négocier, motiver ses équipes, gérer les émotions ou composer avec la complexité. L’être humain reste encore indispensable pour évaluer les capacités d’intégration et l’adéquation à un environnement particulier et, de manière générale, pour intégrer la finesse et la subtilité de ce qui constitue le potentiel d’évolution.

En conclusion, si la révolution numérique apporte des bénéfices évidents dans le processus de recrutement, il faut néanmoins veiller à ne pas sombrer vers la «technologisation» des méthodes dans leur ensemble. Rien ne remplacera une évaluation fine du collaborateur par le biais de mises en situation en «live» et l’observation par des assesseurs confirmés pour inférer son adaptation au contexte spécifique de l’entreprise et cibler les mesures de développement. Parce que l’humain se distingue du haricot et de la carotte.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Edna Didisheim est directrice associée du Cabinet Didisheim. Lien: www.didisheim.ch

Plus d'articles de Edna Didisheim