Etude de cas

Localisation des véhicules d’entreprises: est-ce légal?

L’affaire

X SA vend et assure la maintenance d’extincteurs. Cette activité implique de fréquentes et régulières visites de clients. Les collaborateurs disposent de véhicules d’entreprise qu’ils conservent à leur domicile, mais n’ont pas le droit d’utiliser à des fins privées. Les collaborateurs ont été informés de l’installation d’un système de localisation GPS dans les véhicules d’entreprise, ce qui a permis de mettre à jour et de faire cesser des irrégularités et des abus (non-respect des horaires, fiches de travail fantaisistes ...), ainsi que d’optimiser les temps de déplacement et d’intervention; cela a engendré une augmentation de productivité de 38 pour cent. La localisation des véhicules en temps réel n’était possible que «sur requête» à une centrale, de sorte que l’Inspection des relations du travail (l’Inspection) prétendait à tort que ce système permettait une surveillance ciblée et permanente.

Un collaborateur s’est plaint à l’Inspection qu’il se sentait constamment surveillé et que le système de localisation était attentatoire à sa personnalité. L’Inspection a ordonné de retirer le système, car il mettait en danger la santé psychique des travailleurs en permettant «une surveillance systématique, durable, ciblée et préventive de leur comportement». La société a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit publique du TF.

 

Conséquences pour la pratique

Selon le TF, le principe de la proportionnalité, applicable en l’espèce, comprend 3 volets:

• le moyen choisi (le système de localisation) doit être propre à atteindre le but visé;
• le moyen qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts en cause (la santé, la liberté de mouvement et la personnalité des travailleurs);
• la proportionnalité au sens étroit qui requiert de mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la situation des personnes concernées, avec le résultat escompté du point de vue du but visé.
 
Ce système de localisation est un moyen utile et efficace pour vérifier que les employés se rendent chez les clients, y restent le temps nécessaire pour accomplir correctement leur tâche, effectuent toutes les visites, et pour limiter les irrégularités et les abus. C’est dans cette mesure limitée que le TF admet que ce système permet d’exercer un contrôle sur la qualité au sens large des prestations des collaborateurs.
La surveillance est seulement indirecte, car elle porte sur les véhicules et non sur les collaborateurs. Ce système appréhende durant 3 à 4 heures par jour un seul aspect des comportements, les déplacements en temps et en lieu. Selon le TF, la surveillance n’étant qu’indirecte, partielle et intermittente, l’atteinte qu’elle cause apparait proportionnée au but légitime visé. Il relève que ce contrôle sert l’intérêt de l’employeur, mais qu’il a aussi un intérêt de sécurité publique, préserver la sécurité des personnes et des biens que seuls des extincteurs en bon état de fonctionnement peuvent garantir.
 
AFT 130 II 425
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Avocat neuchâtelois, Pierre Matile est spécialisé en droit du travail pour les employeurs. En 1997, il a créé CJE à Bevaix. Il vient notamment de publier «Travail temporaire».

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