La chronique

Mon RH chez la reine des neiges

En empruntant, à contre-culture, les codes des entreprises anglo-saxonnes, beaucoup d’entre nous tombent dans le piège de la dictature de la communication positive à tout crin.

La complexité de l’exercice du métier de RH n’est pas seulement d’ordre technique ni réglementaire, elle devient de plus en plus éthique. Certes, la complication croissante de la réglementation et l’arrivée massive des nouvelles technologies dans les processus RH ne favorisent pas la simplification. Nous, RH, sommes l’articulation entre le monde des affaires, de la production et des humains, il est parfois facile en voulant insuffler de l’énergie et du positivisme de franchir la ligne rouge du discours benoitement positif inspiré du monde magique de Walt Disney.

Parce que le ton se doit d’être positif, les mots deviennent de plus en plus creux et surtout descriptifs d’une réalité parallèle que personne n’a jamais vraiment connue. «Nos collaborateurs sont notre atout le plus important», est surement parmi la dialectique RH le cliché le plus bancal. Comment ensuite justifier des pratiques objectivement fort éloignées de l’esprit de ce message? Les exemples sont légion: l’instauration d’un système de mesure de la performance qui élimine chaque année les 5% de moins performants, l’humain comme premier lest à jeter par-dessus bord lorsque les résultats financiers ralentissent, une culture de management toxique, la formation à la conformité considérée comme du développement personnel.

En empruntant, à contre-culture, les codes des entreprises anglo-saxonnes, beaucoup d’entre nous tombent dans le piège de la dictature de la communication positive à tout crin. Dans les pays de Voltaire ou de Rousseau, la relation au verbe et à son sens premier, nous pousse à considérer les mots tels qu’ils sont, c’est-à-dire des véhicules fiables de la pensée et des concepts. Or ériger les hommes et les femmes d’une entreprise comme ultime valeur puis les fouler du pied en démontrant que l’économie est in fine la véritable vertu suprême est un mensonge qui décrédibilise toutes les futures communications RH. Il est sain que la dimension économique soit claire et structurante dans l’entreprise privée, cessons simplement de tenir un discours de dupes et faisons en sorte que nos actes parlent plus forts que nos paroles quand il s’agit de se soucier du réel bien-être des personnes.

L’autre dimension massivement occupée par une dialectique RH questionnable, touche à un sujet essentiel et vraiment stratégique, l’inclusion et la diversité. Ce sujet est capital car il permet aux entreprises de recruter et de retenir les meilleurs en rassurant sur la saine culture d’entreprise. N’ayons aucune tolérance pour la discrimination et l’isolement de quiconque, deux seuls critères doivent primer dans le monde de l’entreprise, le savoir-faire et l’attitude. Les actions de la fonction RH visent donc à la convergence et au fonctionnement harmonieux de tout ce beau monde dans le sens de la stratégie de l’entreprise. Cependant certains messages viennent parfois brouiller et diviser les organisations avec une segmentation millimétrique des populations qui confond maladroitement intégration et inventaire à la Prévert. La loi est claire, on ne discrimine pas, à aucun moment, de la périphérie de l’entreprise jusqu’à son cœur. C’est simple, mais pas toujours assimilé par certains chantres de la diversité qui vont cristalliser leur attention sur les populations à ne pas discriminer plutôt que sur l’état final optimal de toute une organisation qui intègre, respecte et tire parti de la diversité de ses forces internes.

Par crainte de ne pas être suffisamment inclusif, le discours RH va se fourvoyer dans une énonciation des populations à ne pas discriminer pour des raisons d’âge, de genre, de préférence sexuelle, de race, de religion, d’appartenance politique ou syndicale, de handicap, de régime alimentaire, d’origine nationale, de philosophie, d’état de santé, de grossesse… L’entreprise se rêve d’être un écosystème où tout le monde se mélange de manière harmonieuse, mais une certaine dialectique mal canalisée crée un empilement de communautés bien distinctes. Le contenu des formations managériales anti-discrimination s’est échappé de son enclos et a colonisé une forme simpliste de pensée conforme où l’on craint tellement de discriminer que l’on en oublie l’essentiel:  la création supérieure de valeur produite par la diversité des intervenants.

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Olivier Deslandes est Executive HR au sein de la HR-Patrol. Ancien DRH du Groupe Lombard Odier, DRH pour le retail banking international de BNP Paribas, il a passé sa carrière RH entre les Etats-Unis, Singapour, le Japon l'Europe et la Suisse. Il accompagne aujourd'hui les dirigeants à identifier les meilleurs talents et à simplifier les organisations. Lien: www.hr-patrol.com - Contact: 079 967 55 35

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