Conseils pratiques

Peut-on apprivoiser la puissance des émotions dans les équipes?

Managers et dirigeants sont souvent mal à l'aise avec les émotions dans le milieu professionnel. L'Institut Interdisciplinaire du Développement de l'Entreprise (IIDE), a mené une recherche pour observer la manière dont les équipes appréhendaient collectivement les émotions. Avec quelques guidelines sur la manière de mieux les apprivoiser.

Une restructuration, un changement organisationnel, le comportement du manager, un article négatif sur l’entreprise dans les médias, des difficultés récurrentes avec des clients ou des usagers... Tous ces événements, et bien d’autres, créent des émotions, parfois très fortes, au sein des équipes de travail.

Quand ces émotions sont partagées au sein du groupe ou quand elles sont divergentes, mais concernent un événement qui a une signification collective pour l’équipe, on peut parler d’émotions collectives.

Face à celles-ci, les collaborateurs et plus encore les managers se sentent souvent démunis. Au sein de l’Institut Interdisciplinaire du Développement de l’Entreprise (IIDE), nous avons mené une recherche pour observer la manière dont les équipes appréhendaient collectivement les émotions et pour apporter des guidelines sur la manière de mieux les apprivoiser.

La puissance des émotions au travail, une question mal «gérée»

Les émotions au travail suscitent un intérêt croissant de la recherche en management. Depuis deux décennies, de nombreux travaux portent sur les manifestations et les conséquences des émotions au travail. Ceux-ci montrent à quel point les émotions sont centrales dans l’action humaine et la prise de décision. Elles exercent un effet primordial sur l’activité au sein d’une équipe. Elles peuvent rendre insolubles les situations qui sembleraient les plus simples a priori. Il existe en outre des phénomènes de contamination au sein d’une équipe qui peuvent créer des spirales négatives ayant des conséquences profondes et à long terme.

Ces éléments plaident en faveur d’une plus grande attention portée aux phénomènes émotionnels au sein des équipes. Cependant, les managers et les dirigeants préfèrent souvent nier leur importance. Ils sont mal à l’aise avec les émotions dans le milieu professionnel, notamment les émotions négatives et surtout quand elles ont une dimension collective. En effet, nous considérons souvent que le professionnalisme consiste à mettre ses émotions de côté. Le management est porteur d’une norme de rationalité qui fait mauvais ménage avec les affects (Bonnet, 2020). Pour de nombreux managers, parler des émotions ou de ce qui les provoque est dans le meilleur des cas une perte de temps ou pire, ouvre une boîte de pandore. Ils hésitent à aborder collectivement les problèmes qui ont des dimensions émotionnelles et espèrent les atténuer en les ignorant...

Apprivoiser la puissance des émotions: les stratégies de régulation émotionnelle.

Et pourtant, les travaux portant sur l’intelligence émotionnelle montrent que le bien-être et l’efficacité des individus dépendent largement de leur capacité à reconnaître, exprimer et réguler les émotions, autrement dit de l’intelligence émotionnelle. Parmi les compétences émotionnelles, la régulation des émotions consiste à agir sur les émotions pour les rendre plus fonctionnelles, en tentant de modifier celles qui peuvent avoir des conséquences négatives sur le bien-être ou les objectifs de l’individu. La recherche a délimité un ensemble de stratégies de régulation que nous mobilisons quotidiennement.

Individuellement, nous régulons ainsi nos émotions en permanence. Mais au travail, l’équipe est un lieu dans lequel des émotions collectives émergent, et celles-ci peuvent alors être régulées collectivement. Cela se réalise souvent de manière informelle (Bonnet, 2020) dans les couloirs ou à la pause-café, mais également lors de séances formelles. Pour cela, il faut y rendre possible l’expression des émotions ressenties au sein de l’équipe pour qu’elles puissent être traitées collectivement. Ainsi, la recherche montre que les compétences des équipes dans la régulation des émotions sont associées à une meilleure gestion des conflits, à une plus grande performance et une meilleure coopération.

Les équipes ont ainsi beaucoup à gagner à apprendre à mieux apprivoiser les émotions qui naissent en leur sein.

Références

Bonnet, T.: La régulation sociale du risque émotionnel au travail, Octarès Editions, 2020

Mikolajczak, M., Quoidbach, J., Kotsou, I., & Nelis, D.: Les compétences émotionnelles, Éd. Dunod, 2020

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Céline Desmarais est Professeure et co-Directrice du MAS Développement Humain dans les Organisations, HEIG-VD.
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Isabelle Agassiz est Adjointe scientifique HEIG-VD - IIDE, Institut interdisciplinaire du développement de l’entreprise.

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