Management et spiritualité

Pourquoi la méditation intéresse de plus en plus les entreprises

Pratiquant la méditation quotidiennement depuis 13 ans, Sébastien Henry, entrepreneur, auteur et coach, explique ici pourquoi les perceptions autour de cet art de vivre sont en train de changer.
La méditation n’est en fait pour moi qu’une pratique de sagesse parmi d’autres: pour prendre une perspective plus large, c’est tout un héritage de sagesse, transmis depuis des siècles et qui comprend aussi la tradition philosophique léguée par la Grèce antique, dont nous nous sommes coupés dans nos entreprises. C’est devenu pour moi une évidence après environ 20 ans dans le monde des affaires, où j’ai vu beaucoup de talents et de qualités, mais aussi un grand manque de sens et de souffle, et parfois une vraie souffrance. Dans le monde de la sagesse, au contraire, où la priorité absolue est donnée à l’épanouissement de la personne, j’ai rencontré beaucoup de gens au regard pétillant de joie, profondément heureux.
 
Un pont est nécessaire pour que le meilleur de ces deux mondes puisse être échangé: l’aptitude à la performance et à l’efficacité du monde des affaires (et plus largement des organisations, privées ou publiques), et l’art de vivre relié à l’essentiel cultivé par le monde de la sagesse.
 
Dans mon dernier livre, j’ai choisi de me pencher en particulier sur la méditation, car, à travers mes 13 années de pratique quotidienne, je ne connais pas de pratique qui soit à la fois aussi simple et profonde, et qui puisse convenir à toutes les sensibilités (parmi les 60 décideurs que j’ai interrogés pour le livre, il y a des chrétiens, des musulmans, des bouddhistes, des agnostiques et des athées).
 

Plus créatifs et en mesure de prendre des décisions justes

La plupart des managers viennent à cette pratique par la porte d’entrée d’un stress qui devient pesant. Mais ils s’aperçoivent vite que les bénéfices, pour eux-mêmes et leurs collaborateurs vont beaucoup plus loin: ils se sentent plus présents à eux-mêmes et aux autres, plus en empathie envers leurs collaborateurs (et leur famille), davantage capables de percevoir les «signaux faibles», mais aussi plus créatifs et en mesure de prendre des décisions justes, plus rapidement.
 
Enfin, à mesure que la pratique permet d’avancer sur ce qui pourrait être décrit comme un chemin, ce sont aussi parfois les priorités qui changent: l’ego est repositionné à sa juste place, un style de leadership plus collaboratif est adopté, et l’envie grandit d’apporter une contribution positive plus forte à son organisation et plus généralement à la société.
 
Malheureusement, pour certains, la méditation reste perçue comme une pratique qui indique une faiblesse chez un manager, qui rime avec complexité et abstraction, ou qui est d’essence religieuse, donc malvenue dans une organisation, publique et privée.
 
Mais ces perceptions sont en train de changer rapidement. En fait, beaucoup de managers que j’ai rencontrés pour mon livre, qui ont essayé «pour voir» ont très rapidement fait le constat que c’était une pratique simple et concrète, abordable de façon entièrement laïque, qui leur donnait l’impression d’entrer en contact avec la facette la plus belle d’eux-mêmes, et de la faire grandir. Comme ce sont souvent des gens pragmatiques, ils ont continué!
 

Une pratique de plus en plus courante dans les entreprises

Il s’agit même d’un mouvement d’une ampleur impressionnante, notamment aux Etat-Unis et dans un pays comme le Danemark. Parmi les 60 décideurs que j’ai rencontrés pour le livre, il y a des dirigeants de grands groupes, des managers, mais aussi des patrons de PME, comme le patron d’une PME du bâtiment qui m’a beaucoup touché par son enthousiasme.
 
Certains sont si convaincus de l’apport de cette pratique à leur mission professionnelle qu’ils mettent en place des initiatives pour en favoriser l’accès à leurs collaborateurs, en interne. Une fois que les conditions essentielles sont posées (approche entièrement laïque, volontariat, implication du top management, lien explicite avec les enjeux du business) comme chez Google, ou dans un programme pilote que j’ai mis en place avec Sodexo en France, on s’aperçoit que les programmes de formation basés sur la méditation ou la «mindfulness» rencontrent un grand succès.
 
Dans ce dernier cas (Sodexo, dont les responsables m’ont autorisé à citer le nom), le succès a été grandement facilité par le fait que le Directeur Général et la DRH de la Business Unit en charge de l’expérimentation avaient une intention très claire et saine: mettre le programme proposé aux collaborateurs en priorité au service de leur bien-être et de l’harmonie au sein des équipes. Bien sûr, ils étaient convaincus qu’un gain de bien-être et d’harmonie allait in fine aussi profiter à l’entreprise. Ce fut pour moi un très bel exemple d’initiative dans l’intérêt de toutes les parties.
 
Par ailleurs, les signes se multiplient que même les dirigeants s’intéressent activement à cette pratique. Je connais personnellement un bon nombre de membres de comités de direction qui ont déjà une pratique personnelle. Beaucoup hésitent encore à promouvoir des initiatives en interne, car ils ne sentent pas forcément l’intérêt de leurs collègues, mais c’est parfois une perception erronée. Récemment, j’ai ainsi accompagné pendant une journée entière le comité de direction Europe d’une des plus grandes entreprises mondiales (dans le top 20 des Global 500). Deux membres du comité exécutif du Groupe étaient présents pour cette journée entièrement dédiée à la pratique de la méditation. Tous les membres n’étaient pas intéressés au même degré à l’origine, mais j’ai été très heureusement surpris par l’engagement et la participation de chacun. Cela aurait été pour moi impensable il y a encore quelques années.
 

Une opportunité pour les managers dans un contexte difficile

La plus belle qualité des managers et dirigeants, et la part la plus sage et inspirante d’eux-mêmes, sont sans cesse menacées dans l’environnement de travail actuel, avec son flux d’informations quasi-continu et la pression qu’il exerce. Par exemple, étant moi-même entrepreneur, je me suis à de nombreuses reprises surpris à être «too busy to love»: trop occupé pour prendre vraiment soin de mes collaborateurs mais aussi de ma famille.
 
Dans ce contexte, il est je crois essentiel de veiller à préserver la meilleure partie de soi-même, puis à la faire grandir. Il y a en chacun une voix de sagesse: se mettre à son écoute suppose de prendre des temps de recul réguliers, faits par exemple de silence et de solitude qui viennent nous nourrir.
 
Agir et manager en étant ancré dans la sagesse qui nous a été transmise et que nous portons aussi en nous est un vrai défi, qui n’est jamais gagné. C’est aussi un chemin magnifique sur lequel progresser, jour après jour.
 

Profil

Il construit un pont entre sagesse et business

Après avoir fondé et codirigé pendant huit ans une entreprise en Asie (Shanghai, Hong Kong, Singapour et Tokyo), Sébastien Henry se consacre aujourd’hui à la construction d’un pont entre sagesse et business, et accompagne des dirigeants soucieux de concilier leur exigence d’excellence et de performance professionnelle avec leur quête de sens et d’engagement. Il médite quotidiennement depuis 13 ans et est l’auteur de 4 livres, dont «Ces décideurs qui méditent et s’engagent. Un pont entre sagesse et business», préfacé par Matthieu Ricard et Thierry Marx (Dunod, 2014).

 

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