Prendre soin de nos collaborateurs pour qu’ils prennent soin de nos patients
À la Direction des ressources humaines du CHUV, cette phrase (citée en titre) fait écho aux différentes missions assurées au quotidien. Si bien qu’elle s’est matérialisée sous la forme d’un outil concret qui permet désormais de mesurer l’expérience collaborateur et son évolution dans le temps, le tout d’une manière personnalisée et adaptée à l’équipe.
Reconnu internationalement pour ses compétences médicales et son expertise dans la médecine de pointe, le CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) joue aussi les premiers rôles en termes d’innovation quant à la gestion de ses collaborateurs. Consciente et convaincue que la qualité de prise en charge des patients est intimement liée au bien-être et à l’équilibre de tout le personnel de l’Institution, la Direction des ressources humaines (DRH) a décidé en 2019 de faire de la qualité de l’expérience collaborateur (lire aussi ci-contre) l’une de ses priorités.
En collaboration avec la cellule ESOPE d’Unisanté, l’unité Organisation et amélioration continue (OrAC) a transformé cette intention en un outil innovant et unique au monde qui exprime sa force par son alliance avec une méthodologie d’accompagnement elle aussi pionnière dans le paysage hospitalier suisse.
Cet outil répond à une demande croissante de la part des responsables de l’Institution, notamment lorsqu’il s’agit de faire face à des difficultés de nature diverse. Des Directions départementales jusqu’aux cadres de proximité d’équipes pluridisciplinaires, en passant par les chefferies de service, nombreux sont les managers qui désirent observer un retour du plaisir au travail de leurs équipes. L’enjeu d’une nouvelle forme d’équilibre après la crise du Covid renforce encore cette préoccupation des cadres de pouvoir objectiver leurs perceptions du climat de travail afin de l’améliorer.
Construit par et pour les managers
L’unité OrAC forme les responsables d’équipe au management de l’amélioration continue depuis 2016, leur offrant un set d’outils concrets à emporter avec eux et applicables dès le lendemain. Fort de l’intérêt suscité, le cours a intégré le cursus de formation du Micro MBA sous la forme d’une demi-journée destinée aux futurs cadres supérieurs du CHUV.
C’est dans les échanges avec quelques-uns des 350 responsables formés que l’idée a germé. La question est régulièrement posée: comment renforcer l’organisation, le quotidien? Comment améliorer la qualité de vie au travail de mon équipe?
Une question complémentaire en guise de réponse: comment mesurez-vous le bien-être de vos équipes? Sur quelle base pouvez-vous affirmer que votre équipe est épanouie et engagée? Face au silence et à la frustration de ne rien avoir en main pour rendre tangible leur perception d’une ambiance de travail perfectible, certains évoquent quand même les traditionnelles enquêtes de climat à large échelle effectuées tous les deux ans. Mais la majorité s’accorde à dire que le long délai de restitution des résultats et l’impossibilité de les rapporter à la taille de leur équipe rendent la démarche désynchronisée de leur réalité du moment.
Cela se traduit par une grande difficulté à trouver les leviers du changement pour insuffler une modification de direction dans l’organisation d’une entité et l’incapacité à en mesurer les impacts positifs et/ou négatifs sur le plan humain.
Après de vaines recherches pour trouver un outil dynamique permettant le monitoring de contexte professionnel en termes de climat de travail, le constat fut qu’il n’existait aucune solution couvrant toutes les attentes. D’entente et en collaboration avec ESOPE, l’idée de le créer à partir d’une page blanche était lancée.
Un groupe de projet intégrant des cadres de proximité et des psychologues du travail s’est mis à l’œuvre. Après un screening mondial approfondi de la notion de bien-être au travail générant plus de 600 questions, chacune d’entre elles a été analysée pour en évaluer sa pertinence dans le contexte culturel, professionnel et social en Suisse. La version finale retenue comporte 300 questions couvrant 61 thématiques en lien avec 4 niveaux (voir l’encadré ci-contre).
Par souci de ne pas qualifier une situation en parlant de bien-être trop tôt, la désignation d’expérience collaborateurs a été préférée pour sa «neutralité»; donnant ainsi naissance à l’outil EECo© pour Evaluation de l’Expérience Collaborateurs.
La personnalisation comme clé de voûte
Parmi les forces d’EECo©, quelques éléments ont rapidement conquis les premiers utilisateurs. L’un d’entre eux est de pouvoir s’adapter à chaque équipe au moyen d’un choix des thématiques contextualisé, qui leur appartient et auquel la direction, voire même les collaborateurs dans certains cas, sont associés.
Cette capacité de «Fitting» à la singularité d’une organisation permet de ne retenir que les questions les plus pertinentes, réduisant ainsi le questionnaire à une taille raisonnable d’environ 100 questions pour 15 à 20 minutes de temps de réponse. Le questionnaire est totalement anonyme.
Une autre de ses qualités est de pouvoir créer un set de questions spécifiques et personnalisées exclusivement dédiées aux réalités métier ou conjoncturelles des collaborateurs évalués. Ce second et haut degré de contextualisation permet aux équipes de s’approprier l’outil puisqu’ils peuvent en façonner un pan exclusif. Dans un contexte Covid, la sensibilité des cadres aux conditions vécues par leurs équipes est très grande et nombreux sont ceux qui souhaitent évaluer ces aspects.
Dernier atout de l’outil: la possibilité de refaire des évaluations ultérieurement après des actions concrètes. Cette mesure tangible et factuelle des impacts sur le terrain de tout type de changement offre aux managers un outil de pilotage dynamique et précieux. Ce sont les clés de l’agilité de leur organisation. Au-delà de la valeur précise des scores obtenus par thématique, l’intérêt réside dans le suivi de l’évolution des scores dans le temps, véritable baromètre dynamique du climat de travail.
Un outil qui s’adapte aux besoins
Plusieurs démarches réalisées depuis 2019 ont permis de tester l’outil et d’en affiner les rouages sur la base des premiers retours de la part des managers et des collaborateurs. Force est de constater que l’outil dispose d’une grande capacité à évoluer puisque OrAC et ESOPE sont capables, ensemble, de l’adapter aux besoins du terrain.
La démarche proposée par l’unité OrAC qui accompagne le déploiement de l’outil dans un service est cruciale et indissociable d’EECo©, car elle intègre des préceptes issus des théories sur la gestion du changement, «l’Empowerment» des collaborateurs, le leadership transformationnel ou plus généralement sur l’importance de la communication dans la conduite des équipes. En témoigne l’illustration (1); recueil des bonnes pratiques qui résume les 7 étapes incontournables dans le processus.
S’il ne fallait citer qu’une qualité exigée de la part de la direction qui souhaite évaluer le climat de travail dans son équipe, c’est celle de la capacité à se remettre en question. Ce qui ressortira de l’enquête peut parfois incriminer le management directement et aussi plus généralement d’autres aspects en lien avec la gestion d’équipe.
La direction doit s’engager d’entrée de jeu à porter, soutenir et alimenter la démarche. Les collaborateurs seront d’autant plus enclins à se remettre en question sur des aspects organisationnels ou d’autre nature s’ils constatent que leur direction agit de la même manière.
Lors des premiers pilotes, l’implication des collaborateurs dans le choix des thématiques a souvent été proposée. Cette approche participative dans la configuration du questionnaire dénote que la direction place déjà l’équipe au centre de ses préoccupations et favorise ainsi son appropriation de la démarche. Plusieurs méthodes de présélection des dimensions impliquant les collaborateurs et la direction ont été testées, augmentant notamment le taux de participation. Sur le premier projet pilote, ce sont 96% des collaborateurs qui ont répondu!
La communication de la démarche joue un rôle clé également. Même si en général les équipes sont plutôt favorables à l’enquête voire même demandeuses, certains restent sceptiques sur le fait que cela débouche sur des actions concrètes. Il s’agit alors pour la direction de trouver les mots pour rassurer et mieux encore, quelques «Quick win» pour démontrer qu’un changement de paradigme a eu lieu en termes d’état d’esprit. Le «management par l’exemplarité», où les actes sont joints à la parole, donne de très bons résultats.
Passé cette étape, une fois les doutes et les craintes éventuelles levés, le questionnaire anonyme peut être envoyé par mail à tous les collaborateurs qui auront 2 à 3 semaines pour y répondre. Au terme du sondage, les résultats sont tous compilés dans une interface de type Web-reporting à laquelle uniquement l’équipe OrAC/ESOPE et la direction de l’entité peuvent se connecter.
À moins d’avoir une boule de cristal, il est impossible de prédire d’emblée quelles sont les thématiques qui ressortiront comme mal ou bien évaluées à l’issue de la première enquête. La question se pose alors de savoir quoi faire des résultats. Comment les interpréter? Quelles conclusions en tirer? Quelle restitution faire aux collaborateurs?
Une première séance d’analyse et d’interprétation avec l’équipe de direction a lieu avec comme objectif de convenir d’une stratégie pour la suite, notamment en ce qui concerne les accompagnements possibles et le message à faire passer à toute l’équipe en guise de restitution. Un plan d’action réaliste et concret formalise généralement les étapes futures. L’objectif principal est d’avancer petits pas par petits pas, de manière résolue, régulière et orientée solution.
Après quelques mois, une seconde enquête a lieu, une fois qu’un certain nombre de changements annoncés ont pu être implémentés. Cela permet de mesurer objectivement si les conditions de travail se sont améliorées ou non, le cas échéant quelles corrections de cap insuffler dans l’organisation quotidienne.
Au service des professionnels du terrain
Dès les analyses des résultats obtenus dans les premiers projets pilotes, un constat est apparu de manière évidente. EECo© s’avère être en réalité un sas d’accès ouvrant sur les prestations de la DRH du CHUV. Pour chaque thématique dont le score nécessiterait une attention particulière, il existe un ou plusieurs spécialistes RH du domaine concerné.
Si par exemple, il ressort d’un sondage que les collaborateurs souhaiteraient renforcer leurs compétences, on sollicitera le centre des formations en guise de réponse. Toujours à titre d’exemple, si les compétences managériales sont mal notées, on pourra faire appel à l’unité de développement managérial. Dans tous les cas de figure, la DRH est capable de faire appel à un large réseau de compétences internes et externes afin de fournir aux équipes et leurs managers les clés de l’amélioration.
La Direction RH du CHUV fait désormais de la mesure de l’expérience collaborateur, à taille adaptée, une priorité pour le futur. Véritable pierre angulaire de toutes les prestations de la DRH, EECo© constitue la porte d’entrée idéale pour savoir lesquelles proposer dans l’accompagnement des services afin de leur permettre d’améliorer les conditions de travail.
Lors des premières évaluations, EECo© s’est d’emblée révélé être un outil agile et performant, à la croisée des défis RH et de ceux des responsables d’équipe qui ont compris que la santé, le bien-être et une bonne expérience collaborateur renforçaient l’engagement dans le service, pour le plus grand bien des patients.