Personne de confiance en cas de conflit/harcèlement

Prérequis et cas pratiques

Les expériences du terrain montrent que la réflexion en amont et l’intégration du dispositif de personne de confiance dans un concept global de santé au travail sont déterminantes à la réussite du projet. Conseils et cas pratiques.

Un conflit non géré a des conséquences directes sur l’ambiance de travail, le niveau de stress et la motivation. Il a également un impact sur la perception que peuvent avoir les collaborateurs et collaboratrices des compétences managériales de leur hiérarchie. La non gestion des conflits devient ainsi partie intégrante de la culture de l’entreprise lorsqu’elle est généralisée par indifférence, banalisation, méconnaissance des mécanismes ... ou manque de courage!

Au-delà des seuls conflits interpersonnels, des comportements excessifs tels que des attitudes colériques ou violentes, des propos grossiers, l’abus de substances, le harcèlement psychologique ou sexuel sont source de mal-être au travail, ils sont destructeurs pour les personnes.

Un taux d’absence élevé et un turn-over important (ce sont les meilleurs et les mieux formés – les talents – qui s’en vont les premiers!) en sont les symptômes. Il y a souffrance, gaspillage d’argent et dégât d’image, mettant à terme en danger l’entreprise elle-même.

Une étude conduite par Pro Best auprès d’un important centre hospitalier a démontré que parmi les problématiques identifiées, 40 % étaient d’ordre managérial!

Obligation de l’employeur

Des incitations existent. Notamment l’Arrêté du Tribunal Fédéral du 9 mai 2012 relatif à la prévention des risques psychosociaux et des conflits, stipulant que l’employeur a l’obligation de désigner une personne (de confiance), travaillant en son sein – ou un tiers externe, à laquelle tout employé doit pouvoir s’adresser en cas de conflit.

Les personnes de confiance sont là pour apporter aide et appui, informer sur la procédure de prévention du harcèlement ainsi que sur les droits de la personne, orienter vers d’autres instances spécialisées lorsque cela s’avère nécessaire ou pour des situations personnelles.

Elles aident à trouver des solutions ou un accord ou peuvent accompagner la personne en difficulté auprès des RH, voire informer la hiérarchie avec un accord explicite. Elles doivent surtout offrir toutes les garanties de confidentialité.

Quel que soit le système mis en place, interne ou externe, il y a lieu impérativement de satisfaire quelques prérequis.

Formation, charte, confidentialité

Ces personnes auront été formées aux fins d’acquérir les connaissances quant à leur posture et tout ce qui relève des facteurs de risques psychosociaux (RPS).

Parallèlement, la direction et l’encadrement auront été sensibilisés aux RPS, particulièrement aux harcèlements sexuel et psychologique. Les risques de burnout et les conduites addictives seront abordés. Les dispositions légales seront rappelées ainsi que les indicateurs santé, le fonctionnement de l’assurance «perte de gain maladie» et le coût de l’absence pour l’organisation.

L’existence d’une charte de comportement et la révision du règlement d’entreprise seront vérifiés. Un soin particulier aura été apporté au lancement du dispositif, notamment quant à la préparation de la communication (contenu, méthodologie, planification). Autant d’actions paraissant anodines, mais à terme gage de réussite.

Une attention particulière sera portée sur la confidentialité, le rôle et les responsabilités de l’ensemble des acteurs, tels que les RH, la hiérarchie, le médecin traitant, les médecins conseil de l’entreprise et de l’assureur perte de gain.

Plus spécifiquement en ce qui concerne les personnes de confiance externes, ces dernières doivent avoir de solides compétences RH afin de pouvoir décrypter, lorsqu’elles sont interpellées, les enjeux en termes de rôle et responsabilités, de liens hiérarchiques. Elles auront accès au règlement interne du personnel, à la charte et/ou des valeurs de l’organisation. Ainsi elles pourront comprendre la situation exposée et poser les bonnes questions à leurs interlocuteurs.

Enfin, nous constatons que la mise en place de personnes de confiance comme action unique n’a que peu d’impact positif. Il est important d’accompagner cette démarche par d’autres mesures de santé au travail, telles que notamment la gestion des absences et la prise en charge de personnes atteintes dans leur santé, ceci afin d’avoir une démarche cohérente s’inscrivant dans la durée. Une approche plus globale est clairement plus bénéfique. En outre, une personne de confiance externe à l’entreprise est plus souvent sollicitée qu’une personne désignée en interne. La confiance et la confidentialité en sont les principales raisons.

Notre expérience montre que la mise en place de ces dispositifs est plus souvent motivée par le devoir de remplir une obligation légale qu’une vraie démarche de soutien pour les collaborateurs. Cette démarche s’avère souvent difficile pour les entreprises. Une relation de confiance entre l’entreprise et le prestataire est primordial.

 

Le 8 juin 2017, Julien Perriard dispensera une formation d'une matinée sur les personnes de confiance en cas de conflit, dans le cadre de la HR Today Academy. Inscriptions ici.

 

Exemple de mise en œuvre 1 : «Groupe de confiance» interne

La FOJ (Fondation Officielle de la Jeunesse) et la SIGPA (Société Genevoise pour l’Intégration Professionnelle d’Adolescents et d’Adultes), regroupant quelque 400 personnes se sont engagées à ne tolérer ni harcèlement psychologique ni harcèlement sexuel, qu’ils soient le fait de la hiérarchie, de collègues ou de tiers. Ces deux institutions ont mis en place conjointement dès fin 2009 un «Groupe de confiance» constitué de huit personnes internes parmi lesquelles une cuisinière, une lingère, des éducateurs et éducatrices, du personnel administratif, auxquelles peuvent s’adresser toutes les personnes en difficulté, pour autant qu’il n’y ait pas de lien hiérarchique direct.

Les buts du dispositif sont: 1. la prévention par l’information et la formation, 2. la prise en considération des soupçons convergents de harcèlement, 3. le soutien aux victimes et la résolution des conflits, 4. le traitement des plaintes, 5. la sanction et la réparation en cas de harcèlement avéré.

Ce dispositif s’applique à l’ensemble des personnels, y compris les stagiaires et les apprentis. Le groupe est appuyé par deux personnes externes assumant la supervision du dispositif et la formation de ces membres qui sont indemnisés.

Chaque année, un bilan permet de mettre en place de nouvelles stratégies pour éviter au possible les situations conflictuelles ou de harcèlement. Depuis la date de mise en œuvre, il y a annuellement de une à neuf interventions. Toutes les situations ont été résolues avec l’aide du groupe de confiance. Une seule est revenue au niveau de la direction pour un traitement par la voie hiérarchique qui a abouti à un licenciement.

Le dispositif doit bien être bien connu en amont d’une problématique. Il faut maintenir l’information au sein des différents sites et les RH ont un rôle important pour la promotion ainsi que les cadres.

Exemple de mise en œuvre 2 : «Ligne de soutien» confidentielle externe

Une importante commune de Suisse romande employant quelque 450 personnes a souhaité mettre en place une ligne de soutien confidentielle (antenne téléphonique).

Les collaboratrices et collaborateurs ont à leur disposition, à choix, deux interlocuteurs, une femme et un homme.

A ce stade du projet, opérationnel depuis octobre 2016, il est prématuré de tirer des conclusions. Toutefois, depuis cette date, trois situations ont été traitées, dont une de crise soumise par les RH pour laquelle l’intervention d’un médecin psychiatre psycho-traumatologue a été conseillée avec succès.

D’une manière générale, la personne de confiance traite directement un certain nombre de situations directement ou fait appel à des intervenants externes lorsque la situation dépasse son champ de compétences. En ce sens, le réseau de partenaires auxquels la personne de confiance peut adresser les collaborateurs revêt une grande importance.

Dans une autre situation, la personne de confiance a proposé d’accompagner la personne auprès de sa hiérarchie et de prendre le rôle de médiateur.

Ceci étant, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que la phase préalable au lancement comprenant la formation des cadres supérieurs, la sensibilisation de l’encadrement direct et l’information de l’ensemble du personnel est tout aussi importante que l’antenne téléphonique en tant que telle.

A cet égard, il a été largement fait référence aux dispositions légales en vigueur, aux valeurs de la Commune déjà largement divulguées ainsi qu’aux statuts du personnel, particulièrement aux articles relatifs au harcèlement sexuel et psychologique y figurant déjà en bonne place.

Les personnes de confiance externes doivent avoir de solides compétences RH afin de pouvoir décrypter, lorsqu’elles sont interpellées, les enjeux en termes de rôle et responsabilités, de liens hiérarchiques.

 

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Philippe Aigroz préside Pro Best, une association qui accompagne les entreprises dans le domaine de la santé au travail. www.probest.ch

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Valérie-Anne Sermet von Muralta est responsable «Gestion de Santé en Entreprise» chez IBC. www.ibc-broker.com