Nouveaux modèles de rémunérations

Quels types d’incitations pour les employés des services publics?

En quoi les incitations pour les employés des services publics seraient-elles différentes des incitations proposées aux autres employés du secteur privé? Une récente enquête effectuée dans un service d’une administration publique donne quelques réponses.

La spécificité du management RH de la nouvelle gestion publique est qu’elle réalise un copier-coller du management RH du secteur privé, ce dernier faisant un usage intensif des schémas d’incitations monétaires. Ce type d’incitations privilégie l’individu qu’il considère égoïste et obsédé par la maximisation, au détriment de l’équipe fondée sur l’esprit de collaboration et sur la synergie qui en découle. Les effets néfastes d’une telle stratégie n’ont pas tardé à démontré que la simple réplication d’une stratégie RH qui fonctionne bien dans le secteur privé n’est pas suffisante pour améliorer la gestion RH du secteur public.

Afin de corriger cet impact négatif, le concept de la motivation pour le service public est venu à la rescousse, car il considère que l’employé dans les services publics est attiré par une cause, une mission qui dépasse son intérêt personnel. Il s’agit d’une motivation de type intrinsèque, à l’opposé des incitations monétaires qui répondent à une motivation de type extrinsèque. Au vu de ce paysage motivationnel complexe, la question de départ portant sur les types d’incitations adéquats pour les employés de services publics prend tout son sens.

L’analyse

Pour exemplifier cette approche, nous présentons ici un service appartenant à l’administration publique suisse. Il s’agit d’un échantillon composé de 59 employés (sur 72 au total) d’un âge moyen de 40 ans, dont un peu plus d’une dizaine sont des hommes, le reste étant représenté par des femmes. L’analyse identifie une structure motivationnelle composée de quatre facteurs:

1. Un premier facteur reflétant la motivation extrinsèque: la rémunération, les opportunités de carrière, la sécurité du travail, l’équilibre famille-travail, les vacances, etc. Ce facteur explique à lui seul 27 pour cent de la motivation.

2. Le deuxième facteur explique autour de 23 pour cent, et reflète la motivation pour le service public qui inclut l’intérêt pour les politiques publiques, l’utilité pour les bénéficiaires, les valeurs personnelles, le sens personnel de la vie et aussi la valeur que la société accorde au service public fourni.

3. Le troisième facteur explique 20 pour cent de la motivation et est constitué de la compassion, le sacrifice de soi, et le désir de participer à l’implémentation des valeurs constitutionnelles.

4. Le quatrième facteur explique aussi presque 20 pour cent de la motivation et concerne l’attrait pour le contenu du travail et la diversité de tâches à effectuer.

Ainsi la structure motivationnelle nous apparaît équilibrée entre des facteurs organisationnels de type extrinsèque (facteurs 1 et 4) et les facteurs individuels de type intrinsèque (facteurs 2 et 3). Cette structure peut varier d’une institution à l’autre. Lors de la conception des politiques RH, notamment des incitations, il est souhaitable que les stratégies proposées prennent en compte cette structure afin de proposer des solutions efficaces.

Conclusions

L’idée que travailler dans les services publics répond à un besoin personnel, et qu’il n’est pas nécessaire d’offrir des incitations extrinsèques, ne correspond pas à la réalité. Plu-sieurs études ont démontré que le niveau des incitations extrinsèques offertes aux employés des services publics est interprété par ces derniers comme une forme de valeur que la société accorde à leur travail. D’où la conclusion implicite, si les incitations extrinsèques ne sont pas assez importantes, les employés l’interprètent comme un manque de reconnaissance de la part de la société. A l’inverse, l’analyse permet de mettre en évidence qu’offrir un bon salaire et des conditions de travail excellentes ne suffit pas non plus pour motiver les employés. Ainsi, l’employé des services publics apparaît, ni ange, ni démon, mais plutôt un humain qui cherche à accomplir tant son besoin d’être utile à autrui, que le besoin de bénéficier d’une vie matérielle satisfaisante.

Nicoleta Acatrinei

L'auteur est assistante de recherche à l'institut de hautes études en administration publique à Lausanne.

 

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Nicoleta Acatrinei vient de terminer une thèse à l’IDHEAP. 

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