Conseils pratiques

Questions pratiques autour de la flexibilisation des horaires de travail

Introduire un horaire flexible permet d’adapter l’activité aux fluctuations saisonnières et aux évolutions des commandes. Il est également utilisé pour gérer la charge de travail et pour prévenir des risques de santé.  Tour d’horizon des questions juridiques.

La flexibilisation de l’horaire de travail est souhaitable notamment pour les raisons suivantes: l’activité a un caractère saisonnier récurrent; le volume de travail dépend de facteurs non maîtrisables tels les entrées de commandes, les absences à suppléer, etc. et enfin pour des raisons de prévention et de sécurité. En tous les cas, la flexibilisation du temps de travail ne doit être ni une forme déguisée de travail sur appel, ni un horaire à la carte permettant aux collaborateurs d’aller et de venir à leur guise.

Objectif

La flexibilisation de l’horaire de travail doit permettre le maintien de l’emploi en limitant les engagements et les licenciements au gré des entrées de commandes, des absences à suppléer ou de la saison. L’horaire de travail varie en fonction de la charge de travail contrairement à un horaire prédéfini qui peut engendrer du présentéisme. Il doit également permettre de limiter le recours à l’assurance chômage, le risque d’accidents et a pour but d’optimiser la gestion du travail en fonction de la période, respectivement du volume de travail.

Egalité de traitement

L’employeur doit tenir compte de la situation et des possibilités de chaque collaborateur pour fixer son horaire. Le principe d’égalité de traitement doit être respecté, sans privilégier certains collaborateurs en leur accordant les meilleurs horaires. La flexibilisation de l’horaire de travail peut être définie pour l’ensemble des collaborateurs, un secteur d’entreprise, voire un seul collaborateur.

Dispositions légales

L’introduction de l’horaire flexible ne dispense pas du respect des dispositions légales telles l’enregistrement du temps de travail, le repos quotidien, la limite du travail supplémentaire, etc.

Quelques exemples 

Nous examinons ici quelques exemples de flexibilisation du temps de travail au travers de trois CCT.

1. CCT du secteur principal de la construction (CN)
Elle a été introduite pour tenir compte des conditions de travail moins favorables et du risque plus élevé d’accident lorsqu’il fait nuit et froid. L’horaire hebdomadaire minimum est de 37.5h et maximum de 45h. En fin d’année, il est établi un calendrier de la durée du travail pour l’année suivante. Ainsi, le collaborateur sait que, par exemple, en janvier l’horaire hebdomadaire est de 38.75h, de 41.25h dès le 1er avril,  de 43.75h dès le 7 mai, pour baisser à 41.25h le 27 septembre et à 38.75h le 1er octobre. L’entreprise peut, en raison de pénurie de travail, d’intempéries ou de pannes techniques, modifier le calendrier de la durée du travail pour l’ensemble de l’entreprise ou pour certaines parties.

2. CCT romande du second œuvre (CCT SOR) 
Elle a été convenue afin de tenir compte des besoins économiques des entreprises. La durée hebdomadaire de travail peut être fixée entre 32 heures sur 4 ou 5 jours et 47 heures sur 5 jours. Le délai de prévenance dans lequel l’employeur doit indiquer l’horaire à ses collaborateurs est d’une semaine.

3. CCT santé 21 de droit privé (CCT Santé 21)
La limite des heures supplémentaires est fixée à 100 par année civile; il n’y a pas de limite pour les heures négatives. Si le collaborateur a 80 heures supplémentaires, soit une possibilité résiduelle de 20 heures supplémentaires, l’employeur peut lui accorder une semaine de congé et ainsi compenser 41 heures, si bien qu’il n’en reste plus que 39. Les heures supplémentaires non compensées par un congé de même durée dans un délai de 6 mois doivent être payées avec un supplément de 25 %.

Questions pratiques

1. Durée à prendre en considération lors d’absences payées
En cas de jour férié, vacances, incapacité de travail, etc. quel horaire compter pour ce jour? La réponse est différente selon le modèle de flexibilisation. L’horaire à accomplir étant fixé dans le calendrier de la durée du travail pour le secteur principal de la construction, la valeur d’un jour de travail est celle fixée par le calendrier et varie, par exemple de 7h75 en janvier à 8h75 en août.
La CCT SOR prévoit que les jours fériés et les absences payées sont comptés à raison de 8.2 heures par jour.

La CCT santé 21 n’a pas de règle spécifique. On pourra prendre en compte l’horaire à accomplir pour la période planifiée et ensuite l’horaire journalier conventionnel, soit 8.2h.

2. Engagement et fin des rapports de travail en cours d’année
Selon la CN, la durée du temps de travail est calculée au prorata sur la base du calendrier de la durée du travail en cas d’engagement et de départ en cours d’année. Pour les deux autres CCT, il faut prendre en considération l’horaire moyen en cas d’engagement en cours d’année et la situation réelle en cas de fin des rapports de travail. La CCT SOR a une règle spécifique en cas de résiliation du contrat en cours d’année: si nécessaire, le délai de congé est mis à profit pour réajuster le décompte d’heures.

3. Collaborateurs payés à l’heure
Lorsque le collaborateur est payé à l’heure, la flexibilisation de l’horaire peut engendrer des variations importantes de salaire. Afin de supprimer cet inconvénient, les parties peuvent convenir du versement d’un salaire mensuel constant qui constitue un acompte sur le salaire dû. Un décompte est établi à intervalles réguliers, au minimum chaque fin d’année civile et lorsque les rapports de travail prennent fin.

Conclusion

La flexibilisation de l’horaire de travail pose de nombreuses questions pratiques qu’il est prudent de régler dans le contrat de travail afin de limiter le risque de conflit. À titre d’exemple, on peut citer:

•  Quel sort réserve-t-on aux heures positives et négatives en fin d’année civile?
•  Fixe-t-on une limite pour les heures positives et négatives?
•  Fixe-t-on des limites pour l’horaire hebdomadaire minimum et maximum?
•  Compensation ou paiement des heures positives?
•  À quels collaborateurs s’applique la flexibilisation?
•  Avec quel préavis l’horaire doit-il être communiqué?

La flexibilisation de l’horaire de travail est un cocktail qui doit être bien dosé pour donner satisfaction tant à l’employeur qu’aux collaborateurs.

L’employeur doit-il rémunérer les heures librement effectuées en sus dans le cadre d’un horaire flexible?

Les heures cumulées dans le cadre d’un horaire flexible doivent-elles être rémunérées à la fin des rapports de travail? Un collaborateur qui a accumulé dans le cadre d’un horaire flexible chaque mois 10 heures de travail en sus, peut-il réclamer leur paiement sur les 5 dernières années?

La décision
Dans un arrêt du 24 octobre 2016 (4A_227/2016), le Tribunal fédéral a considéré que la mise en place d’un horaire flexible et l’autonomie dont dispose le collaborateur dans ce cadre a pour corollaire l’obligation du collaborateur de compenser les heures excédentaires accumulées. Le collaborateur qui n’a pas compensé ces heures à la fin des rapports de travail n’est par conséquent pas rémunéré, sauf si l’employeur a empêché leur compensation. Ce traitement différentiel réside dans la définition des «heures supplémentaires». Selon l’art. 321c CO, les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà du temps de travail prévu par le contrat ou l’usage, un contrat-type ou une convention collective de travail, dans l’intérêt de l’employeur. La jurisprudence fait ainsi une distinction entre :

• les heures supplémentaires et
• les heures accumulées au travers de l’horaire flexible.

Le paiement du travail effectué n’entre ainsi en considération que si les besoins de l’entreprise ou les directives de l’employeur empêchent la compensation des heures en dehors des plages horaires bloquées. Les heures librement effectuées en sus par convenance personnelle dans le cadre de l’horaire flexible ne doivent en revanche pas être rémunérées à la fin des rapports contractuels. 

Conclusion
Les heures effectuées en sus de l’horaire contractuel par le collaborateur dans le cadre de l’horaire flexible n’ont donc en principe pas à être payées à la fin des rapports de travail.
Il convient cependant de régir clairement dans le contrat de travail la question de l’horaire de travail, ainsi que la manière dont il doit être géré par le collaborateur. Des règles bien rédigées et précises permettent de limiter le risque de conflit et, s’il survient tout de même, de ne pas devoir payer les heures librement accumulées par le collaborateur grâce à l’horaire flexible.

Nathalie Berger, avocate, CJE

 

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Pierre Matile est avocat à Cortaillod, où il prodigue des conseils aux employeurs depuis plus de 20 ans par sa société CJE Sàrl, Avocats, Conseillers d’Entreprises

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