Intelligence économique

Rétrocommissions

Basé en Europe de l’Est, le rapporteur d’affaires était particulièrement performant depuis quelques mois. Grâce à lui, une multinationale établie en Suisse signe plusieurs gros contrats. Le nouveau client est sérieux et les factures sont payées dans les délais: ces bonnes nouvelles n’éveillent aucun soupçon. La donne se complique quand un employé avertit le siège que le rapporteur d’affaires exige ses commissions en cash. «Est-ce prudent de se rendre en Lettonie avec une enveloppe pleine de billets?», s’enquiert cet employé.

Tiraillés entre leur devoir de performance et leurs doutes vis-à-vis de ces pratiques, les dirigeants consultent un avocat. Le juriste assure que ces pratiques, formellement, n’ont rien d’illégal. Que faire? Ils décident d’ouvrir une enquête interne afin d’obtenir plus d’éléments avant de trancher. Qui est vraiment ce rapporteur d’affaires?

Les semaines passent. Les premières recherches révèlent que personne ne connaît vraiment ce rapporteur d’affaires. Le client qui passe les commandes est aussi consulté. Lui-aussi est dans le flou par rapport à cet intermédiaire sulfureux. Malaise. L’enquête se poursuit et les premiers éléments de réponse tombent. On découvre que la société de négoce du rapporteur d’affaires fait partie d’un pool de sociétés écran, toutes liées à un réseau de blanchiment d’argent. Le système est bien ficelé. Le rapporteur d’affaires encaisse les 5 pour cent prévus dans son contrat et verse ensuite des rétrocommissions à ses complices travaillant pour la société cliente.

Sans attendre, la multinationale informe les autorités du pays ainsi que la société cliente afin d’établir qu’il n’y avait aucune intention malveillante de sa part. Après négociations, les autorités acceptent de revoir l’amende prévue pour ce genre de fraude à la baisse, à condition que la multinationale instaure un système de vérifications systématique de son réseau de vente. Morale de l’histoire: les bonnes nouvelles en cachent parfois de très mauvaises.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Claudio Foglini, spécialisé dans la lutte contre la criminalité économique, est senior manager chez Scalaris Economic Crime Intelligence SA. Il inter- vient comme expert en intelligence économique dans le Master en Sécurité de l’Information de HEC Genève.

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