Salaire minimum: La Suisse, un cas particulier en Europe
En matière de salaire minimum aussi, la Suisse constitue un îlot au milieu de l'Europe. Alors que les Helvètes se prononcent le 18 mai sur l'initiative de l'Union syndicale suisse (USS) visant à introduire un "smic", de nombreux pays disposent déjà d'une telle norme, mais à des conditions nettement inférieures à ce qui est proposé en Suisse.
La France a fixé un salaire minimum déjà en 1960. L'Espagne en 1980 et la Grande-Bretagne en 1999. Photo: 123RF
Berne (ats) La France a ainsi fixé un salaire minimum déjà en 1960. L'Espagne en 1980 et la Grande-Bretagne en 1999. Au total, 21 Etats membres de l'Union européenne (UE) sur 28 disposent d'un salaire minimum national légal. L'Allemagne devrait leur emboîter le pas l'année prochaine.
A l'heure actuelle, ce sont donc sept pays de l'UE qui n'ont pas de barèmes minimaux: l'Italie, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, Chypre, la Suède et l'Allemagne.
Dans ces pays, hormis Chypre, la grande majorité des salariés sont protégés par une Convention collective de travail (CCT), rappelle l'économiste allemand Thorsten Schulten dans une étude sur les salaires minimums en Europe.
Pas assez de CCT en Suisse
En Italie par exemple, 85% des employés sont couverts par une CCT, en Autriche ce taux s'élève même à 97%. En Suisse en revanche, seul un salarié sur deux est protégé par une CCT.
Aujourd'hui, "à l'exception de l'Allemagne et de la Suisse, tous les Etats de l'OCDE qui présentent un taux de couverture inférieur à la moyenne disposent d'un salaire minimal légal", admet le Conseil fédéral dans son message adressé au Parlement.
Au vu de ce constat, il n'est pas étonnant que les Suisses débattent de la possibilité d'instaurer un salaire minimum, analyse Thorsten Schulten, interrogé par l'ats. Le salaire minimal national légal revient toujours sur le tapis lorsque les autres systèmes de salaires plancher échouent, observe-t-il.
Selon lui, la stratégie des syndicats consistant à promouvoir les salaires minimums via les conventions collectives a atteint ses limites. En Allemagne, le taux de couverture des CCT a fortement baissé au cours des dernières années, illustre-t-il.
Berlin a d'ailleurs annoncé en novembre dernier qu'il souhaitait fixer la rétribution horaire à 8,50 euros dès le 1er janvier 2015, soit un montant nettement inférieur à celui réclamé par les syndicats suisses.
De 174 à 1921 euros
De manière générale, les barèmes minimaux des pays européens à avoir introduit une telle norme varient fortement dans l'UE comme le montrent les chiffres de l'office européen de statistiques Eurostat: avec 174 euros par mois, la Bulgarie arrive en queue de peloton de la liste, alors que le Luxembourg se place en tête (1921 euros par mois).
Si les Helvètes approuvent l'initiative le 18 mai, la Suisse détrônerait ainsi largement le Luxembourg, puisque les auteurs du texte demandent un salaire minimum de 22 francs de l'heure, ce qui équivaut à quelque 4000 francs (environ 3280 euros) par mois pour 42 heures de travail hebdomadaire.
Selon les initiants, ces chiffres restent néanmoins relatifs, car ils ne tiennent pas compte du pouvoir d'achat. Avec 100 euros en poche, un Bulgare peut s'acheter bien plus qu'un Suisse.
Un avis que ne partage pas le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). D'après son rapport, un salaire minimum de 22 francs de l'heure est très élevé en comparaison internationale. Corrigé des différences de pouvoir d'achat, il
dépasserait encore de 36% celui du Luxembourg, de 39% celui de la France, de plus de 50% celui des Pays-Bas et il équivaudrait même à plus du double du "smic" autrichien.
Ajustements des salaires
"La Suisse offre un des niveaux de salaires les plus élevés au monde, il est donc logique que son salaire minimum soit également un des plus élevés", rétorque Thorsten Schulten.
Si le salaire minimum devait être accepté en Suisse, seuls 9% des salaires devraient être ajustés au nouveau seuil, font également valoir les partisans du oui. Les répercussions d'une victoire de ces derniers seront "nettement moins importantes" qu'en Allemagne où, avec les 8,50 euros de l'heure que prévoit Angela Merkel dès 2015, ce sont 16% des salaires qui devraient être augmentés.
Autre son de cloche du côté du SECO: selon le Secrétariat d'Etat, le risque que l'introduction de salaires minimums aussi élevés ait des effets négatifs sur l marché de l'emploi est clairement plus fort.
"La concurrence pour des emplois nécessitant de faibles qualifications pourrait même encore croître, car l'introduction d'un salaire minimum augmenterait l'attrait exercé par la Suisse pour l'immigration", conclut-il.