Stations-service: Un scrutin à valeur de test sur la libéralisation
La votation du 22 septembre sur les shops des stations-service aura valeur de test pour les libéralisations à venir. La droite espère lever une contrainte administrative absurde et renouer avec le succès de 2005 sur l'ouverture dominicale des magasins dans les gares. La gauche rejette un engrenage dangereux.
La loi sur le travail autorise le personnel des stations-service à travailler la nuit et le dimanche, mais entre entre 01h00 et 05h00, il ne peut vendre que du carburant et tenir la cafétéria. Le magasin attenant doit être fermé. Photo: Keystone
Berne (ats) Rien n'est joué. Un premier sondage de l'institut gfs.bern donne les deux camps au coude à coude avec un seul point d'avance aux opposants à la révision de la loi sur le travail initiée par le conseiller national Christian Lüscher (PLR/GE) et combattue par référendum.
Selon le droit en vigueur, les stations-service peuvent faire travailler du personnel la nuit et le dimanche. Entre 01h00 et 05h00, les employés ne peuvent toutefois s'occuper que de la vente de carburant et du service de cafétéria. Le magasin attenant doit être fermé.
Sous le slogan "légaliser les saucisses à rôtir", la droite veut en finir avec ce qu'elle considère être une restriction absurde. Pourquoi pouvoir acheter une pizza spongieuse, mais pas une boîte de salade de fruits, deux cervelas sous vide ou des mouchoirs ? Ce serait tout bénéfice pour des personnes travaillant de nuit comme les policiers ou le personnel soignant.
La révision permettra de corriger le tir. Les stations-service pourront offrir en tout temps les produits et les prestations répondant principalement aux besoins des voyageurs.
Effets limités
Pour les partisans de la réforme, comme le Conseil fédéral, les effets seront limités. La levée de l'interdiction ne concernera que les shops des stations situées sur les aires d'autoroute et le long d'axes de circulation importants fortement fréquentés par les voyageurs. Ce qui exclut les magasins sur les voies d'accès aux grandes villes et de trafic pendulaire entre localités proches.
Les commerces ne devront en outre proposer que des articles de base: alimentation, hygiène et autres journaux et revues. Ils ne pourront être vendus que dans des quantités pouvant être portées par une seule personne.
Combien de shops concernés ?
Le nombre de stations-service concernées reste sujet à polémique. Moins de 30, selon le comité en faveur du "oui" qui affirme que seuls la vingtaine de sites assurant déjà un service 24 heures sur 24 vont ouvrir leur shop.
Les employés présents pourront probablement assurer ces ventes. Le recours à du personnel supplémentaire devrait rester très exceptionnel, assure le Conseil fédéral pour qui la révision de loi n'aura qu'un impact mineur sur le nombre d'employés travaillant de nuit.
Les heures d'ouverture effectives resteront déterminées par les cantons qui sont souvent plus restrictifs que ce qu'autorise la loi fédérale sur le travail, poursuit le gouvernement.
Toutes ces assurances sont loin de convaincre les syndicats et la gauche, qui peuvent compter dans leur combat sur les milieux proches des Eglises, mais aussi sur l'association des patrons boulangers-confiseurs.
Premier pas dangereux
Réunis au sein de l'Alliance pour le dimanche, les référendaires craignent que le projet ne fasse tache d'huile. Selon eux, ce n'est qu'une première étape en vue de libéralisations plus massives.
Sous pression du Parlement, le Conseil fédéral planche en effet sur une harmonisation nationale des horaires des commerces (au moins jusqu'à 20h00 en semaine) et sur une redéfinition du travail dominical autorisé en zone touristique. Toutes ces réformes se feront sur le dos des travailleurs alors que la population n'en veut pas, dénoncent les opposants.
L'immense majorité des projets cantonaux de libéralisation ont été rejetés ces dernières années. Le projet concernant les stations-service ne répond à aucun besoin avéré. Il ne servira qu'à doper les ventes d'alcool passé une certaine heure, assurent les référendaires.
Aux frais des travailleurs
Même si les clients potentiels ne sont pas nombreux, le personnel en fera les frais. D'après les opposants, de nombreuses personnes déjà mal payées, surtout des femmes, devront travailler exclusivement la nuit, se couper totalement de leur vie sociale et mettre leur santé en danger. Si ce n'est leur vie au vu des attaques contre les stations-service.
Le camp du "non" met aussi en garde contre les effets collatéraux du projet. Pour approvisionner les magasins concernés et les protéger à toute heure, il faudra du personnel supplémentaire. Ce serait en outre un non-sens écologique que d'encourager les achats motorisés la nuit.
Les principales autres libéralisations en discussion
Plusieurs projets de libéralisation des horaires des commerces sont évoqués en toile de fond de la votation du 22 septembre. Deux motions ont déjà passé le cap du Parlement et attendent d'être concrétisées. Une troisième est en embuscade. Les syndicats dénoncent une tactique du salami. Même le Centre patronal vaudois marche sur des oeufs.
Le Conseil fédéral devra présenter un projet d'harmonisation nationale des heures d'ouverture des magasins. La motion de Filippo Lombardi (PDC/TI) demande que les commerces de détail puissent ouvrir au moins de 06h00 à 20h00 du lundi au vendredi et de 06h00 à 19h00 le samedi, dans tout le pays.
Les cantons, compétents en matière d'horaires, seraient libres d'adopter des législations plus libérales. Pour tenir compte de leurs éventuelles réticences, la motion précise que les jours fériés cantonaux sont exclus de l'harmonisation réclamée.
Si, pour certains cantons, cette nouvelle législation ne changerait rien ou presque, pour d'autres, il s'agirait d'une libéralisation par la bande. Ce que n'ont pas manqué de dénoncer la gauche et les syndicats qui ont déjà promis le référendum.
Travail dominical
lls enragent de ne pouvoir utiliser cette arme contre la redéfinition du travail dominical autorisé en zone touristique, réclamée par la motion de Fabio Abate (PLR/TI) et qui sera concrétisée par une modification d'ordonnance. Le Tessinois a déposé sa proposition quinze jours après que son canton a enjoint Fox Town de fermer son centre commercial de Mendrisio le dimanche.
Pour les partisans de la motion, la réglementation permettant d'employer des travailleurs le dimanche est dépassée. Ce droit n'est en effet accordé qu'aux entreprises situées dans des stations, qui proposent cures, sports, excursions ou séjours de repos et pour lesquelles le tourisme joue un rôle prépondérant avec de fortes variations saisonnières.
Or l'été et l'hiver ne jouent plus un rôle si central. Et les touristes, surtout les Arabes, les Russes, les Indiens ou les Chinois, viennent aussi en Suisse pour faire du shopping, et, par exemple, s'acheter une Rolex.
Patrons peu emballés
Le Centre patronal vaudois est loin d'être enthousiaste face à ces deux projets et les examinera avec prudence. Si l'on peut parfois procéder à certaines entorses, le principe d'un jour de repos et de congé commun le dimanche doit être maintenu.
Pas question non plus de forcer la main aux cantons sur les horaires d'autant plus qu'une harmonisation pourrait nuire à certains petits commerces incapables de concurrencer les grandes surfaces.
Offensive vert'libérale
Peu ou prou de soutien patronal à la troisième motion déposée par les Vert'libéraux. Ce texte, qui n'a pas encore passé le cap du Conseil national, est d'ailleurs rejeté par le Conseil fédéral. Il demande de lever l'interdiction de travailler la nuit et le dimanche pour tous les commerces et services d'une superficie jusqu'à 120 m2.
Cette motion se veut une réponse à la révision de la loi sur le travail concernant les shops des stations-service. Cette dernière va créer, selon le PVL, une concurrence déloyale pour les petits magasins de quartier. Il faudrait aussi éviter le développement des achats motorisés.
Le gouvernement veut se limiter aux projets répondant à des besoins avérés s'il faut faire des entorses à l'interdiction de travail nocturne et dominical. Et de noter que les petits magasins de quartier sont souvent des entreprises familiales non soumises à cette règle.