Débat

Supprimer le certificat de travail?

Beat Augstburger, directeur du personnel du groupe Frutiger, remet en question la pertinence du certificat de travail. Il plaide pour une attestation de travail. Son avis s’oppose à celui de Georg Lange, responsable HR-Business-Process chez Syngenta pour qui le certificat de travail demeure un outil clé.

Pour: Beat Augstburger 

Le concept de certificat de travail est fondamentalement valable. Toutefois, dans les conditions actuelles, l’évaluation de la performance et des comportements ne semble pas efficace. Je doute qu’aujourd’hui l’application de la loi soit en accord avec ce que le législateur aurait souhaité quand l’article 330a fut ajouté au Code des Obligations (CO). De quoi s’agit-il? Selon l’article 330a CO, l’employé peut demander en tout temps à son employeur un certificat de travail. Il décrira la relation contractuelle, la durée, les tâches et le comportement de l’employé. Un certificat de travail doit être formulé de manière bienveillante, être fidèle à la réalité, clair et complet. Cependant, ce n’était pas prévu ainsi dans l’article 330a CO! 
 
Un certificat reflète la réalité lorsqu’il correspond à l’avis d’un tiers neutre. C’est la théorie, mais pas la pratique. Consultez-vous un tiers neutre lorsque vous rédigez un certificat? Un certificat est considéré comme complet lorsqu’il couvre tous les points mentionnés dans l’article 330a, paragraphe 1 CO. Il doit indiquer tout ce qui est capital pour permettre l’évaluation de la performance et du comportement de l’employé dans le cadre de son travail. Mais qui décide de ce qui est capital ou non? Un certificat est formulé de manière bienveillante lorsqu’il contribue à la progression professionnelle de l’employé. La bienveillance est cependant limitée par l’obligation de vérité. Qu’est-ce qui a le plus de poids? Si des remarques négatives sont importantes, elles devront apparaître dans le certificat. Mais qui décide de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas? Il n’est pas possible en soi d’appliquer ces exigences, à l’exception du cas où l’employeur est en tout point content de l’employé. La seule solution possible: «la technique du pont»! Les points négatifs sont paraphrasés, lénifiés, mais sans utiliser des codes spécifiques. Qui décide si une phrase est codée ou pas? Tout cela conduit au constat qu’aujourd’hui, les certificats de travail ne sont plus pertinents. Lorsqu’il n’y a eu aucune faute probante ou objective, on préfère rester prudent et formuler la situation de manière positive en l’enjolivant. C’est un effort chronophage et inutile. En fin de compte, chaque lecteur interprète les remarques différemment, car il voit le monde à travers son propre prisme. Les employés traduisent les formulations à leur manière et partent du principe que leur point de vue est juste. 
 
Le certificat devrait être une source d’information solide dans le choix d’un candidat, mais ce n’est malheureusement plus le cas. C’est pour ces raisons qu’il ne reste plus qu’une solution: l’attestation de travail. Elle renseigne sur la durée, les conditions contractuelles, la fonction du collaborateur et ses tâches, ainsi que ses avancements. Ce sont des données objectives, pertinentes et claires pour toutes les personnes impliquées.
 

Contre: Georg Lange

Les certificats de travail sont dans certains pays détaillés. Dans d’autres, ils confirment tout simplement la durée d’un contrat ou ne sont pas une pratique courante. Dans les pays où le modèle plus complet prédomine, on préférerait qu’ils n’existent plus. Toutefois, lorsque leur utilisation n’est pas répandue, j’entends régulièrement le besoin d’avoir des certificats de travail plus étayés. C’est dans ce type de situation que j’ai souvent introduit le certificat de travail comme option, et les résultats furent toujours positifs. Pourquoi? Ils reflètent le cheminement d’une personne, ses performances, et également ses capacités sociales. Ce feedback est formalisé quand un changement majeur se passe dans la relation de travail, et est de ce fait spécifique. C’est un avantage fondamental en comparaison aux renseignements récoltés à travers des références, qui peuvent être des souvenirs flous. Évidemment, on utilise dans les certificats de travail des formulations bienveillantes. Mais je pense que de bons recruteurs peuvent très bien déchiffrer ce type de langage. De ce fait, le reproche d’enjoliver des propos est selon moi déplacé. Dans les pays où le certificat de travail est peu répandu, toute une industrie s’est développée relative à la récolte d’informations de background lors du recrutement. Ces vérifications supplémentaires font grimper les coûts du recrutement. Ces dépenses sont-elles justifiées?
J’ai étudié à plusieurs reprises pour différents pays les taux de démission sans préavis durant les deux premières années d’engagement. En fait, il n’y a pas de liens entre la vérification d’informations de background et les taux de démission. De plus, on observe régulièrement une exagération de propos ou une falsification de données. Ici aussi, je pense que les recruteurs sont capables de séparer le bon grain de l’ivraie. C’est pour ces raisons que je plaide pour que les premières sélections dans un recrutement se fassent sur la base des certificats de travail. La recherche de références et les vérifications d’informations de background peuvent alors se faire pour les derniers candidats restants. Bien sûr, la démarche doit se faire en fonction du poste en question et après accord. Pour moi, un dernier point important demeure: un certificat de travail qui est pertinent, sincère et aussi bienveillant est une marque d’appréciation d’un employeur vis-à-vis de son employé. Je connais des entreprises qui considèrent la rédaction d’un certificat de travail comme un moment opportun pour récolter un feedback sur eux-mêmes en tant qu’employeur.
Cette approche requiert un système d’évaluation des performances homogène: les responsables de lignes sont obligés de rencontrer leurs employés deux fois par an pour discuter de leurs progrès, leurs potentiels et leurs compétences sociales. Ces évaluations font partie du cahier de charge du manager. Cela permet de préparer facilement à tout moment des certificats de travail, car toutes les informations nécessaires sont à disposition, et les certificats standardisés.

 

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Beat Augstburger est chef du personnel du groupe Frutiger, acteur dans le secteur principal de la construction. Avec ses 2500 employés, il compte parmi les fournisseurs les plus importants en Suisse.
 
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Georg Lange est consultant RH global pour Syngenta AG à Bâle, responsable des processus de la plateforme RH globale, qui traite plus de 70 pour cent de toutes les tâches RH pour tout le groupe.

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