Les défis du marché du travail suisse

Sur le terrain, l’incertitude

Comment appréhende-t-on l’application de l’initiative du 9 février 2014 sur le terrain? Les acteurs témoignent .

Silvan Müggler, chef de la politique économique à la Société Suisse des Entrepreneurs (SSE). 

 
«Dans le secteur des gros œuvres, le rapport entre personnel suisse et étranger est plutôt stable. Dans le détail, les étrangers représentent 54 pour cent des effectifs totaux, et ce pourcentage grimpe à plus de 60 pour cent sur les chantiers uniquement. La grande majorité de ces personnes sont issues de l’Union européenne, notamment des pays frontaliers: Italie, Allemagne, France, Portugal et Espagne. Les ressortissants de l’ex-Yougoslavie arrivent juste derrière. Ces cinq dernières années, l’évolution de ces pourcentages est restée stable. La part des Suisses a même tendance à augmenter. Chez les 20-29 ans, les étrangers ne représentent plus qu’un tiers des effectifs totaux. Cette situation s’explique en partie par les salaires élevés fixés dans la convention collective de la branche. Le salaire minimum est de 4500 francs pour une personne sans formation et il grimpe à 5500 francs pour un maçon certifié. Nos membres n’ont donc aucun intérêt financier à engager des étrangers. Cette situation plutôt favorable devrait se maintenir à court et à moyen terme. Nous réfléchissons plutôt à assurer la relève sur le long terme, que cela soit avec des travailleurs suisses ou étrangers. Avons-nous pris des mesures préventives par rapport à l’application de l’initiative contre l’immigration de masse? Non, pas pour l’instant. Nous attendons la nouvelle loi, puis nous verrons. Nous nous sommes prononcés contre l’idée de baisser les autorisations de courte durée (entre 4 mois et 1 année) à trois mois. Dans la réalité, si vous comptez une période d’intégration et de formation du nouveau collaborateur, une mission courte de trois mois est un non-sens.» 
 
 

Philippe Cordonier, responsable Suisse romande chez Swissmem, association faîtière qui regroupe l’industrie des machines, des équipements électriques et des métaux. 

 
«Les entreprises MEM sont actuellement dans l’incertitude. Cette situation menace leurs perspectives d’exportation. Nous estimons que le maintien des accords bilatéraux est essentiel pour notre secteur. Plus de 60 pour cent de la production de notre industrie d’exportation est livrée aux pays de l’Union européenne. Si les accords devaient tomber, il faudrait rajouter à ce risque des difficultés dans le recrutement de main-d’œuvre qualifiée étrangère. Les régions frontalières seraient les plus affectées par une fermeture de nos frontières. Nous estimons également qu’un retour au système des contingents créerait des disparités entre les régions. Avons-nous pris des mesures préventives? Non, c’est encore trop tôt. Notre priorité l’an dernier a été de contrer les effets du franc fort, qui a fortement diminué les marges de nos entreprises. Cette crise monétaire a eu pour effet une baisse significative des entrées de commandes (-14 pour cent) et du chiffre d’affaires global de la branche (-7 pour cent). Sommes-nous pour une clause de sauvegarde? Oui, absolument. Nous souhaitons cependant que la libre circulation reste la règle. Le Conseil fédéral a présenté sa stratégie le 4 mars, mais les délais seront courts et l’Union européenne a d’autres priorités actuellement. Nous n’attendons pas de solution miracle, mais demandons à ce que les besoins de l’économie soient pris en compte dans tous les cas.» 
 
commenter 0 commentaires HR Cosmos

Silvan Müggler est chef de la politique économique à la Société Suisse des Entrepreneurs (SSE).

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