Transition professionnelle: flexibilité et accompagnement sont la clé
Alors que les organisations sont aujourd'hui confrontées à un système économique qui rend l'employabilité instable, Edna Hayot et Frédéric Roger proposent, dans leur mémoire (1), un modèle d'accompagnement à la transition professionnelle.
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Votre recherche semble confirmer que la transition de carrière se fait aujourd'hui de manière plus longue, avec des réflexions en profondeur et des changements parfois radicaux du rapport au travail. Est-ce bien juste?
Frédéric Roger: L’économie instable, mondialisée et hypermoderne a complètement modifié le modèle linéaire et séquentiel des transitions professionnelles. Ces deux dernières décennies ont été marquées par de nombreuses transformations dans les organisations et si la transition professionnelle paraît plus longue, c’est qu’elle n’a plus vraiment de fin.
Aujourd’hui pour rester compétitives, les entreprises doivent se montrer flexibles et agiles pour répondre, dans des délais extrêmement courts, à des besoins individualisés, c’est-à-dire à du «sur mesure de masse». Ajoutons à cela le contexte actuel inédit que nous traversons et nous avons là un cocktail explosif.
Edna Hayot: Les organisations ne peuvent plus garantir l’emploi et la sécurité à leurs salariés. Le contrat psychologique, échangeant la loyauté contre la sécurité, se voit remplacer par un nouveau contrat basé sur l’échange d’une performance contre une promesse d’employabilité interne et externe au système.
Les individus n’ont d’autre choix que d’accepter qu’ils sont désormais responsables du design de leur vie, de leur identité, de leur parcours professionnel et de leur nécessaire introspection.
Ce design de vie est accentué par le fait que l’individu sera de plus en plus de passage dans l’entreprise afin d’y apporter une expérience, une expertise, un savoir-faire et un savoir-être spécifiques aux besoins à court et moyen terme de l’entreprise. A tel point que nous parlons désormais de carrières sans frontières ou de carrières nomades.
Vous conseillez aux individus et aux entreprises de mettre l'accent sur la prévention. Qu'entendez-vous par là?
Frédéric Roger: Les résultats de notre recherche empirique montrent que, bien que les entreprises et les individus expriment une volonté d’anticiper, chacun préfère rester dans ce qu’il connaît plutôt que d’affronter des périodes de chaos et de changements contraints. Au final, chacun renvoie la responsabilité de l’employabilité et de la situation de crise à l’autre.
Or notre nouvelle ère professionnelle exige de relever de nouveaux défis. Un des éléments clés de la transition réside prioritairement dans la capacité des individus et des entreprises à anticiper des futurs possibles de manière systémique, en arrêtant de se focaliser sur le problème de «trouver rapidement un emploi».
Vous avez développé une double démarche destinée aux individus et aux entreprises. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Edna Hayot: Conscients que nous ne détenons pas la solution, mais que nous facilitons son émergence, nous avons développé un modèle test d’accompagnement de la transition en sept étapes qui prend en compte les défis de l’environnement hypermoderne dans lequel les entreprises et les individus évoluent.
Ce modèle vise d’une part à réunir les parties prenantes vers une compréhension globale de leurs réalités, environnement, enjeux et objectifs pour les amener vers des futurs possibles, plausibles et probables.
D’autre part, cette démarche permet le déploiement et l’implémentation d’un plan d’action qui anticipe la transition de toutes les parties prenantes sur la base de scénarios co-construits. La ligne de temps a une importance dans cette démarche.
Articulé autour de techniques de foresight, gestion du changement, coaching, PNL et design thinking, ce pilote permet aux parties prenantes d’instaurer une culture d’anticipation et de développer une capacité à tolérer l’incertitude.
(1) «La transition de carrière au XXIème siècle: comment gérer cette période de changement et avec quelles approches?» dans le cadre de leur MAS Human Systems Engineering de la HEIG-VD.