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Des mots et des hommes
Travail et bonheur
Christophe est le premier des deux fils dont je suis le père. Jeune adulte, il souhaite trouver un travail qui lui offre aussi des moments de bonheur, de bon(nes) heur(es). Ensemble, nous avons donc réfléchi sur la possibilité de travailler et d’être heureux à la fois.
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«Et si le bonheur n’était pas d’abord une capacité à fonder en soi-même une disposition à prendre goût à la vie, quelle qu’elle soit?»
J’ai commencé par le travail comme il est décrit dans la Bible. La création: six jours de travail pour un jour de repos. A le lire dans le texte, le Créateur semble avoir vécu cette entreprise comme un jeu, plutôt qu’un ouvrage pénible. Puisqu’il assure à la fin de chaque journée que cela est «bon». Le travail est donc une «bénédiction», une parole de bonheur (Genèse, chapitre 1er).
Après cette paradisiaque ouverture, la douche: l’histoire du serpent et de la pomme chasse Adam et Eve du paradis. Ils devront désormais travailler à la sueur de leur front (Genèse, chapitre 3ème). Le travail devient punition. Le bonheur c’était avant la chute.
Nous passons au Nouveau Testament. Où le travail devient service et moyen de rester indépendant (Ephésiens, lettre de Paul, chapitre 4ème). Encore mieux: le travail pour faire fructifier ses talents (Matthieu, chapitre 25). Celui qui enterre son talent est rejeté par le maître, celui qui démultiplie ses propres talents est récompensé. Oser entreprendre engendre une forte rémunération! Le bonheur est dans la prise de risque. Le malheur surgit dans la peur d’en prendre.
Puis nous jouons avec les mots. Je lui rappelle que le mot «travail» vient du latin «tripalium», un trépied servant à entraver un animal ou un esclave. Un instrument de torture. Christophe soupire. Je poursuis. Si le travail est rétribué, il devient un lieu d’échange, de commerce. Travail et bonheur constituent alors une paire équilibrée, mais bien entravée. Entravée dans l’esclavage.
Pour sortir de l’opposition, je cite la règle de Benoît de Nursie (470? – 547), ce premier petit manuel de management qui cherche à équilibrer la vie de prière (définie parfois comme otium Dei, repos en Dieu) avec le travail des mains. Il y a moins une opposition qu’un souci de construire un balancier équilibré. Dans la PME qu’est le monastère, le travail est conçu comme une nécessité de préserver l’indépendance de la communauté. Christophe est toujours sur la réserve. Il est à l’affût d’un mode de travail qui libère aussi du « fun ».
Nous passons donc à la révolution industrielle qui va créer, à terme, un nouvel espace de confrontation et de libération de l’homme. La machine peut asservir les humains, comme leur donner des métiers, de la formation, des savoir-faire qui leur permettent de grandir. Il y a aussi des mouvements utopistes, au début du XXème siècle, qui érigent le travail en un ouvrage qui confère une dignité civile, voire religieuse. Passer de «Arbeit» à «Werk». On ne travaille pas seulement: on crée une œuvre.
Après la Seconde Guerre mondiale, la lutte sociale accrochée à la croissance, va finir par créer des sources de bonheur: plus de vacances, davantage de protections sociales. La peine, les efforts fournis par beaucoup de travail finissent par payer. Les trente années glorieuses ont vraisemblablement conféré au travail sa dignité et laissé entrevoir que le bonheur et le travail peuvent se rencontrer. La consommation et la société qu’elle a engendrée forment une sorte de signature du pacte travail-bonheur.
Plus près de nous, les modes managériales se sont conjuguées avec des modes de développement organisationnels et personnels. Vers les années 1970-1980, on a commencé à revendiquer le bonheur au travail. La barre est placée haute. Mais tant que ce modèle implique une forte forme de solidarité entre les travailleurs, l’utopie peut fonctionner, surtout quand la croissance est au rendez-vous. On peut espérer que les générations suivantes seront mieux éduquées, formées, payées, soignées et travailleront moins et mieux.
Sauf que, l’individualisme, la direction par objectifs individuels, la concurrence cupide, la brisure des liens sociaux, l’explosion de l’appréhension de l’espace et du temps, ont fini par instiller de la souffrance dans le travail. Le travail aujourd’hui est devenu autant toxique que tonique. Et avec cette croissance devenue molle, l’espérance de bonheur au travail de la génération de Christophe est ténue. Comment donc s’en sortir?
Et si le bonheur n’était pas d’abord une capacité à fonder en soi-même une disposition à prendre goût à la vie, quelle qu’elle soit? Ne pas seulement se jeter dans des objectifs de performance, mais aussi être confiant, solide, éduqué, clairvoyant, bien avec soi-même, doué d’amour et d’humour. Devenir ainsi attirant. Ainsi il ne s’agirait plus d’aller au travail malgré soi, mais laisser venir le travail vers soi-même, pour que ce travail cueille mon bonheur. Christophe, c’est ton bonheur qui va faire qu’un travail va te trouver!
Guide du leadership
Maxime Morand vient de publier un guide du leadership selon Jésus-Christ. Voici ce qu’on y lit sur la 4ème page de couverture: «Ce petit livre n’est pas un ouvrage de théologie, ni une tentative de convertir les leaders à la foi chrétienne. C’est un vrai guide du leaderhip, qui part de la Parole pour aller vers des situations concrètes, quotidiennes et proposer des outils et des solutions utiles au management d’êtres humains, quelle que soit sa propre foi.»
Maxime Morand: Petit guide du leadership provoc’acteur selon Jésus-Christ, éd. Favre, 2014, 200 pages