La transformation digitale du travail

Un état d’esprit pour aborder la transformation digitale

La digitalisation de votre entreprise ne se décrètera pas. Elle implique de l’audace, du lâcher-prise et le droit à l’erreur. En ce sens, ce sera sans doute un processus d’amélioration continue.

Contactée par le rédacteur en chef de HR Today pour l’introduction de ce numéro spécial, je me suis demandée ce que j’allais pouvoir écrire qui n’avait pas encore été écrit sur la transformation digitale, notamment d’un point de vue RH... puis, assez rapidement, j’ai eu envie de mettre en pratique un premier facteur de succès du processus de transformation: la collaboration. Dès lors, l’idée a germé de partager la tribune avec un professionnel du domaine RH, passionné par le digital et représentant d’une génération différente de la mienne: Jérôme Rudaz. C’est donc à quatre mains que nous avons décidé d’évoquer quelques enjeux de la révolution numérique, vue sous l’angle des ressources humaines en adoptant un deuxième principe clé: le droit à l’expérimentation.

 

Très souvent, à l’évocation de la transformation digitale, les DRH que nous rencontrons tiennent à peu près le même discours, oscillant entre «dans mon entreprise, ce n’est pas possible» et «je ne sais pas par où/quoi commencer», deux symptômes liés à un même «mal»: la peur du changement. Dès lors, le plus simple, c’est encore de commencer par ce qui peut parfois sembler anodin, mais qui a le mérite d’être accessible: se lancer. C’est dans ce même état d’esprit que nous avions expérimenté notre première collaboration publique ensemble... une opportunité de parler du digital et des ressources humaines lors de deux conférences demandées par une agence de placement en Suisse et que nous avons décidé de voir comme une occasion de tenter une expérience, un POC (Proof of concept), aussi bien pour l’agence en question qu’à titre personnel.

 

Le prérequis à un POC collaboratif? La confiance et le lâcher-prise, ou autrement dit, accepter que l’autre abordera le projet autrement, mais en apportant sa valeur ajoutée et que le succès sera partagé, tout comme un possible échec, d’ailleurs! Et pour boucler la boucle, nous avons intégré un autre paramètre: l’amélioration continue. Ainsi, après la première conférence, nous avons réconcilié les feedbacks, remis notre ouvrage sur le métier, afin de délivrer une version 2.0 de la conférence initiale.

 

Reverse mentoring

Venant de deux mondes différents (la communication pour l’un et les RH pour l’autre), nous avons également très rapidement intégré la chance que nous avions de nous faire mutuellement monter en compétences, en appliquant un autre principe vertueux de la transformation digitale: le reverse mentoring. Génération X pour l’une et Y pour l’autre, nous nous sommes enrichis de notre expérience métier respective tout en apportant la vision propre à nos phases de vie professionnelle et en pratiquant le retour d’expérience et le partage comme une discipline quasi quotidienne! Là également, il y a quelques règles à observer pour garantir le succès des deux parties: donner autant que l’on reçoit et accepter le fait d’être tantôt celui qui sait et transmet et tantôt celui qui écoute et apprend ...

 

En matière de digitalisation également, nous avons œuvré à automatiser ce qui pouvait l’être dans nos processus de travail communs. Assez rapidement, nous avons mis en place une méthode de travail et avons ensuite choisi et intégré les outils qui pouvaient la soutenir et la développer; or, la plupart du temps, en entreprise et dans les ressources humaines en particulier, on voit deux cas de figure:

  1. On garde les processus existants et on greffe des outils nouveaux, ce qui a pour conséquence le rejet du greffon digital 

  2. On évacue la problématique des processus et on prie pour que les outils digitaux solutionnent les problèmes antérieurs, ce qui a pour conséquence de rajouter de nouveaux problèmes aux précédents

Le digital n’est ni le problème ni la solution, c’est juste un outil, et comme tout outil, il faut d’abord décider de l’usage que l’on veut en faire. Il ne vous viendrait a priori pas à l’idée de cogner sur un clou avec une scie sauteuse, non? Alors pourquoi vous acharner sur vos processus à coup de logiciels?

 

Audace, innovation et agilité

De la même façon, il est toujours surprenant de voir à quel point nos biais occasionnent exactement les effets que nous voulions initialement éviter, y compris en matière de recrutement. Alors que les talents sont au centre de toutes les attentions, alors que la sélection des compétences s’avère de plus en plus déterminante pour les entreprises, les approches restent identiques: coopter des gens aux formations similaires, favoriser des profils semblables à ceux en place, se conformer à une vision classique d’un poste. C’est d’autant plus étonnant que nous apprenons tous tôt ou tard que même en matière de vie privée, ce que nous imaginions vouloir et ce qui nous convient sont souvent deux choses différentes, et que les plus belles rencontres émergent de notre capacité à oser aller vers l’inconnu. Comment expliquer que le département des ressources humaines lui-même, alors qu’il est le plus souvent en charge du tri préliminaire des profils pour le business, soit le premier à se doter uniquement de profils ayant les mêmes parcours (certificat, brevet, etc.) et comment s’insurger si, lassé de l’uniformité qui lui est proposée, le business finit par se passer des RH lors du recrutement? Audace, innovation et agilité, tels sont les maîtres-mots de la transformation digitale et contrairement à ce que l’on croit, ils ne sont pas l’apanage de la technologie, mais bien celui de l’Homme. On peut donc potentiellement admettre que les DRH ne fassent pas exception à la règle...

 

Exemplarité et cohérence

Ceci nous amène au dernier principe que nous voulions évoquer dans notre introduction collaborative: l’exemplarité. Bien sûr, la révolution numérique vient d’en bas: des collaborateurs que nous sommes tous huit heures par jour, des citoyens et consommateurs que nous nous appliquons à être le reste du temps; pour autant, les cadres, et plus encore, les DRH, doivent se saisir de l’opportunité que constitue la transformation digitale pour être les ambassadeurs d’une culture d’ouverture à inoculer à la culture de l’entreprise, en prenant à bras le corps les enjeux de formation et d’accompagnement au changement qui ne manqueront pas de se présenter. Car il en va du DRH comme de la marque employeur: avant de vouloir faire la promotion de votre département ou de votre entreprise à l’interne comme à l’externe, il est essentiel de vous demander quelles sont les valeurs que vous allez promouvoir et comment vous les animez concrètement dans votre quotidien, bref, quelle cohérence vous apportez entre ce que vous dites et ce que vous faites ... Chers DRH, avant de vous emparer du sujet porteur qu’est la transformation digitale au sein de votre entreprise, nous ne saurions trop vous recommander de suivre un principe simple mais efficace, exprimé de manière inspirante par Gandhi lui-même: «Soyez le changement que vous voulez voir chez les autres.»

 

Le marketing RH sur le devant de la scène

Dans nos différents échanges, nous avons souvent parlé du marketing, qu’il soit RH ou personnel.
A une époque où chaque geste est communiqué, il est important en qualité de DRH de ne pas rester dans l’ombre, mais d’oser enfin occuper le devant de la scène.

Ainsi, ses actions personnelles doivent être mises en lumière, communiquées pour en démontrer la portée et les effets.

Mais surtout, il appartient au département des ressources humaines de veiller à mettre en avant les actions, les initiatives, les réussites des collabora­teurs de l’entreprise qu’il co­dirige.

Parce que le digital s’inscrit dans la force du collectif, la victoire d’une personne porte l’étendard de l’ensemble du groupe. Et ce, dans tous les secteurs.

Ce que l’on appelle la marque employeur au­ jourd’hui n’est rien d’autre que de la communication à l’externe de ce qui se déroule à l’interne de notre société. Ainsi, parler de ses succès fera de chaque employé un ambassadeur potentiel et attirera de nouveaux talents, qui seront heureux de pouvoir re­ joindre une équipe dont les succès sont déjà prouvés.

Le saviez-vous?

Il faut 2000 tentatives à un enfant pour savoir mar­cher. 2000 chutes pour apprendre à tenir debout.

Une fois adulte, combien de fois sommes-­nous prêts à tomber pour apprendre ou réussir?

La transformation digitale, c’est aussi accepter la possibilité d’échouer, mais pas celle de ne pas essayer.

 

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Texte: Aline Isoz

Aline Isoz est experte en transformation digitale et administra­trice indépendante.

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Jérôme Rudaz est membre de la direction des ressources humaines de l’Université de Lausanne. Il siège aussi au comité d’HR Vaud.

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