Un moment charnière
Dans les RH aussi, le processus de transformation apporte des changements. L’importance des services de l’emploi professionnel augmentera peut-être, mais pas forcément. Pour Georg Staub, président de swissstaffing, le pessimisme ambiant, la colère et les polémiques ne font pas avancer la société. Les véritables moteurs? L’innovation et les valeurs fondamentales.
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Notre environnement évolue. Les RH et les services de l’emploi doivent se transformer. Ce processus ne se fait pas d’un jour à l’autre. Nous remarquons déjà certains changements, surtout dans la logistique. À la Migros, on voit de plus en plus de files d’attente devant les caisses self-check out. Les banques sont aussi concernées. Les coupes financières et l’amélioration des rendements via l’augmentation de l’efficience vont gagner en importance. Nous le voyons aussi dans notre branche. Aujourd’hui déjà, il y a de grandes différences entre les entreprises à succès et les autres, plus traditionnelles. Les entreprises qui ont tissé des relations personnelles pendant des années et qui possèdent un réseau de clients fidèles résistent au changement. Or, quand des concurrents appliquant des modèles économiques innovants arrivent sur le marché suisse, cela oblige toute la branche à repenser ses pratiques. Les entreprises locataires de services de- mandent de plus en plus aux agences d’intérim de jouer le rôle de RH externes. Notre époque privilégie le travail sur projets et réduit les marges. Les acteurs doivent absolument comprendre les enjeux de cette nouvelle flexibilité.
Une meilleure qualité de vie, mais plus d’insatisfaction Quels paramètres de notre qualité de vie se sont améliorés au cours des 100 dernières années? Presque tous. Cependant, le niveau d’insatisfaction ou de grogne générale a augmenté. De plus en plus, on utilise des cas isolés pour illustrer des besoins généraux: c’est ce que l’on appelle de la polémique ou du populisme. N’oublions pas que jamais dans l’histoire de l’humanité, aussi peu d’êtres humains ne se sont entretués tandis qu’autant d’êtres humains ont amélioré leur niveau sanitaire et ont même pu se réaliser pleinement. Je considère le pessimisme ambiant comme inadéquat. L’automatisation et la digitalisation: l’humanité parviendra à relever ces défis comme tant d’autres. Je suis certain que dans les 30 prochaines années, nous n’assisterons pas à une détérioration de l’existence humaine. Il est probable que nous nous mettrons nous-mêmes des bâtons dans les roues. Nous savons tous que certains comportements nous nuisent (par exemple la consommation de substances addictives), mais nous ne les stoppons pas pour autant. Il est probable qu’à l’avenir, nous serons confrontés aux effets de nos comportements à titre personnel et plus seulement en général.
Encore en discussion: le revenu de base
Les entreprises de location de services et les offices régionaux de l’emploi font un excellent travail. Les offres de formation continue sont de plus en plus variées. Mais elles ne suffiront pas à ré- pondre aux grands changements qui surviennent dans le monde professionnel. De nouveaux métiers arrivent. Je pense que nous serons appelés à rediscuter de l’idée du revenu de base. Le revenu de base n’est pas une mauvaise idée en soi. Il a même été développé par des économistes libéraux. Le fait est qu’aucune société civilisée ne peut se permettre de négliger ses citoyens, que ce soit parce que les personnes âgées deviennent trop pauvres ou les chômeurs trop nombreux. Toutes ces personnes n’auraient plus de base vitale. Dans notre pays, le système de bénévolat joue un rôle essentiel depuis des siècles. Il pourrait être une partie de la solution. Le revenu de base ne consiste pas à fournir inconditionnelle- ment des moyens financiers aux personnes pour les aider à survivre. Les règles devraient être plus subtiles. Ces prochaines années, nous verrons apparaître dans la société des activités qui pourraient compléter le revenu de base. Chacun aurait donc une chance de s’intégrer, d’une manière ou d’une autre, au marché de l’emploi. N’oublions pas que l’homme ne vit pas seulement de pain. Des champs professionnels sensés naîtront par exemple dans les soins aux personnes âgées ou dans l’écologie. C’est ici que surgiront les réponses aux questions du 21e siècle.
Des «pères fondateurs» à la maturité
Notre branche a vécu des débuts passionnants. J’ai eu l’occasion de rencontrer des «pères fondateurs» et de travailler pour eux. J’ai vu comment ils ont fait prospérer leurs entreprises et dans quelles conditions ils les ont transmises à leurs successeurs. Des entreprises familiales se sont transformées en grandes sociétés. Des consolidations se sont produites. Des groupes mondiaux se sont construits. L’idée de base d’un service très personnel, toujours en contact direct avec les clients, s’est modifiée au cours du temps. Un processus de maturité a eu lieu. Les services de l’emploi ont incroyablement augmenté leur taux de pénétration sur le marché de l’emploi. Cette tendance se ralentit, de même que les cycles de mutation des entreprises. Toutes les activités entrepreneuriales respectent un schéma clair: une phase de croissance est suivie par une phase de maturité; puis les entreprises disparaissent du marché. Les services de l’emploi se trouvent actuellement dans la phase de maturité. Nous allons voir comment le marché de l’emploi et les services de l’emploi évolueront. Nous nous trouvons à un moment charnière. De nombreux intérimaires considèrent déjà leur agence temporaire comme un partenaire pour leur propre marketing. Nous assisterons peut-être à l’apparition de nouvelles formes de services de l’emploi, aujourd’hui encore inimaginables, et qui seront en forte opposition avec les systèmes classiques de recrutement et de sélection des candidats. Quoi qu’il en soit: des changements passionnants nous attendent!