Conseils pratiques

Un rapport critique le leadership du Conseil fédéral en matière de gestion RH

Les principaux déficits de la politique du personnel de la Confédération résident dans le pilotage effectué par le Conseil fédéral. Le lien entre stratégie RH et objectifs est faible. La décentralisation des compétences auprès des départements et des offices fédéraux ne s’est de loin pas accompagnée par un renforcement des tâches de pilotage, pourtant promis! 

 

La politique du personnel du Conseil fédéral manque d’engagement et de concrétisation. Voilà en substance les conclusions finales du rapport du Contrôle parlementaire de l’administration*. Selon ce rapport, publié en octobre dernier, le Conseil fédéral n’est pas parvenu à développer une véritable politique du personnel pour l’ensemble de l’administration. Cette faible capacité à piloter une vraie stratégie RH se réflète notamment dans deux exemples concrets. Le premier touche au domaine de la formation. En l’espace de deux ans, le centre de formation de la Confédération a été supprimé pour être recréé à nouveau. Entre-temps, la formation était déléguée aux départements qui ont, seuls ou à plusieurs, redéveloppé des offres de formation. Ce changement de stratégie a évidemment provoqué d’énormes pertes de temps et d’énergies. Deuxième exemple révélateur du faible leadership du Conseil fédéral en matière de gestion RH: le récente suspension du nouveau système salarial. Lancé par le CF en 2006, le nouveau système salarial devait donner plus de flexibilité, supprimer les automatismes au niveau de l’évolution salariale et accorder une plus grande place aux éléments variables du salaire. Quelques mois plus tard, le Conseil fédéral suspendait jusqu’en 2010 ce projet malgré les importants problèmes constatés avec l’ancien système et sans raison apparente.

Peu de lien entre les objectifs finaux de la Confédération et la stratégie RH

Pour bien comprendre ces évolutions, il faut rappeler les grandes étapes de la politque du personnel de la Confédération. Tout démarre en 2002, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le personnel de la Confédération. Cette loi devait permettre à la Confédération de se positionner comme un employeur attrayant et compétitif grâce à une gestion du personnel moderne et dynamique. Le statut de fonctionnaire était notamment abandonné. Six ans plus tard, la Commission de gestion du Conseil national a constaté que le Conseil fédéral était sur le point de procéder à une révision de cette loi sans avoir préalablement mené une évaluation. De plus, de nombreuses critiques étaient formulées sur la position de l’administration sur le marché du travail, la conduite du personnel ainsi que la mise en œuvre différenciée des départements.

C’est dans ce contexte que la Commission de gestion a chargé le Contrôle parlementaire de l’administration d’effectuer une évaluation du pilotage de la politique du personnel de la Confédération.

Ses conclusions, qui viennent donc d’être publiées, montrent que la stratégie des ressources humaines n’est pas suffisamment reliée aux objectifs finaux de la Confédération tels que l’efficience des processus ou la qualité des prestations. Cette absence d’ancrage stratégique témoigne en partie du désintérêt du Conseil fédéral et du Parlement pour la question. Des objectifs sont fixés, mais ils concernent des éléments sensibles politiquement (représentation des femmes et des communautés linguistiques dans le total de l’administration) mais qui n’ont pas d’incidence sur le travail effectué ou sur les services rendus.

En matière de ressources humaines, l’organisation et les responsabilités ne sont ni claires, ni adéquates entre les différents échelons de la Confédération (Conseil fédéral, départements, offices fédéraux).

Aussi, la répartition est arbitraire car elle dépend beaucoup des départements qui délèguent ou non des compétences aux offices fédéraux. Il semble pourtant logique que le «qui fait quoi» repose sur des critères pertinents, c’est-à-dire basés sur des motifs d’efficience, de bonnes pratiques de gestion plutôt que sur l’unique volonté du chef du département.

Les conditions de travail sont relativement bonnes à la Confédération

A noter enfin que les conditions de travail (salaires, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, formation) sont relativement bonnes à la Confédération. Le problème principal de la politique du personnel de la Confédération ne réside dès lors pas dans ces conditions mais essentiellement dans le manque de pilotage, de stratégie, d’une répartition claire des compétences, de communication et de reconnaissance de la part des plus hautes instances de l Confédération. Ces éléments ne sont pas anodins car ils ont un impact sur la motivation des collaborateurs et la qualité des prestations offertes.

Alors que le Conseil fédéral déclarait dans son message relatif à la loi sur le personnel que la grande marge de manœuvre des employeurs exigerait désormais un renforcement du Conseil fédéral en tant qu’organe de pilotage de la politique du personnel, il doit être constaté qu’il n’a pas assumé son rôle en la matière. Sur la base de ce rapport, la Commission de gestion du Conseil national a transmis si recommandations au Conseil fédéral.

* Le rapport complet est disponible sur www.parlement.ch

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Nicolas Grosjean, Dr ès sc. éco. de l’Université de Neuchâtel, est chef suppléant du Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) à Berne. Le CPA est le centre de compétences de l’Assemblée fédérale en matière d’évaluation. Le CPA participe ainsi à la haute surveillance parlementaire. 
 
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