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Conseils pratiques
Vers un vrai leadership RH
Grâce notamment au récent développement des formations supérieures, les processus et activités RH ont été fortement professionnalisés. Mais la posture et l’impact RH n’ont guère évolué.
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XPhoto: iStockphoto
Le leadership est la capacité à apporter de l’énergie (rayonnement), des solutions et de la valeur ajoutée. En d’autres termes, cela signifie qu’au contact du leadership, on se sent mieux, plus stimulé, plus en confiance, plus fort. Robert Goffee avait posé la vraie question déjà en l’an 2000, en interpellant chaque manager sur sa valeur ajoutée pour son équipe: «Pourquoi vos collaborateurs devraient-ils être heureux de vous avoir comme chef»1? Il proposait ainsi le même changement de paradigme qu’on retrouve notamment dans les travaux sur le leadership transformationnel ou inspirant, ou dans les démarches de feedback 360°, où l’équipe n’est pas là pour travailler pour un chef et pour son succès, mais où le chef est là pour stimuler la capacité d’une équipe à créer de la valeur pour ses parties prenantes. Ceci implique donc notamment de donner des orientations, du sens, un cadre, de l’énergie et du feedback.
La question du leadership RH, qui est dans l’air depuis plus de 20 ans au travers de nombreuses réflexions sur la valeur ajoutée RH et sur le partenariat stratégique notamment, est exactement de même nature: «Pourquoi les dirigeants, cadres et collaborateurs devraient-ils être heureux de pouvoir compter sur RH pour être plus forts et mieux réussir dans leur mission?» Cette question constitue une rupture radicale par rapport aux raisonnements que nous rencontrons encore et toujours dans la fonction RH. Elle conduit à chercher non pas seulement à fournir un excellent travail, à résoudre les problèmes et conflits dans l’organisation – escomptant à partir de là de la reconnaissance et de l’implication – mais à se donner les moyens (compétences, posture) pour apporter une valeur ajoutée perçue comme décisive par le business pour la réalisation de la performance et des changements indispensables. En d’autres termes, à démontrer un véritable leadership.
Sans ce changement de paradigme et la posture associée, on continuera à observer une forte envie d’apporter de la valeur par la qualité de son travail, par la mise en place de processus de qualité et par le soutien apporté, notamment pour régler les situations difficiles. Et on continuera à se plaindre d’un manque d’ouverture de la direction, d’un positionnement inadéquat et d’un sentiment d’être utilisé pour régler les problèmes que d’autres ont généré mais d’être rarement impliqués dans les décisions stratégiques. Alors quels sont les leviers à disposition pour réussir cette transformation?
Les processus RH comme premier levier
RH ne pourra certes apporter son leadership que si les processus administratifs fondamentaux sont parfaitement maîtrisés. Ceci implique l’utilisation des meilleures compétences, méthodes et outils informatiques pour y parvenir. Il s’agira aussi de maîtriser parfaitement les processus RH, tels que le recrutement, la mobilité, la formation, les évaluations, l’identification des talents, la gestion des temps, les conditions de travail, la rémunération ou la gestion des sorties.
La plupart des formations RH s’attellent à conférer le niveau de professionnalisme requis dans ce but – mais en oubliant le plus souvent de travailler les leviers qui permettraient d’utiliser les processus pour conquérir le partenariat stratégique. De ce fait, beaucoup d’efforts sont faits pour améliorer les processus et les utiliser pour structurer l’action collective de l’organisation. La difficulté, c’est d’éviter que ces processus ne soient perçus comme des passages obligés, comme un moyen pour RH d’obtenir du pouvoir plutôt que comme un moyen de créer de la valeur en facilitant la vie des managers. C’est aussi de sortir du schéma du «sauveur», qui contribue à corriger les dysfonctionnements dans l’application des processus ou de celui du «bourreau», qui sanctionne des comportements inadéquats. Les processus méritent donc d’être reconsidérés dans la perspective de favoriser davantage le partenariat. Ceci nous mène directement à la question de la posture.
Le rôle déterminant de la posture
La posture dont nous parlons est d’abord celle du partenaire. Cela ne peut se limiter au fait de bien réaliser ce qui est attendu de la fonction, à de la bienveillance, à de la cohérence ou à de la rigueur. Il s’agit de contribuer au succès du manager en étant perçu comme un partenaire compétent, légitime, dynamique, sans qui la performance serait moins bonne et l’action moins aisée. On apportera de la sorte sa contribution à la réalisation de la vision, en apportant de l’énergie, l’envie de réussir et de faire réussir l’organisation et ses acteurs.
Pour cela, une relation équilibrée avec l’autre, basée sur de la confiance et du respect mutuels, semble indispensable. Parmi les équipes RH, nous observons le plus souvent une tendance à prioriser la recherche de la confiance au détriment du respect mutuel. Et le respect accordé à l’autre dépasse souvent celui qui est reçu en retour. Le déséquilibre préexistant, étant admis, conduit à accepter de régler des problèmes générés par l’autre partie, en cautionnant le schéma relationnel déséquilibré. En tentant de répondre toujours mieux aux attentes pour conquérir du respect, on contribue à perpétuer le schéma de déséquilibre en la matière. Conquérir le respect présuppose en effet de modifier des schémas comportementaux souvent bien ancrés.
Ceci fait partie d’une longue liste d’obstacles au partenariat, que nous avons décrit en détail dans «Réussir le partenariat stratégique»2. Elle permet de prendre conscience de freins concrets qu’il s’agit de thématiser puis de dépasser. Elle aide aussi à se rendre compte de la nécessité de sortir du schéma habituel pour adopter une posture nouvelle, différente, positive.
Devenir partenaire présuppose donc de modifier le schéma relationnel existant pour prendre une autre place, insuffler une autre dynamique et modifier parfois en profondeur la manière dont les interactions se passent. L’existence d’une vision commune en sera l’une des clés, tout comme la définition d’un terrain de jeu, d’un cadre et de rôles bien définis. Ceci permettra au leadership RH de s’exprimer favorablement (voir graphique).
Le terrain de jeu du leadership RH
Utiliser positivement les processus RH et faire évoluer sa posture constitue la clé du partenariat RH. Le leadership RH vise à aller encore plus loin, en contribuant de manière décisive au succès commun. Il s’agit d’exercer une influence positive sur les facteurs clés de la création de valeur par le capital humain, en lien étroit avec la vision de l’organisation. Cette vision sera celle d’une équipe qui apporte une vraie valeur ajoutée aux clients. Elle s’appuiera pour cela sur des capabilités 3 (ou compétences collectives), que cela soit dans la relation clients, dans l’innovation, dans la manière de transformer une demande en produits et prestations d’excellence, de maîtriser la qualité et les coûts, ou de piloter et reconnaître la performance, tout ceci avec plaisir et compétence. L’ensemble de ces éléments nécessite des collaborateurs engagés et compétents, et des processus opérationnels pensés en conséquence. RH ne peut se permettre d’être absent de ces questions, car c’est sur ce terrain que nos organisations rencontrent leurs véritables défis en termes de compétitivité, mais aussi de culture.
Vers un leadership RH
L’expression du leadership RH passe par une modification souvent profonde du terrain de jeu et de la posture des acteurs. Il s’agit en effet de passer d’une posture qui impose des processus et résout des problèmes à une posture qui propose une vision, des démarches, des solutions, qui s’assure que tout soit entrepris pour que les clients et leurs besoins soient au centre des préoccupations de chacun, qui donne envie aux acteurs de se dépasser – que ces acteurs soient des managers pour tendre vers l’excellence managériale, ou des équipes et des collaborateurs pour enthousiasmer les clients. Cet acteur-là apportera des solutions innovantes, qui seront reconnues comme valeur ajoutée par les acteurs, parce qu’elles leur faciliteront la vie, et contribuera à supprimer les facteurs toxiques, encore trop nombreux. Elles impliquent donc un développement des compétences et de la force personnelles des équipes RH bien plus qu’une modification de l’organisation et du positionnement dans l’organigramme.
1. Robert Goffee & Gareth Jones, Harvard Business Review, Sept.-Oct. 2000.
2. Voir Daniel Held: Réussir le partenariat stratégique: place à la posture, éd. Jobindex media, Dossier HRM no 32, 2013.
3. Voir D. Ulrich et N. Smallwood, Capitalizing on capabilities, HBR, June 2004 ; voir aussi D. Held (2013), op.cit, Chapitre 4 : Le terrain de jeu du partenariat stratégique