Droit et travail

Vidéosurveillance sur le lieu de travail: un moyen de sécurité à risques

A l’heure où les caméras poussent comme des champignons, il peut être tentant d’en installer quelques-unes dans son entreprise. Pour des questions de sécurité, bien entendu. Mais alors, comment ne pas porter atteinte à la liberté et à l’intégrité des travailleurs? Quelles sont les restrictions à observer? 

C’est bien connu, quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Quel employeur n’a jamais été tenté d’installer un système de vidéosurveillance sur le lieu de travail afin de s’assurer que ses collaborateurs accomplissent leurs tâches, respectent leurs horaires, ne dérobent rien…? La vidéosurveillance est certes possible, mais uniquement dans le respect de règles bien précises et à certaines conditions. 

De manière générale, l’objectif poursuivi par l’installation d’un système de vidéosurveillance est la garantie de la sécurité. Il est interdit d’y recourir lorsqu’une autre mesure, moins attentatoire à la vie privée, telle que renforcement des portes d’entrée ou systèmes d’alarme, apparaît suffisante et praticable. 

Dans le domaine du travail, le problème réside dans le fait qu’une telle mesure de contrôle est certes efficace pour l’employeur, mais très intrusive pour le collaborateur. Les systèmes de vidéosurveillance peuvent en effet provoquer des sentiments négatifs chez les personnes filmées et, partant, détériorer le climat général de l’entreprise. 

Or, dans les rapports de travail, l’employeur est tenu de protéger et de respecter la personnalité du travailleur. Ce devoir de diligence conduit à plusieurs restrictions relatives à la vidéosurveillance. 

Surveiller le comportement des collaborateurs est interdit 

Il est interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle, tels que des caméras, dans le but de surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail (art. 26 alinéa 1 de l’Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail, ci-après OLT3). S’il est exclu de surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail, des systèmes de vidéosurveillance peuvent s’avérer nécessaires pour d’autres raisons, notamment la sécurité. Il est alors possible d’en disposer à des endroits stratégiques pour l’entreprise, tels que l’extérieur des bâtiments et parkings, les accès aux entrées ou encore les salles des coffres. 

Les systèmes de vidéosurveillance doivent toutefois toujours être conçus et disposés de façon à ne pas porter atteinte à la santé et à la liberté de mouvement des travailleurs.

Informer les personnes filmées expressément par écrit

Une surveillance ne peut avoir lieu sans que les personnes concernées n’en aient été préalablement informées. C’est pourquoi les employés ainsi que les personnes qui n’appartiennent pas au personnel, mais qui entrent dans le champ des caméras, doivent être informés expressément par écrit de la présence de ces dernières. Cela peut se faire par le biais d’un avis affiché de manière visible. 

Le problème de la surveillance par caméra touche la plupart des entreprises. Il se pose en particulier dans des entreprises où l’on manipule des valeurs, notamment une banque ou un atelier d’orfèvre d’une société horlogère haut de gamme, mais aussi dans les entreprises où le personnel ainsi que les clients ont directement accès à des marchandises faciles à dérober. L’on pense principalement aux centres commerciaux ou grandes surfaces.

Vidéosurveillance d’un grand magasin et dans les zones «sensibles» 

Les caméras vidéo installées dans une grande surface sont, en principe, destinées à lutter contre le vol. Elles doivent être installées de sorte que le personnel de vente ne soit pas constamment filmé. Ce dernier doit en outre être expressément informé du but et du positionnement des caméras. 

Les quais de chargement, les chantiers, les pièces où se trouvent les machines et installations dangereuses, les chambres fortes, les entrepôts contenant des produits dangereux ou de valeur et les guichets des banques sont tout autant de zones sensibles. Dans de tels espaces, un système de vidéosurveillance peut être installé uniquement pour des motifs de sécurité, d’organisation ou de contrôle de la production. 

L’installation des caméras devra être effectuée de façon à ce que les employés ne soient qu’exceptionnellement filmés et que n’entrent dans le champ des caméras que les images strictement nécessaires à la surveillance envisagée. Une banque peut alors sans autre installer des caméras dans sa salle des coffres tandis qu’aux guichets, cela n’est admis que si les collaborateurs ne sont pas constamment filmés. 

Dans le cas d’un atelier d’orfèvre au sein d’une société horlogère haut de gamme, l’utilisation d’un détecteur de métaux à la sortie de l’atelier est préférable à des caméras. Enfin, il ne peut en aucun cas être toléré qu’une caméra soit orientée en direction des machines de pointage. La surveillance a en effet pour unique but de contrôler le comportement des travailleurs, ce qui est formellement interdit. 

Open space occupé par du personnel administratif 

Dans le cas d’un open space occupé uniquement par du personnel administratif et dans lequel aucune valeur patrimoniale n’est gérée, il est formellement interdit d’installer des caméras si elles fonctionnent aux heures où les collaborateurs peuvent s’y trouver. Dans un tel espace, il semble en effet impossible d’orienter les caméras de telle sorte qu’elles ne soient pas dirigées sur l’un ou l’autre des travailleurs. 

A l’inverse, du moment que le système ne fonctionne que lorsque les locaux sont vides, notamment la nuit et le week-end, la surveillance par caméra vidéo est en principe justifiée. Les équipements de surveillance sont alors installés pour des raisons de sécurité, en particulier pour prévenir des vols et autres dommages, et ne concernent pas le personnel. 

Que peut faire l’employeur dans le traitement des enregistrements? 

En cas de vidéosurveillance, les enregistrements sont conservés en lieu sûr et ne peuvent être communiqués à des tiers. Ils doivent en principe être effacés ou détruits dans un délai particulièrement bref, en général dans les 24 heures. Il peut toutefois arriver que l’employeur soupçonne l’un de ses employés d’avoir commis une infraction ou d’avoir violé l’un de ses devoirs contractuels. 

Dans un tel cas, il peut visionner les enregistrements à condition qu’il ait un indice concret. S’il n’a aucun indice concret, il ne peut en aucun cas visionner tous les enregistrements dans le but ou dans l’espoir de trouver quel employé s’est rendu coupable d’une infraction ou d’une violation du lien contractuel. 

Enfin, si l’employeur n’avertit pas les travailleurs de la présence de caméras ou si celles-ci sont disposées de façon à surveiller ces derniers, le système de surveillance est illicite. Dès lors, si l’employeur découvre les auteurs d’un délit au moyen de ce système de surveillance illicite, les enregistrements en cause ne pourraient en aucun cas servir de preuves.

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Marianne Favre Moreillon, spécialisée en droit du travail, est Directrice et Fondatrice du cabinet juridique DroitActif à Lausanne. 

Lien: www.droitactif.ch

 
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