Entretiens

Vous avez dit speedtalk?

L’arrivée du nouveau directeur au centre de formation OSEO Vaud a été accompagnée par la mise en place d’un nouvel outil: le speedtalk. Explications par son initiateur.

Quelques mois seulement après mon arrivée au centre de formation et d’insertion OSEO Vaud en tant que directeur, en juin 2014, j’ai développé un nouvel outil que j’ai appelé le speedtalk. Le but était double: mieux sentir l’atmosphère qui régnait dans mes équipes (dispersées aux quatre coins du canton) et connaître concrètement l’activité de mes collaborateurs. Vu qu’ils sont plus de 120, cette démarche aurait pu être laborieuse... C’est en cherchant une approche systématique, unifiée, que m’est venue l’idée du speedtalk, contraction et clin d’œil au speeddating et aux smalltalks des cocktails.
 
Le speedtalk, qu’est-ce donc?
Il s’agit d’un entretien d’un peu moins d’une demi-heure avec chaque collaborateur, montre en main (pour ne pas déborder) et en interrogeant les personnes de la même manière dans toutes les équipes. L’entretien est structuré ainsi: une minute pour redonner le contexte et les objectifs du speedtalk (les objectifs et la méthode auront auparavant été communiqués aux cadres et au personnel); cinq minutes pour que le collaborateur décrive sa journée type (si elle existe); cinq minutes pour qu’il décrive les éléments qui favorisent ou empêchent l’accomplissement de sa mission; cinq minutes pour dire ce qui lui plaît ou déplaît dans son travail et enfin cinq minutes pour les points divers. Au total, 26 à 30 minutes. C’est long, lorsqu’on a plus de cent personnes à voir, mais l’exercice en vaut la peine!
 
A ce stade, j’ai vu la moitié des collaborateurs OSEO Vaud et je peux en tirer un premier bilan plus que satisfaisant. Il faut savoir qu’à la suite de ces speedtalks, une restitution globale est organisée avec le chef d’équipe et, si des éléments sont très largement partagés, les points sont traités pour tenter d’améliorer la situation. Une restitution en équipe est également possible.
 
Les apports de la méthode
En premier, je citerai une meilleure connaissance de la réalité du travail effectué sur le terrain. Souvent, les directions sont (ou semblent) dans une tour d’ivoire, sans connaissance – même grossière – de ce qui est fait. C’est dommageable en termes de reconnaissance du travail (une dimension RH que l’on sait fondamentale). De plus, il y a une non-utilisation d’informations potentiellement intéressantes à divers niveaux (stratégique, organisationnel...).
 
Les cinq minutes consacrées aux facteurs qui facilitent ou entravent la mission peuvent faire ressortir des éléments intéressants sur l’organisation générale du travail (horaires, cahier des charges, clarté de la mission), l’infrastructure (concernant l’outillage ou les locaux, par exemple) ou encore la hiérarchie directe et les services centraux (finances, RH, etc.). Cela permet de vérifier des intuitions ou de voir s’il faudrait, justement, aménager différemment des locaux, déplacer une imprimante, modifier des cahiers des charges, mieux communiquer à propos des attentes des clients finaux ou des mandants...
 
Les cinq minutes concernant la satisfaction au travail sont consacrées à la description de l’atmosphère, des complicités, des amours et des désamours entre les personnes et les unités. J’emploie le terme amour à dessein car, qu’on le veuille ou non, l’affect occupe une place très importante dans les relations de travail, avec d’inévitables répercussions sur l’efficacité. Ces cinq minutes permettent aussi de percevoir l’identification à la mission et d’identifier des leviers motivationnels. Au final, si la confiance entre le manager et les collaborateurs est présente – ou tout au moins en construction – on obtient un tableau de style impressionniste qui restitue une image fidèle de la situation et permet de dégager des lignes d’actions. Parfois aussi, ces speedltalks donnent à voir la souffrance de collaborateurs tiraillés entre une envie de bien faire et des contraintes managériales peu claires, voire toxiques.
 
Attention à ne pas casser du sucre sur le chef en cas de malaise
Le speedtalk ne remplace pas les évaluations annuelles, mais il procure un espace d’expression utile. Les entretiens sont évidemment anonymes, par respect pour les personnes et de manière à leur garantir une protection contre un risque éventuel de représailles, en cas de critiques sur l’entreprise ou la hiérarchie. Cette condition est-elle bien comprise et intégrée? La liberté de ton que j’ai observée jusqu’ici me laisse penser que c’est très globalement le cas. Il n’en reste pas moins que le manager doit disposer d’une bonne expérience relationnelle, car l’un des risques principaux en cas de malaise dans l’organisation est de céder à la tentation de «casser du chef». Mais le «chef bashing» est à mon avis facilement décelable. Il faut également être capable d’accueillir et de prendre en considération les avis d’une équipe, si de nombreuses personnes se plaignent d’un supérieur hiérarchique ou signalent les mêmes dysfonctionnements. Ce fait, associé par exemple à un fort absentéisme, constitue un signal d’alarme. A contrario, un concert de louanges pour un chef n’est pas synonyme d’efficacité managériale!
commenter 0 commentaires HR Cosmos

Yves Ecoeur est directeur du centre de formation OSEO Vaud depuis juin 2014. 

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