Conseils pratiques

Vous êtes nommé-e chef d’équipe, voici les défis qui vous attendent

J’accompagne de nombreux chefs d’équipe fraîchement en poste. Je suis souvent surprise d’entendre à quel point ils se sentent seuls et parfois démunis face aux défis qu’ils rencontrent.

«Si j’avais su, je ne serais pas devenu si proche de mes collaborateurs, comment vais-je faire maintenant que je dois leur annoncer une mauvaise nouvelle...? », m’a dit un jour un de mes coachés. Cette anecdote est emblématique des difficultés que rencontrent les personnes qui viennent d’être promues chef d’équipe1. Très souvent, elles sont rapidement démunies face aux défis de leur nouvelle fonction. Voici quelques apprentissages que j’ai pu faire en accompagnant ces personnes.

En amont de ces réflexions se situe la question délicate du choix des personnes que l’on promeut... Malgré tout ce que l’on sait sur la différence entre les compétences métiers et les compétences de gestion d’équipe, il y a encore beaucoup de situations dans lesquelles ce sont les meilleurs «techniciens» qui obtiennent le poste de «chef d’équipe».

Or un point rarement discuté à ce moment-là du processus de sélection est: «Le candidat est-il conscient de la signification du changement de rôle?». Parfois, la personne voit surtout les aspects positifs de sa promotion: plus de responsabilités, plus de pouvoir, plus de bénéfices (salariaux ou autres), davantage de liberté de décision... et il semble donc très difficile de refuser. Pour d’autres, cela peut être la crainte d’être jugé comme pas assez ambitieux et de ne plus se voir proposer d’autres défis intéressants. D’ailleurs est-ce que votre entreprise autoriserait vraiment une réponse négative? Et du coup, s’agit-il d’un vrai choix?

Professeur à l’IMD, Preston Bottger questionnait: «Are leaders born or made, or is the question even relevant? The real question is: What level of leadership responsibility do I aspire to?». Prend-on le temps de se poser cette question? Il est aussi vrai que parfois il faut essayer pour savoir ce qui nous convient ou ne nous convient pas.

Mais revenons à nos points de «vigilance» en tant qu’organisation.

• Un point d’attention est la manière dont l’équipe est informée de la nomination du nouveau chef et par qui; d’autant plus si quelqu’un d’autre dans l’équipe rêvait du poste. Il me semble que plus la situation est délicate plus elle nécessite de clarté, c’est pourquoi le fait de pouvoir citer les arguments amenant au choix de telle personne plutôt qu’une autre aide souvent à l’acceptation.

• Un programme de mentorat à l’interne ou l’institutionnalisation d’une demi journée pour chaque nouveau chef avec son équipe (team building) constituerait sans doute un soutien précieux. En effet, cela permettrait au chef et aux collaborateurs de se rencontrer dans un contexte spécifiquement développé dans ce but afin de prendre le temps de mieux se connaître et de comprendre comment chacun pourra «contribuer» à la mission de l’équipe.

• Il serait avantageux de proposer une formation générale pour les nouveaux chefs. J’ai connu une personne travaillant dans une société horlogère de luxe qui avait été promue et a pu participer à des formations en lien avec ses responsabilités deux ans après sa prise de fonction; elle s’est clairement «brûlé les ailes». Lorsque la taille de l’entreprise le permet, une formation intra-entreprise est intéressante car elle permet un grand développement du réseautage et une diminution du sentiment de solitude ressenti par beaucoup.

• Etre conscient des difficultés que ces nouveaux chefs rencontrent afin de pouvoir être proactifs par rapport aux possibles difficultés et empathiques par rapport à leurs besoins. Lire aussi ci-contre.

Les 10 difficultés du néo-promu

Ne pas être accepté par l’équipe

Rencontrer chaque membre de l’équipe individuellement afin de lui expliquer les changements et recueillir les questions, craintes, inputs, sources de motivation. Ceci permet aussi évidemment de créer un lien et de mieux se connaître. En faisant cela, être conscient des antécédents dans l’équipe (par exemple 5 chefs différents en 3 ans, je vous laisse imaginer l’ouverture et l’engagement face au 6ème...)

Trouver la «bonne» distance avec son équipe

Oser recadrer (poser les règles et être conscient que l’on ne peut pas plaire à tout le monde) sans prendre son équipe de haut. Ceci se ressent non seulement dans les termes utilisés, le ton de voix, mais surtout dans l’attitude générale de la personne. Il s’agit ici du difficile art de l’équilibriste qui doit trouver «son» juste milieu tout en restant lui-même.

Sortir la tête du guidon

Poser des limites, s’autoriser à avoir les portes du bureau fermées de temps en temps ou des plages horaires «bloquées» dans son agenda. S’intéresser davantage aux problématiques que les employés rencontrent.

Trop contrôler

Apprendre à faire confiance à son équipe et à déléguer.

Accepter que cela n’est plus comme avant (spécifiquement lorsque vous prenez la responsabilité de l’équipe dans laquelle vous étiez collaborateur auparavant)

Si vous continuez à participer aux pauses café ou apéritifs de fin de semaine, évitez de participer aux rumeurs et autres échanges inadéquats. Acceptez que cela puisse prendre un peu de temps pour vous et pour les collaborateurs. Un exercice intéressant à pratiquer est celui des «offres et attentes», consistant à clarifier ce que chacun offre et attend de l’autre dans cette relation professionnelle.

Se sentir seul

Etablir de nouvelles relations notamment avec ses pairs (voir aussi formation intra-entreprise) ou avec des pairs d’autres entreprises. Trouver un mentor ou un coach pour se faire accompagner durant cette transition.

Avoir peur de la nouvelle image que je dois donner (Role model)

S’informer puis se former aux différentes compétences nécessaires (notamment gestion des priorités, fixation d’objectifs...). Accepter d’être imparfait.

Avoir plus à faire

Prendre d’autant plus soin de son équilibre de vie et travailler sur sa gestion du stress.

Assumer des décisions impopulaires

Obtenir le soutien de sa hiérarchie et comme mentionné plus haut, il s’agit aussi ici d’accepter de ne pas être apprécié par tous.

Devoir faire avec les personnes que je n’ai pas forcément choisies

Développer ses capacités d’adaptation, essayer de mieux se connaître.

Il est évident qu’il s’agit là de pistes et que plusieurs d’entre elles nécessitent un travail de développement de soi qui sera différent pour chacun.

Néanmoins, j’espère avoir pu contribuer à une meilleure compréhension de ce qu’implique un tel changement de rôle, et ouvert une discussion entre les personnes concernées.

 

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Anne-Julie Choffat, trainer et coach pour Stucki Leadership & Team Development, www.stucki.ch. Elle exerce aussi une activité indépendante. Lien: www.ajc-coaching.ch

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