Un projet de loi autorisant le pouvoir exécutif à recourir à la procédure accélérée des ordonnances a été présenté mercredi en Conseil des ministres. Selon cette méthode, décriée notamment par les syndicats, le Parlement ne débattra pas des textes, mais sera consulté au début et à la fin de la procédure.
"On veut faire une réforme qui amène plus de dialogue social et économique, qui amène plus de liberté, plus de sécurité", a résumé mercredi la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
Le contenu des réformes est connu dans les grandes lignes : primauté des accords d'entreprise dans certains domaines, plafond obligatoire des dommages et intérêts pour licenciement abusif, modification des critères permettant les licenciements économiques, création d'un contrat de travail de compromis entre durée indéterminée et intérim...
"Légitimité politique"
Le gouvernement a l'intention d'aller vite. Il compte adopter les ordonnances d'ici le 20 septembre, après les avoir présentées "fin août aux partenaires sociaux", selon la ministre du Travail.
Pour Emmanuel Macron, l'enjeu majeur est de réduire le taux de chômage en France, à 7% à la fin de son mandat en 2022, contre 9,4% prévu cette année.
Il s'agit également de regagner la confiance de l'Allemagne, qui réclame depuis longtemps des réformes structurelles à Paris. Or le nouveau président français a bien l'intention de former avec Berlin le duo de tête européen, à l'heure où l'allié étasunien prend ses distances et où la Grande-Bretagne a fait le choix du Brexit.
Cette réforme va plus loin que la très décriée "loi travail", qui avait déclenché l'an dernier en France la pire crise sociale sous un gouvernement de gauche, avec plusieurs mois de manifestations.
Entre-temps la donne a changé, ce qu'a rappelé le Premier ministre Edouard Philippe en Conseil des ministres. Relevant "l'importance" de cette réforme, il "a tenu à rappeler que ce texte avait une légitimité politique", selon le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner.
Le relais Mélenchon
Pour tenter d'éviter une rentrée sociale chaude, l'exécutif a mis les formes, proposant aux organisations syndicales et patronales une série de concertations, qui vont se poursuivre tout l'été, parallèlement au parcours parlementaire du texte.
Mais si certains syndicats préfèrent attendre la fin des discussions pour se prononcer, d'autres commencent à donner des signes d'agacement face à un projet de réforme qu'ils assimilent à une "casse du code du travail".
Jugeant que le "dialogue social est pipé d'avance", le syndicat CGT appelle déjà à une journée d'actions et de grèves dans toutes les entreprises et services le 12 septembre.
Les opposants ont un relais à l'Assemblée nationale, avec Jean-Luc Mélenchon, président du groupe La France insoumise, qui a évoqué une opposition "complète". "Évidemment, ça ne peut pas se limiter à l'opposition parlementaire. Nous allons jouer notre rôle, nous serons dans la rue, absolument", a-t-il dit.
"Dans le bon sens"
Mais le fait important de la journée de mercredi est la position prise par Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, une centrale qui était dans la rue avec la CGT lors des manifestations contre la précédente réforme.
"Pendant la campagne, on avait des déclarations donnant la primauté à l’entreprise. Aujourd?hui, cela va dans le bon sens, et la branche reprend de la vigueur. Mais, à la fin, on ne sait pas où le curseur tombera", a-t-il dit dans Le Monde.
Il explique ne pas avoir l'impression que le gouvernement s'achemine vers un bouleversement de la hiérarchie des normes - c'est-à-dire l'importance des accords de branche ou des ententes nationales par rapport aux accords d'entreprise.
"Si j'avais ce sentiment, la concertation se serait arrêtée. Dès le départ, j'ai indiqué les lignes rouges. Pour le moment, ils ont l'air de les prendre en compte", souligne-t-il. Le gouvernement français a mis mercredi 28 juin sur les rails la délicate réforme du marché du travail. Cette promesse-phare du président Emmanuel Macron a pour principal objectif d'accorder plus de flexibilité à l'entreprise et encourager l'emploi.