19.01.2021

Les travailleurs à domicile doivent être mieux protégés, selon l’OIT

L’augmentation massive du travail à domicile en raison de la pandémie de COVID-19 met en évidence les mauvaises conditions de travail que subissent de nombreuses personnes travaillant depuis chez elles. On estime qu’elles étaient 260 millions à travers le monde avant la crise. Les personnes qui travaillent à leur domicile, dont le nombre connaît une hausse très importante à cause de l’extension de la pandémie, ont besoin d’être mieux protégées, affirme l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans un nouveau rapport.

Depuis que le travail à domicile s’est introduit au sein de la sphère privée, il est souvent «invisible», peut-on lire dans un communiqué. Par exemple, dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, pratiquement tous les travailleurs à domicile (90 pour cent) exercent leur activité de manière informelle.

Ils sont généralement moins bien lotis que ceux qui travaillent en dehors du foyer, même dans des professions plus qualifiées. Les travailleurs à domicile gagnent en moyenne 13 % de moins au Royaume-Uni, 22 % de moins aux États-Unis d'Amérique, 25 % de moins en Afrique du Sud et environ 50 % en Argentine, en Inde et au Mexique.

Par ailleurs, les travailleurs à domicile font face également à des risques plus importants en matière de santé et de sécurité et bénéficient d’un accès plus restreint à la formation que les autres travailleurs, ce qui nuit à leurs perspectives de carrière.

Le rapport montre aussi que les travailleurs à domicile ne disposent pas du même niveau de protection sociale que les autres travailleurs. Ils ont également une probabilité moindre d’être syndiqués ou d’être couverts par une convention collective.

Selon les estimations de l’OIT, avant la crise du COVID-19 , il y avait environ 260 millions de travailleurs à domicile, représentant 7,9 pour cent de l’emploi mondial; 56 pour cent (147 millions) étaient des femmes.

Parmi eux, on trouve les personnes qui télétravaillent chez elles de façon permanente ainsi qu’un grand nombre de travailleurs qui produisent des biens dont la fabrication ne peut être automatisée comme la broderie, la production artisanale ou l’assemblage électronique. La troisième catégorie concerne celles et ceux qui travaillent sur les plateformes numériques et qui opèrent dans le secteur des services, par exemple en traitant des déclarations de sinistres, qui effectuent des travaux de révision de documents ou encore des annotations de données destinées à alimenter les systèmes d’intelligence artificielle.

Durant les premiers mois de la pandémie de COVID-19 en 2020, on estime qu’un travailleur sur cinq a été amené à travailler à domicile. Lorsque les chiffres seront disponibles pour l’ensemble de 2020, on s’attend à une hausse considérable par rapport à l’année précédente.

Le rapport estime que la croissance du travail à domicile devrait persister dans les années à venir, ce qui entraîne la nécessité d’agir de manière urgente pour résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs à domicile et leurs employeurs.

La réglementation en matière de travail à domicile s’avère souvent insuffisante et le respect de la réglementation en vigueur demeure un véritable défi. En effet, dans de nombreux cas, les travailleurs à domicile sont considérés comme des entrepreneurs indépendants et ils sont donc exclus du périmètre d’application du droit du travail.

«De nombreux pays à travers le monde disposent d’une réglementation, parfois complétée par des conventions collectives, afin de s’attaquer aux différentes formes de manquements en matière de travail décent liés au travail à domicile.

Cependant, seuls dix Etats Membres de l’OIT  ont ratifié la convention (n° 177)  chargée de promouvoir l’égalité de traitement entre les travailleurs à domicile et les autres salariés, et peu de pays disposent d’une politique globale sur le travail à domicile», affirme Janine Berg, économiste principale à l’OIT, qui a participé à la rédaction du rapport.

Le rapport contient un certain nombre de recommandations concrètes afin de donner de la visibilité au travail à domicile et, de cette manière, d’améliorer la protection dans ce domaine.

En ce qui concerne le travail à domicile dans l’industrie, le rapport souligne l’importance de faciliter le passage à l’économie formelle en élargissant la protection juridique, en améliorant le respect de la législation en vigueur, en généralisant les contrats écrits, en garantissant l’accès à la sécurité sociale et en informant les travailleurs à distance de leurs droits.

En ce qui concerne celles et ceux qui travaillent à domicile sur les plateformes numériques, pour lesquels le respect des législations en vigueur est difficile à assurer du fait que leurs activités se déploient à travers les frontières, le rapport recommande l’utilisation des données générées par leur travail afin d’effectuer le suivi des conditions de travail ainsi que des outils permettant d’établir des salaires équitables.

En ce qui concerne les personnes en télétravail, le rapport demande aux législateurs de mettre en place des mesures spécifiques afin d’atténuer les risques psychosociaux et d’introduire un «droit à la déconnexion» pour assurer le respect des frontières entre vie professionnelle et vie privée.

Le rapport estime enfin que le télétravail devrait prendre une importance encore plus grande dans les années à venir. Les gouvernements, en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs, doivent œuvrer ensemble afin de s’assurer que l’ensemble des travailleurs à domicile – qu’ils pratiquent le tressage du rotin en Indonésie, qu’ils fassent du beurre de karité au Ghana, du marquage de photos en Egypte, qu’ils fabriquent des masques en Uruguay ou qu’ils télétravaillent en France – puissent passer de l’invisibilité au travail décent.