Marché du travail: outils limités pour lutter contre le dumping social et salarial

Les travailleurs attendront pour bénéficier d'une meilleure protection contre la sous-enchère sociale et salariale. Le Conseil fédéral a décidé mercredi 1er avril de geler la plupart des corrections aux mesures d'accompagnement et d'à peine retoucher l'arsenal de lutte contre le travail au noir.
 
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Berne (ats) "C'est la voie du bon sens", a commenté devant la presse le ministre de l'économie Johann Schneider-Ammann. Les partenaires sociaux ont à l'unanimité demandé ce gel lors d'une table ronde sur le franc fort, a-t-il salué. Cela ne servirait à rien de réviser la loi à la va-vite s'il faut remettre l'ouvrage sur le métier dans le cadre de l'application de l'initiative sur l'immigration de masse.
 
De nombreuses critiques émises en consultation font référence au vote du 9 février 2014. La droite et les milieux économiques n'estimaient ainsi plus opportun de renforcer des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes alors que le nouvel article constitutionnel veut supprimer cette dernière.
 
Le gouvernement aurait voulu étendre le champ d'application des conventions collectives de travail et rendre leur prorogation de trois ans possible même sans la signature d'au moins la moitié des employeurs de la branche. Tout ce volet est mis entre parenthèses même s'il devra être pris en compte dans les travaux de mise en oeuvre de l'initiative contre l'immigration de masse.
 

Amende salée

 
Seul subsiste du projet initial un durcissement de l'amende encourue en cas d'infractions salariales concernant les travailleurs détachés. Le montant maximum de la sanction devrait passer de 5000 à 30'000 francs. Le Département de l'économie devra présenter son projet au Conseil fédéral d'ici à octobre. Le processus sera parallèle à la révision de la loi contre le travail au noir.
 
Dans ce domaine, pas question de revoir tout l'arsenal. Le Conseil fédéral a mis en consultation jusqu'au 1er août des retouches ponctuelles à la loi en vigueur depuis 2008, sans objectif quantifié de réduction.
 
"Le travail au noir est un fléau qui nuit à tous": il occasionne des pertes de l'ordre de 45 milliards de francs par an, soit 6,9% du produit intérieur brut, a reconnu le ministre de l'économie. Des sommes conséquentes échappent aux assurances sociales et au fisc, tandis que les travailleurs clandestins ne bénéficient pas de protection sociale.
 
Néanmoins, la Suisse s'en sort bien, a jugé Johann Schneider-Ammann. Seuls les Etats-Unis font mieux au sein de l'OCDE. Pour le conseiller fédéral, les mesures de lutte contre le travail au noir ne "doivent pas entraver notre marché du travail flexible".
 

Plus d'amendes

 
Le Conseil fédéral veut mettre la pression sur les organes de contrôle cantonaux. Les cantons qui sanctionnent de manière conséquente les entreprises fautives devraient recevoir plus d'argent de la Confédération.
 
Autre moyen envisagé: le droit d'infliger une amende aux entreprises qui omettent d'annoncer les nouveaux salariés à l'AVS ou pour l'imposition à la source. Aux yeux de Johann Schneider-Ammann, il s'agit là de "sanctionner des bagatelles".
 

Echange de soupçons

 
Le troisième axe concerne une intensification de la collaboration entre les organes de contrôle cantonaux et les autorités concernées. Les inspecteurs du travail doivent pouvoir recevoir des indices de travail au noir de la part de responsables de l'aide sociale ou du contrôle des habitants et pouvoir communiquer des soupçons d'infractions à d'autres lois aux autorités concernées.
 
Le Conseil fédéral a en revanche écarté toute une série d'idées proposées par des experts ayant constaté que les effets de la loi sur le travail sont restés modestes. Exit la possibilité pour les inspecteurs du travail de faire des observations cachées sur une période prolongée, de procéder à des arrestations ou à la confiscation de documents.
 
Le projet fait également l'impasse sur une uniformisation de la pratique entre les cantons malgré une application pour le moins disparate des mesures de traque contre les employeurs indélicats.
 
En 2013, les cantons disposaient de moins de 70 postes d'inspecteurs pour lutter contre le travail illicite. Ceux-ci ont transmis 14'465 cas suspects aux autorités compétentes et 3813 personnes ont été sanctionnées.