Multinationales responsables: une entreprise sur deux ne prévoit pas d'impact
D'après une enquête réalisée par Deloitte, les dirigeants d'entreprise suisses alternent entre calme et critique au sujet de l'initiative qui sera soumise à la votation populaire en novembre. Si la moitié des CFO interrogés n'entrevoient aucun impact concret pour l'activité de leur entreprise, ils sont près de 40% à estimer que l'adoption de l'initiative aurait des effets négatifs sur leur entreprise.
Dans le cadre de l'enquête, 112 CFO ont été interrogés sur les effets possibles d'une adoption de l'initiative sur la responsabilité des entreprises, précise Deloitte dans un communiqué. Les principales conclusions sont les suivantes : la plupart des entreprises (46%) ne se sentent pas concernées, du moins pas de façon négative (61%). Il n'en reste pas moins que près de 40% d'entre elles estiment qu'une adoption de l'initiative aurait des effets négatifs. Les effets négatifs mentionnés sont en moyenne deux fois plus nombreux que les effets positifs.
Au premier rang des dangers qu'elles entrevoient : leur non-conformité avec les nouvelles directives. Les risques réglementaires sont cités par près d'un tiers (32%) des CFO interrogés. Plus d'un quart (27%) estiment que l'adoption de l'initiative les obligerait à renforcer la surveillance de leurs activités commerciales à l'étranger, et un peu moins (22%) leurs contrôles en interne. Une part non négligeable des dirigeants interrogés voit cependant un côté bénéfique à ces changements, en particulier ceux qui ont déjà mis en place des mesures appropriées et sont donc préparés à la mise en place de nouvelles régulations.
Pas de panique dans les étages
Même s'il reste difficile de déterminer quelles entreprises seront impactées, l'initiative pour des multinationales responsables ne déclenche pas la panique chez les dirigeants d'entreprise suisses. « Le calme à l’égard de l’initiative n’est donc probablement pas une mauvaise attitude, pour autant que les entreprises aient fait leurs devoirs. La sérénité n'est pas un mauvais positionnement, dans la mesure où une entreprise a fait ses devoirs.
Une adoption de l'initiative entraînerait sans doute de nouveaux coûts. Malgré cela, seuls 12% des directeurs financiers estiment qu'elle aurait des effets négatifs sur les finances de leur entreprise ; ils sont même 7% à penser qu'elle pourrait avoir des effets positifs dans ce domaine. L'impact de l'adoption de l'initiative serait quasiment nul sur les sites de production ou sur les postes de travail en Suisse. Sur les sept effets possibles analysés dans le cadre de l'enquête, deux profiteraient plutôt positivement d'après les sondés : le premier de ces effets est la réputation de l'entreprise. Certains des CFO interrogés voient également dans l'adoption de l'initiative des opportunités de renforcer la valeur de leur entreprise.
Seule une minorité prévoit des actions concrètes
Interrogés sur les mesures qui pourraient devenir nécessaires si l'initiative était adoptée, seule une minorité des directeurs financiers interrogés entrevoit des mesures concrètes. Trois axes d'intervention ressortent particulièrement : l'amélioration de la gestion du risque et des systèmes de contrôle internes (52%) ; la modification de la collaboration avec les fournisseurs (47%) ; l'amélioration de la supervision de l'ensemble de la chaîne de création de valeur (44%). Près de la moitié des CFO interrogés a indiqué avoir déjà mis en place des mesures ou prévoir d'en mettre en place dans le cas où l'initiative serait adoptée. Aucune des mesures citées n'implique la vente de secteurs d'activités ou d'installations de production sur des marchés spécifiques, ni le transfert de siège à l'étranger.
Les résultats de l'enquête montrent que beaucoup d'entreprises considèrent les demandes des initiants comme légitimes, et qu'une partie d'entre elles ont déjà mis en œuvre des mesures en conséquence. Dans le contexte de marché actuel, il est de toute façon pertinent de gérer ses risques et d'améliorer ses systèmes de contrôles internes de façon plus active – la pandémie a aussi contribué à montrer cela. Les incohérences dans la chaîne d'approvisionnement peuvent causer de grands dommages à la réputation d'une entreprise aujourd'hui, dans un monde où les consommateurs et les investisseurs ont de plus en plus d'influence.
Plus de transparence dans le reporting, une nécessité
Le sujet de l'élaboration des rapports de l'entreprise est souvent inscrit dans l'agenda des directeurs financiers interrogés : un tiers d'entre eux estime qu'une adoption de l'initiative populaire les obligerait à se pencher de nouveau sur le sujet. Il ne faut cependant pas oublier une chose : que l'initiative soit acceptée ou que la contre-proposition parlementaire entre en vigueur, l'élaboration de rapports sur la durabilité des entreprises suisses est appelée à prendre plus en plus d'importance à l'avenir.
C'est une évolution positive, dans la mesure où un important rattrapage reste à faire. En l'absence d'incitation forte, il reste difficile d'intégrer la durabilité dans le fonctionnement des entreprises. C'est pourquoi il est important d'inscrire les critères de durabilité dans les actifs des entreprises. Les rapports sur la durabilité devraient à l'avenir utiliser les mêmes critères de qualité que les rapports financiers.