(ats) Le syndicat des médias et de la communication présentait devant la presse à Berne un manifeste sur la numérisation, en réponse à un récent rapport du Conseil fédéral sur la question.
Dévoilé début janvier, le rapport se concentre sur les conditions cadre pour l'économie, qui doivent être "optimisées" pour faire face au défi numérique. Le ministre de l'économie Johann Schneider-Ammann a déjà exclu toute nouvelle loi, mettant en garde contre un "activisme législatif" nuisible.
Le rapport du gouvernement est un bon début, mais présente des lacunes, souligne le syndicat. La perspective des employés est absente. Elle est pourtant indispensable, car ils sont les acteurs de la numérisation de l'économie et de la société.
Et Syndicom de sonner l'alerte: les employeurs flairent un vent favorable pour démanteler les conditions de travail. Ils demandent par exemple de renoncer à la distinction entre salariés et indépendants. "Une attaque fondamentale contre les acquis sociaux arrachés de haute lutte ces 150 dernières années", lance Giorgio Pardini, membre de la direction de Syndicom.
Contre Uber
Et de citer l'exemple des taxis. Une motion du conseiller national valaisan PLR Philippe Nantermod veut supprimer le tachygraphe, afin d'adapter la législation aux nouvelles offres dans le domaine des transports, de type Uber. Or cet instrument est indispensable, car il s'agit du seul moyen de vérifier que les chauffeurs respectent leur propre sécurité et celle de leurs clients, selon M. Pardini.
"Uber est la voie à ne pas suivre pour l'économie suisse", met-ilen garde en faisant référence au modèle de la société californienne. La flexibilité seule ne suffit pas.
Le syndicat aura son mot à dire sur la question lors de l'élaboration d'un deuxième rapport du Conseil fédéral sur la numérisation. Cette fois, les questions liées au droit du travail, aux conséquences sur l'emploi, à l'impact sur les assurances sociales ainsi qu'à la protection de la santé des employés y seront examinées. "Il y a une marge de manoeuvre", pour faire valoir les positions du syndicat, estime Giorgio Pardini.
Droit au perfectionnement
Dans un premier temps, Syndicom va porter ses revendications numériques auprès de Swisscom. Il va profiter des négociations de la prochaine convention collective de travail (CCT), qui sera renouvelée en 2018 et à laquelle sont soumis 15'000 employés. Cette CCT pourra servir de modèle dans l'économie numérique en Suisse, veut croire le syndicat.
Au centre des réflexions, un droit au perfectionnement, explique Pascal Bassu, collaborateur Swisscom. Les formations continues ne devraient plus être une simple option, mais un "droit fondamental" ancré dans la CCT. Il faut développer continuellement le potentiel des employés, afin qu'ils puissent faire face à la mutation rapide du travail qu'implique la numérisation.
Le syndicat défend aussi un droit pour l'employé à la déconnexion et à la "non-joignabilité". L'économie numérique peut entraîner la disparition des frontières entre vie professionnelle et vie privée, causant maladies, stress et "burn-out".
La protection des données inquiète aussi Syndicom. Il entend faire introduire un label, qui fixerait des limites au recensement et à l'utilisation des données électroniques et physiologiques.
Suppression de postes
Au lendemain de l'annonce par Swisscom de sa volonté de ramener ses effectifs en Suisse de 18'400 emplois à temps complet actuellement à 17'900 en fin d'année, Syndicom n'a pas échappé aux questions sur le sujet. Ces 500 postes impliquent qu'une moitié va véritablement disparaître et que l'autre va entraîner une création équivalente dans de nouveaux domaines, selon les syndicalistes.
"Pour les partenaires sociaux, il est difficile de déterminer quand des emplois disparaissent pour cause d'optimisation des coûts, et quand ils disparaissent pour donner naissance à d'autres dans le cadre de la mutation technologique", a dit Giorgio Pardini.