Conseils pratiques

Apprivoiser les paradoxes, la nouvelle martingale managériale

À l'avenir, le rôle du manager sera de créer de la cohérence entre plusieurs forces organisationnelles paradoxales, parfois même contradictoires.

La métamorphose toujours plus rapide de notre environnement souligne l’importance critique d’une vision systémique du leadership afin de développer la réputation d’une organisation, attirer et fidéliser de nouveaux collaborateurs, inspirer et mobiliser l’ensemble des employés et renforcer la loyauté des clients, investisseurs et autres partenaires.

Dès lors, des enjeux jugés non stratégiques, ou simplement ignorés, s’imposent désormais avec force à travers des injonctions paradoxales à décrypter puis dépasser, comme nous le rappelle Dave Ulrich: «La capacité à naviguer à travers les paradoxes constitue la prochaine vague dans l’évolution de l’efficacité managériale.»

Individuel vs Collectif: personnaliser ou co-construire

Comment prendre en compte les besoins individuels d’acteurs internes et externes toujours plus nombreux et diversifiés tout en favorisant la mobilisation de l’intelligence collective?

Les managers doivent impliquer au maximum leur équipe dans le processus de décision afin de permettre une appropriation élevée et une prise de décision au plus près des réalités du terrain. Chacun participe ainsi à la mise en œuvre de la stratégie et des objectifs associés et cherchera à mobiliser l’ensemble de ses ressources. Une délégation situationnelle permettra, en outre, de faire monter en compétences et en autonomie l’ensemble des collaborateurs.

Par ailleurs, le manager devra connecter la capacité d’action de son équipe à d’autres personnes au sein de l’organisation (autres équipes, experts), voire en dehors (freelances, cabinets de conseil, acteurs institutionnels, investisseurs, etc.) tout en favorisant une compréhension mutuelle des attentes pour aligner les capacités d’action individuelles avec le projet collectif.

Enfin, pour construire les conditions d’une mobilisation effective de l’intelligence collective au sein de son équipe et au-delà, le manager devra développer un environnement de travail favorable où chacun se sent en sécurité et en confiance pour s’exprimer, demander de l’aide, donner du feedback...

Performance vs Éthique: produire ou impliquer

Comment permettre à chaque personne de s’épanouir tout en s’assurant que la performance est au rendez-vous et que les moyens employés sont éthiques et compatibles avec le développement durable de la société?

Il s’agit ici de concilier les aspects humains et économiques dans le cadre du pilotage de la performance, le succès d’une organisation passant avant tout par la capacité à mobiliser chacune des personnes qui la constitue. Cet optimum présuppose néanmoins un alignement des missions avec les besoins, les motivations et les capacités des collaborateurs et un soutien approprié, reposant notamment sur un feedback constructif.

Par ailleurs, les managers doivent permettre à chacun de devenir acteur de sa carrière en accompagnant l’évolution des missions proposées et le développement idoine, et ce, dans un contexte où la technologie transforme les métiers et les compétences requises de plus en plus rapidement.

La résolution de ce paradoxe implique, en outre, une transformation de la posture du manager: ce dernier devra se mettre au service de son équipe et incarner les valeurs de l’organisation en montrant l’exemple pour faciliter le déploiement des comportements attendus.

Court terme vs Long terme: consolider ou transformer

Comment répondre aux besoins actuels du marché tout en se préparant à répondre à ceux de demain, qui impliquent des changements organisationnels et des innovations? Comment atteindre ses objectifs à court terme, sans compromettre ceux à long terme, impactés par nos décisions actuelles?

Ce paradoxe semble nous imposer un grand écart entre le présent et le futur. Le knowledge management propose de nombreuses solutions qui permettront de construire une passerelle entre ces deux temporalités: communauté de pratique (apporter rapidement des solutions pertinentes, valoriser les experts, essaimer les savoirs) post-mortem (prise de recul en groupe permettant de renforcer la cohésion et la performance), best practices (capitaliser sur les bonnes idées en les partageant).

Un deuxième élément critique consiste à articuler la stratégie RH avec la stratégie de l’organisation. Cela suppose de sortir de la logique administrative de la fonction, encore trop répandue, et de déployer un management par les compétences qui permette à chaque manager de savoir de quelles ressources il dispose aujourd’hui, lesquelles lui seront nécessaire demain, et ainsi de construire un pont entre ces deux réalités.

Enfin, une prise de recul pour analyser les impacts humains et économiques de nos actions et de nos décisions permet de mieux synchroniser les actions à court et long terme. Elle nous invite à accroître notre champ de vision pour étudier les impacts internes et externes de façon globale.

Créer du collectif avec de l’I.A.

Une autre question fondamentale se trouve à la croisée de ces 3 paradoxes: comment créer un collectif avec des humains et de l’intelligence artificielle de façon éthique pour gérer efficacement les changements et tirer le meilleur des avancées technologiques?

Mettre efficacement l’intelligence artificielle au service des humains passe par la capacité à mobiliser réellement l’intelligence collective et diversifiée d’une entreprise en la connectant à un objectif commun et mobilisateur, afin de prendre appui sur le besoin d’appartenance qui résonne en chacun de nous. Il s’agit, de plus, d’étendre notre perception de la diversité pour y inclure l’I.A. sous toutes ses formes.

Le besoin de sécurité nous souffle à l’oreille que nous pourrions, par ailleurs, regarder les changements incessants impulsés par les technologies comme une formidable opportunité de nous réinventer afin de créer une capacité durable à évoluer en prenant appui sur nos potentiels de développement.

Pour résoudre ces paradoxes, il est nécessaire de prendre du recul, d’oser demander de l’aide pour ainsi accéder à des ressources additionnelles, et enfin, de changer de posture/croyance. Car finalement, le leader n’est pas celui qui fait tout; c’est celui qui rend tout possible!

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Après une formation en GRH, Nicolas Quoëx a travaillé 14 ans dans des organisations de tailles et secteurs variés en qualité de responsable des ressources humaines. En 2012, il est devenu indépendant puis a cofondé Skillspotting fin 2014. skillspotting.com

Plus d'articles de Nicolas Quoëx

Cela peut vous intéresser