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Au temps des vacances qui ne sont vraiment plus de tout repos

Le stress s’est-il insinué jusque dans nos vacances? Beaucoup de collaborateurs ont aujourd’hui l’impression de les payer chèrement. Doit-on travailler plus avant et après, et parfois suivre des dossiers pendant ses vacances? Nous avons tendu l’oreille… en vacances.

La scène est des plus courantes. Installé au bord d’une piscine, sur la Costa Brava par exemple, vous pouvez suivre, en allemand, en anglais, en espagnol ou dans de nombreuses autres langues, un homme ou une femme, l’oreille collée à un portable, en train de régler des affaires professionnelles. Il y certainement parmi eux des patrons et des indépendants qui travaillent d’où bon leur semble, mais aussi de nombreux collaborateurs d’entreprises, en congé payé, qui s’inquiètent encore des dossiers qu’ils ont laissés en  suspens.

Ce n’est que l’un des exemples qui signalent que les vacances, évidences de la vie professionnelle, ont tendance à devenir moins évidentes.  D’un côté, les collaborateurs oublient parfois que l’employeur est libre de fixer lui-même les dates. De l’autre, pour certains employeurs, les vacances sont souvent devenues un véritable cassetête de gestion du personnel en raison des éclaircissements nombreux apparus dans les rangs.

A quoi servent les vacances? Une analyse très fouillée réalisée en 2001 par Eric Cerottini dans sa thèse de doctorat* en droit pose la définition suivante de la notion dans le texte et dans l’esprit du droit suisse: «Le droit du travailleur à une période d’interruption du temps de travail prolongée, continue et rémunérée, ne nécessitant pas de travail compensatoire, dont la durée et les dates sont déterminées à l’avance, durant laquelle le travailleur doit pouvoir effectivement se remettre de la fatigue accumulée en cours d’année et pendant laquelle il dispose d’un libre choix de son emploi du temps dans la limite et le respect de son devoir de fidélité.» (C’est nous qui souli-gnons.)

Interrogé sur sa thèse par le magazine «Allez savoir», le juriste résume ce qu’il a tiré de son étude du droit du travail: «Je me suis rendu compte en l’étudiant que sous une apparence de cohérence et d’exhaustivité, la réglementation des vacances était souvent confuse et lacunaire, ce qui provoquait des interprétations contradictoires néfastes à la sécurité du droit.» Il rappelle dans son ouvrage l’un des objectifs essentiels des vacances: «Empêcher l’apparition d’un surmenage physique ou nerveux ou du moins pour en réduire le plus possible le risque…»

L’art. 329 du Code des obligations donne droit pour chaque année de service à «quatre semaines de vacances au moins et cinq semaines au moins aux travailleurs jusqu’à l’âge de 20 ans révolus.» Elles sont destinées à se reposer avant tout; elles doivent aussi permettre à l’employé de développer sa personnalité, de sortir des routines…
Pour s’assurer que les employés puissent vraiment se reposer, le Code des obligations a fixé une condition supplémentaire: «En règle générale, les vacances sont accordées pendant l’année de service correspondante; elles comprennent aux moins deux semaines consécutives.» Cet ajout entré en vigueur le 1er juillet 1984 marque une prise de conscience: il faut assurer la possibilité de se reposer vraiment pendant les vacances et dans l’année où se produit la fatigue. La médecine du travail va dans ces sens, explique encore Eric Cerottini dans l’article publié dans «Allez Savoir». «Cette contrainte a été fixée suite aux constatations de la médecine du travail: un minimum de dix à quatorze jours est néces-saire pour éliminer durablement la fatigue de fond accumulée durant l’année.»

Revenons au bord de la piscine. Ce vacancier n’est pas en train de se remettre sérieusement de la fatigue accumulée. Il a en plus vécu une dernière semaine éprouvante avant d’arriver sur la côte espagnole. Aujourd’hui, en vacances, ce constat est partagé par beaucoup. Avant les vacances, il y a trop de travail; au retour, la charge sera encore plus grande. La sérénité est donc longue à se mettre en place et prompte à disparaître.

L’excès de travail avant et après les vacances ressemble à s’y méprendre à du travail compensatoire. Or il n’est pas prévu que les employés  doivent s’y livrer pour avoir droit à leurs vacances.

D’autres exemples dans les entreprises laissent penser que les vacances ne sont pas toujours prises sérieusement en considération dans le planning général de la production. «La semaine dernière, explique une employée de l’administration, j’ai galéré du matin au soir et fait des heures supplémentaires. Deux de mes collègues   étaient en vacances, le service ne peut pas tourner lorsque l’un d’entre nous manque.» Trop de tâches pour trop peu de collaborateurs!

Alors, parfois, on a tendance à oublier de prendre des vacances pour assurer la marche des affaires. Le report des vacances sur l’année suivante est devenu courant, malgré l’encouragement de l’art. 329 à prendre les vacances dans l’année de service correspondante.

Passons sur un terrain de sport. Il est admis par la plupart que le meilleur maître de son propre effort, dans une compétition d’endurance, est le sportif lui-même. Le droit donné à l’entreprise de choisir les dates de vacances ne permet pas toujours au sportif du travail de choisir le moment le plus opportun pour se régénérer. Or, il est certainement le plus à même de se connaître pour saisir à quel moment il n’est plus efficace. Le cas particulier des vacances à date fixe dans la construction ou dans l’enseignement ne contredit pas cette observation: il y a dans ce domaine une régularité qui permet de planifier sa performance. On constate d’ailleurs chez de nombreux collaborateurs avec plusieurs années de carrière l’habitude de prendre ses vacances aux mêmes dates chaque année.

C’est le retour des vacances, on a bien récupéré. On est moins grognon, reposé, frais et dynamique. On a pu choisir nos dates dans la plupart des cas, mais on se demande encore pourquoi il y a tellement de tâches ce début de semaine.

On se dit que les deux partenaires ont intérêt à cette «paix des vacances». On peut même supposer que tous visent un objectif qui va dans la même direction: avoir des collaborateurs en forme pour les uns, être des collaborateurs efficaces pour les autres.

 

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