RH en multinationales

Bon à savoir pour planifier la retraite des collaborateurs expatriés

Aujourd'hui, le parcours du collaborateur expatrié se fait de plus en plus sous différentes conditions contractuelles locales. Cela pose plusieurs défis en termes de planification de la retraite et des avoirs de deuxième pilier.

Depuis 2010, la mobilité internationale est abordée différemment par les entreprises internationales. Essentiellement pour des raisons de limitation des coûts, l’expatriation n’est plus la solution la plus sollicitée. Les entreprises qui continuent à avoir besoin que leurs collaborateurs se déplacent le font désormais beaucoup selon des conditions de contrat local à contrat local, ce qui implique pour les collaborateurs concernés que ceux-ci sont employés dans le pays d’envoi selon les conditions locales (avec quelques avantages en nature souvent) mais notamment en matière d’assurances sociales se retrouvent affiliés, dans lequel ils exercent leur mission temporaire, enchaînant ainsi les affiliations à de multiples législations. 

Le parcours du collaborateur expatrié se fait donc sous différentes conditions contractuelles. En effet, certains sont maintenus dans le régime de sécurité sociale de leur pays d’origine par le biais de l’application des conventions de sécurité sociales existant entre de nombreux états et/ou par le biais de l’application du règlement européen de coordination en matière de sécurité sociale. À titre de rappel, il est important de souligner que la Suisse, bien qu’elle ne fasse pas partie de l’Union européenne, applique néanmoins ce règlement aux ressortissants suisses et européens. Dans le cas de ces expatriés, maintenus au régime suisse, les diverses missions à l’étranger n’ont pas d’impact sur le calcul de leurs prestations de retraite, puisque malgré qu’ils aient exercé leur activité professionnelle partiellement à l’étranger ils ont continué à cotiser en Suisse selon les règles ordinaires. 

Pour les collaborateurs qui eux ont cotisé dans de multiples pays se pose la question de savoir quelle sera la procédure à suivre afin de demander les prestations auxquelles ils ont droit dans tous les pays dans lesquels ils ont contribué. Lorsque ces collaborateurs prendront leur retraite dans quelques années, ils devront s’assurer que toutes les contributions effectuées durant leur carrière, parfois dans de multiples pays, soient effectivement prises en considération dans le calcul de leurs prestations. 

Il s’agit avant tout de distinguer ce qui est de l’ordre de la prévoyance étatique (ce que l’on appelle généralement le premier pilier) et ce qui est lié à la prévoyance semi-privée (les fonds de pension). Pour ce qui est des pensions étatiques, la procédure est désormais unifiée et les demandes de prestations sont traitées de façon centralisée sans que l’individu ait besoin d’aller déposer une demande dans chaque état dans lequel il a travaillé. 

Pays de résidence au moment de la retraite 

La demande doit être déposée dans le pays de résidence au moment du départ en retraite ou le dernier état dans lequel vous avez travaillé. Le formulaire E207CH permet au niveau européen à chaque individu ayant travaillé dans plusieurs états différents de ne déposer qu’une seule demande dans son état de résidence et c’est ce dernier qui va ensuite gérer les procédures dans tous les états tiers concernés. La procédure vise à centraliser la demande de prestations, mais il revient à chaque État concerné de déterminer le droit à la prestation ainsi que le calcul de celle-ci. De plus, il est important de souligner qu’il y a une grande disparité des âges de départ à la retraite au sein de l’Union européenne, mais également parmi les pays tiers. La demande centralisée n’a pas pour effet de déclencher automatiquement le droit à la prestation lorsque l’âge de la retraite n’est pas encore atteint dans un des états concernés. Si tel est le cas, la demande dans cet état sera mise en suspens jusqu’à ce que l’individu atteigne l’âge légal de la retraite. 

Caisse suisse de compensation 

La Caisse suisse de compensation basée à Genève est l’organe en charge traiter les demandes de manière unifiée dans les pays européens, mais aussi dans les pays tiers avec lesquels la Suisse a signé des conventions en matière d’assurances sociales. Aux fins de compléter le formulaire, il sera nécessaire de fournir les périodes de travail dans chacun des États concernés, les numéros de référence (numéro d’affiliés) et tout document justificatif ad hoc. La caisse ne procédera aux demandes que lorsque toutes les informations auront été fournies. Il est par conséquent essentiel de conserver les documents nécessaires tout au long de son activité professionnelle. Dans la mesure où l’Union européenne a initié un mouvement de digitalisation, le défi lié aux documents justificatifs «papier» bien présent pour la génération actuelle sera moins d’actualité pour les futures générations. Par ailleurs, pour ce qui est de la demande de prestation d’un point de vue suisse, il est vivement recommandé de procéder à intervalles réguliers à la vérification de ses années de contributions. En effet, il serait fâcheux de réaliser peu de temps avant de déposer sa demande que certaines années de contributions sont manquantes, il s’agit de demander un décompte d’années de cotisation à la caisse de compensation cantonale concernée. Le faire à intervalles réguliers permet de s’assurer que les données ont bien été transmises à la caisse de compensation compétente et permet le cas échéant si l’on devait s’apercevoir que certaines années sont manquantes de réagir plus facilement que lorsqu’on doit remonter à un employeur il y a 35 ans en arrière avec le risque de ne plus être en possession des documents papier nécessaires ou pire encore que l’employeur n’existe plus à ce jour (voir aussi le formulaire de demande ci-contre). 

Contributions complémentaires 

Il est également à souligner que dans certains cas limités, il est possible de contribuer de manière complémentaire si une année venait à manquer, il s’agit d’une raison supplémentaire de demander à intervalles réguliers au cours de sa carrière et suffisamment tôt afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires en temps voulu pour palier à d’éventuels manques qui pourraient avoir un impact sur le montant final de la rente. 

Lorsqu’on s’intéresse aux fonds de pension, il y a un certain nombre d’aspects à prendre en considération. Il est toujours vivement recommandé de prendre connaissance du règlement de prévoyance. S’il s’agit d’un domaine hautement réglementé chaque fond de prévoyance dispose d’une certaine marge de manœuvre, dans les limites légales, pour définir le plan de pension. Par exemple certains plans de prévoyance prévoient qu’il est nécessaire d’avertir au moins trois ans avant (les délais peuvent varier) lorsqu’un assuré envisage de retirer le capital. Il serait ainsi regrettable de devoir renoncer à cette option si telle devait être la solution préférée d’un assuré seulement en raison du délai manqué. 

De même certains avantages fiscaux, tel que le fait de ne pas prélever la même année son avoir de fonds de pension et son avoir du 3e pilier a) en vue de lisser la progression du taux nécessitent que le départ en retraite soit anticipé et examiné au vu de la situation globale de l’assuré ou même du couple. 

Il s’agit aussi de considérer la règle qui prévoit que lorsqu’on procède à un rachat d’années de cotisations LPP, tout prélèvement de capital dans les 3 ans qui suivent ce rachat aura comme conséquence que le contribuable perdra l’avantage fiscal lié à la déduction du rachat (même lorsque la décision de taxation a déjà été rendue, auquel cas l’administration fiscale réouvrira la taxation). 

Collaborateurs de 57 ans et plus 

Certaines situations telles que le licenciement d’un collaborateur au-delà de 57 ans nécessite une attention particulière. À nouveau, il est essentiel de prendre connaissance du règlement du fonds de pension pour s’assurer des possibilités qui existent de maintenir le collaborateur dans le fonds de pension malgré le licenciement afin d’éviter que le départ en retraite ne se fasse depuis le compte de libre passage, ce qui résulterait pour cet individu à des conséquences financières parfois fâcheuses. De même avec les récentes modifications législatives ayant mené à une plus grande flexibilisation de la retraite, il est vivement recommandé d’examiner chaque situation individuelle de manière détaillée afin d’évaluer l’impact financier que pourra avoir le maintien de l’activité professionnelle au-delà de l’âge légal de la retraite. 

L’enjeu capital est le temps, le départ à la retraite est un moment clé de la vie des individus, et une planification adéquate et mise en place suffisamment tôt permet d’envisager cette étape de manière sereine. Maintenir le train de vie après la fin de la vie professionnelle est d’autant plus important que l’espérance de vie n’a jamais été aussi longue. 


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Céline Wehrle

Director Global Employer Services, Deloitte Suisse (cwehrle@deloitte.ch).

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Manuela Comizzoli

Senior Manager Tax and Legal, Deloitte Suisse (mcomizzoli@deloitte.ch).

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