«Ce sont souvent des schémas qui se répètent»
Karen Constantin a réalisé un mémoire pour «Comprendre le phénomène de démission dans le contexte de la profession d'infirmier-ère dans des institutions publiques», dans le cadre de son MAS RH aux universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg.

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Quelle était votre intention de départ?
Karen Constantin: Infirmière depuis 20 ans dans la même institution, j’ai vu de nombreuses collègues démissionner. J’avais envie de mieux comprendre leur décision. Je constate aussi beaucoup d’impuissance face à ces démisions. Les personnes partent, elles sont remplacées et les équipes subissent ce turnover.
Quelle a été votre méthode?
J’ai énormément lu sur le sujet pour avoir une vision systémique et ne pas me focaliser sur le domaine des soins. Parmi ces lectures, je retiens «Les transformations contemporaines de notre rapport au travail» de Daniel Mercure (2020, sous dir.) et «Réinventer le travail» de Patricia Vendramin et Dominique Méda (2013). J’ai ensuite mené une recherche qualitative. J’ai interrogé neuf personnes qui avaient quitté leur entreprise depuis six mois.
Vos conclusions?
Les raisons évoquées sont l’absence de perspective, la pénibilité du travail, le leadership inadapté et les dynamiques d’équipe. Les événements de vie et la recherche d’un meilleur Work-Life Balance jouent aussi un rôle. Dans chaque situation, à un moment donné, les choses deviennent insupportables. Cela peut être un décalage trop intense avec les valeurs personnelles, un épuisement ou une situation d’inconfort qui s’installe progressivement. Penser à démissionner provoque un soulagement, qui va ensuite être pondéré avec d’autres facteurs (sécurité financière, tensions sur le marché de l’emploi). Il s’écoule un minimum de trois mois entre la première idée et la démission. Et cela peut aller jusqu’à deux ans.
L’employeur aurait donc le temps de réagir...
Oui, un employeur pourrait par exemple réduire les facteurs de risque (pénibilité, inconfort, leadership, dynamiques d’équipes) ou alors augmenter l’attractivité du poste. Un autre axe serait de réduire le déca- lage entre les valeurs personnelles et professionnelles. Mais il faut s’y prendre en amont, durant la formation du soignant par exemple. Une autre piste serait d’instaurer un nombre d’heures de psychothérapie individuelle comme demandé dans d’autres professions. Concernant les événements privés, les personnes n’osent souvent pas en parler, par crainte de déranger. L’employeur pourrait prendre les devants et accorder des congés non-payés par exemple. Quelqu’un qui traverse une crise personnelle a souvent besoin de temps pour se remettre.
D’autres leviers pour réduire ces démissions?
Les entretiens de départ permettraient d’identifier d’autres éléments, car ce sont souvent des schémas qui se répètent. Nous avons par exemple constaté que des personnes qui partent en formation sont souvent frustrées à leur retour car elles n’ont pas la possibilité d’évoluer dans leur carrière. Un autre levier serait de soigner le travail en équipe. Cette dimension collective du travail est souvent interdépendante du leader et de sa formation.