Résumons. L’administration est donnée à la finance. La direction RH revient au COO. Et encore?
Reste une dernière dimension, qui est le conseil RH. Selon moi, ce conseil doit couvrir les trois domaines véritablement stratégiques. En premier lieu: le recrutement. Là aussi, j’observe qu’actuellement les RH sont trop souvent dans une logique transactionnelle.
C’est-à-dire?
Pour bien recruter, il ne suffit pas d’écouter les doléances internes et d’aller ensuite discuter avec les chasseurs de tête. Il faut s’assurer que la chaîne de valeur est bien alignée.
Quels sont les autres domaines stratégiques de la fonction RH?
La formation/développement. A ce propos, certaines pratiques actuelles m’étonnent. Quand j’observe que, dans certaines entreprises, 60 pour cent du budget de formation est dévolu à des cours de langues, je ne vois pas en quoi nous sommes dans des activités stratégiques?
Et le troisième domaine?
La rémunération. Et je ne parle pas de la paie. Mais plutôt d’une politique de rémunération équitable. Une rémunération qui fait que ceux qui travaillent bien gagnent plus que ceux qui travaillent moins bien. Et surtout qui valorise le travail d’équipe et qui n’utilise pas l’alibi du soi-disant marché pour cautionner la surenchère des salaires.
Ces tâches sont donc confiées au COO?
Selon moi, elles doivent être externalisées. Pourquoi? Car pour être de bon conseil, ce n’est pas l’intelligence qui compte, c’est la capacité à faire des comparaisons, du «benchmarking».
Le fait d’être extérieur permet de prendre de la hauteur pour mieux comparer?
Oui. C’est en tout cas mon expérience. Un jour, le patron d’une très grande entreprise est venu me voir. Il m’a dit: «Nous sommes sûrs que nous avons les meilleurs dirigeants – pour nous. Mais nous ne sommes pas certains d’avoir les meilleurs – du marché. Nous aimerions donc savoir comment pratiquent les autres entreprises que nous respectons.» Une telle attitude est non seulement remarquable mais juste.
Cette externalisation du conseil RH n’est donc pas une affaire de coût mais une question de perspective?
Oui. Parce qu’il faut en venir à la gestion du risque. Le poste de «Human Risk Officer» est à créer. Cette personne doit agir depuis l’extérieur de l’organisation et rapporter directement au conseil d’administration, avec un lien vers le CEO. Cette personne pourra ainsi donner l’alerte en cas de dysfonctionnements – burn-out, leader toxique, etc. Je crois qu’un Human Risk Officer aurait pu prévenir les 2 tragédies humaines de ces dernières semaines qui concernaient des dirigeants. Pas un DRH.
Mais aura-t-il toujours la sensibilité du business de l’entreprise s’il est placé à l’extérieur?
A ce niveau-là, la granularité fine n’est pas indispensable. Une fois les fondamentaux de l’opérationnel gérés, les grands enjeux stratégiques de la gestion humaine se ressemblent quel que soit le secteur d’activité. Sur l’idée du Compliance Officer, il s’agit de rappeler aux dirigeants qu’ils ont un devoir de pérennité vis-à- vis de l’entreprise. Ce devoir est de trouver les bons employés, de bien les former et de bien les rémunérer. Le défi est de faire juste dans les trois cas. Si on aspire à faire juste, on doit être ouvert à l’extérieur. L’autoréférence c’est comme l’endogamie: un facteur d’appauvrissement.
Un consultant tout terrain
François E. Clerc est le fondateur et le directeur du cabinet de conseils AdValorem Partners, basé à Genève, spécialisé dans le conseil de direction, la création de comités consultatifs et le recrutement de dirigeants. Après une licence en psychologie à l’Université de Genève, il a travaillé quinze ans dans l’informatique en RH, vente et marketing notamment chez Hewlett Packard, DEC et Compaq. Il a ensuite dirigé un bureau de distribution à Hong Kong. Revenu au pays, il a été pendant 11 ans senior partner chez Spencer Stuart. Il est aujourd’hui associé senior du cabinet de conseils DynamicsGroup.
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Pensez-vous comme François E. Clerc que les tâches du DRH doivent être confiées au directeur opérationnel? Le DRH devient ainsi un arbitre externe, qui répond directement au conseil d'administration. L'administration est confiée à la finance et le conseil RH est externalisé. Réagissez à ces propositions sur le groupe de discussions HR Today Magazine sur LinkedIn. Une sélection de vos réactions sera publiée dans la prochaine édition print de HR Today.