Chômage des jeunes: l’appel instant du seco aux patrons
Berne frappe fort. Le seco passe à 6000 le contingent des stages pour jeunes dans le pays. Dans son interview, Jean-Luc Nordmann exhorte les employeurs, les collectivités publiques et les partenaires sociaux à s’engager à fond dans la bataille. Il compte également sur l’extension de la «libre circulation» pour doper l’emploi.
Selon le Département fédéral de l’économie (DFE), le risque de chômage pour la catégorie des 15 à 24 ans se situe dans la phase de transition entre le système de formation et le marché du travail. Il s’ensuit qu’une des mesures du dispositif de lutte contre le chômage des jeunes consiste à améliorer les interfaces entre le système de formation et le marché de l’emploi.
Dans une interview accordée à HR Today, le patron du seco Jean-Luc Nordmann parle des mesures qu’il compte prendre concernant ce dossier. Il annonce également que ces efforts ne relâcheront pas, même si la situation devait s’améliorer ces prochains mois. Il considère néanmoins que l’aide de l’Etat n’est pas extensible à l’infini. Elle a même touché son plafond.
HR Today: Les jeunes qui sortent de formation sont de plus en plus vulnérables. Comment réagit le seco?
Jean-Luc Nordmann: Nous voulons passer de 2400 places de stage en 2004 à 6000 au moins à la fin de l’année 2005. Mais pour cela, nous avons besoin de la participation de la Confédération, des cantons, des communes et des employeurs évidemment. Je profite d’ailleurs de votre tribune pour lancer un appel aux entreprises dans ce sens.
Certains estiment que la loi actuelle est ringarde. Elle ne serait pas assez souple au gré des entreprises et des travailleurs. Qu’en pensez-vous?
Je réfute ce grief, bien que la souplesse dans les entreprises ait gagné du terrain ces dernières années. Nous avons toujours soutenu qu’il vaut mieux travailler que rester chez soi. Même si un employeur vous occupe certains jours et d’autres pas, vous réalisez ce que la loi appelle un «gain intermédiaire». Le revenu mensuel total est alors supérieur au montant de l’indemnité. Qui plus est, le gain intermédiaire permet le cas échéant de prolonger et de préserver vos droits.
Quelles sont les aides que l’assurance-chômage offre aux jeunes qui n’ont pas de travail?
Pour les jeunes sans aucune expérience, nous avons conçu un instrument qui a fait ses preuves, le semestre de motivation, le Semo. Son but est d’aiguiller les participants vers les emplois les mieux adaptés à leurs capacités et leur profil. En plus des Semo, il faut mentionner les stages professionnels qui permettent de donner aux jeunes arrivés au terme d’une formation un minimum de pratique, dans une entreprise ou dans la fonction publique. L’assurance-chômage prend en charge 75 pour cent des frais et les 25 pour cent restants – mais au minimum 500 francs – sont supportés par l’employeur, pour un emploi à plein temps.
Et les programmes d’occupation?
Ils assurent un encadrement minimum par l’attribution d’un travail. Ces activités permettent de maintenir un emploi de temps régulier et évitent la perte progressive de l’envie de travailler et le risque d’exclusion. Autant que possible, nous veillons à ce que ces activités soient utiles à la collectivité, par exemple dans un hôpital ou pour des travaux communaux.
Trouvez-vous normal qu’il faille compter sur l’aide des parents pour boucler les fins de mois?
Je ne vois rien d’anormal. La loi ne doit pas donner de fausses incitations. Si l’assurance était trop généreuse pour ceux qui sortent de scolarité, l’indemnité de chômage dépasserait le salaire de l’apprenti. Même raisonnement pour les étudiants. C’est pourquoi ces personnes doivent subir un délai d’attente jusqu’à six mois, selon le cas. L’assurance-chômage ne garantit qu’un faible revenu, un argent de poche, rien de plus. Il n’a jamais été question qu’elle remplace financièrement la famille pour aider les jeunes en, ou sans formation.
Parlons des causes. La haute conjoncture a pris fin au cours des années 1970. Pour quelles raisons?
Effectivement cette période était exceptionnelle. Imaginez-vous, la Suisse comptait en 1974 221 chômeurs inscrits! La crise pétrolière a marqué la fin des «30 Glorieuses». En 1984, au terme d’un régime légal transitoire, l’assurance-chômage obligatoire est entrée en vigueur et, par des révisions successives, nous l’avons continuellement professionnalisée. La plus fondamentale des améliorations était la création d’offices régionaux de placement (ORP) axés sur la réinsertion rapide dans la vie active. Des mesures du marché du travail à caractère préventif ont également été introduites. En contre-partie, les chômeurs ont dû se montrer plus entreprenants pour retrouver un emploi.
Et les causes de ce revirement conjoncturel, quelles sont-elles?
La Suisse est sortie de la Seconde Guerre mondiale avec une économie quasiment intacte. Elle a profité de l’avance qu’elle avait sur les autres pays. Mais au fur et à mesure que nos concurrents sont devenus plus productifs, cette marge s’est réduite. Il faut reconnaître aussi que nous étions habitués à ce que tout réussisse et que nous avons dû apprendre à lutter, chose à laquelle nous n’étions pas préparés dans toutes les branches.
«Le contexte actuel a fait que j’ai accepté le poste sans le vouloir»
Pour Stéphane Riedo, la fin des études et l’entrée dans la vie active a été extrêmement difficile malgré une expérience positive à l’étranger. Séquence témoignage.
HR Today: Comment les problèmes ont-ils commencé?
Stéphane Riedo: Après avoir séjourné en Australie durant neuf mois pour préparer le Certificate of Proficency en anglais, j’avais l’idée de pouvoir travailler dans une organisation humanitaire ou dans l’économie libre. De retour en Suisse après un stage non rémunéré d’une année pour la reconstruction de favelas brésiliennes, je m’attendais à trouver facilement un emploi.
Comment avez-vous traversé votre période de chômage?
Avec de grandes difficultés. J’ai commencé par cibler tout ce qui correspond à ma formation et mes attentes. Je me suis dit que c’était normal au début et je m’en suis satisfait. Je déchante peu à peu, après avoir dépassé le cap de 50 offres de services, sans résultat. Ma confiance s’effrite. Je me pose des questions comme «Ai-je le profil recherché, ne suis-je pas assez compétent, ai-je insuffisamment développé mon réseau professionnel?». Cette étape a été extrêmement pénible et paradoxale. J’étais prêt à m’investir à 200 pour cent pour toute entreprise qui s’intéresserait à moi. Je pensais aussi à des formations complémentaires, mais sans capitaux, que faire?
Quel emploi avez-vous fini par trouver?
Au cours de mes études, j’ai eu l’occasion d’acquérir sporadiquement de l’expérience auprès d’institutions publiques ou parapubliques. J’ai réorienté mes recherches vers ce créneau et fini par décrocher une place d’éducateur spécialisé au service d’une fondation suisse s’occupant de réinsérer des personnes atteintes de troubles psychiques. Je ne suis pas formé pour ce métier, mais mon employeur n’a pas hésité à me donner une chance. La morale de l’histoire? Avec le recul, je trouve cette place très intéressante et ne je regrette pas d’avoir diversifié mes recherches pour arriver à ce résultat.